[VIDEO] Pradeep Jeeha :« Obeegadoo se comporte comme un Bérenger bis »

Si la Plateforme Militante va mal, c’est à cause de Steve Obeegadoo et son obsession de vouloir tout contrôler. C’est Pradeep Jeeha qui le dit. Ce dernier fustige la décision de son ami de parti de vouloir s’associer avec le MSM, l’accusant même de ne pas avoir d’amour-propre. Pradeep Jeeha revient également sur son combat en faveur des petits planteurs de la canne et laisse entendre qu’il pourrait influencer leur choix de vote aux prochaines élections. Un mot d’ordre n’est pas à écarter et celui-ci surviendra après la tenue d’un congrès qui regroupera possiblement des dirigeants des quatre partis traditionnels le 22 septembre prochain.

 Zahirah RADHA 

 

Q : Dix mois à peine depuis la création de la Plateforme Militante (PM) et déjà du rififi dans l’air. Qu’est-ce qui explique ce désaccord entre les membres fondateurs du parti ?

Il y a des différends qui ont été occasionnés par le comportement et le fonctionnement d’une seule personne, en l’occurrence Steve Obeegadoo. Il avait quitté le MMM pour ne pas faire ce que Bérenger y faisait, mais malgré toutes ses belles paroles, ses déclarations d’intention et ses beaux slogans concernant la démocratie participative ou la liberté d’expression, il s’est finalement mis à se comporter comme un Bérenger bis, voire une mauvaise copie de Bérenger !

Q : Bérenger a retrouvé grâce à vos yeux ?

Je ne dis pas que Bérenger est bon mais celui-là est pire. Il se comporte comme le grand manitou et c’est lui qui décide de tout. Ce qui a occasionné des problèmes de fonctionnement au sein de la Plateforme Militante. Cette attitude et cette obsession de tout vouloir contrôler, tout diriger et tout dicter ont persisté, comme ce fut le cas quand il était secrétaire général du MMM. Or, la Plateforme Militante n’a pas été créée pour subvenir aux besoins d’une seule personne, mais plutôt pour faire les choses différemment. Il y a tellement de problèmes de société ou structurels, que ce soit sur le plan économique, politique ou au niveau judiciaire qu’il faut revoir, mais qui ont été relégués au second plan en raison du désir d’Obeegadoo de tout contrôler.

C’est cela qui a apporté des frictions. Moi, je ne suis pas d’accord de fonctionner dans un tel système. Je n’ai pas quitté Bérenger pour refaire ce que j’ai fait pendant trente ans de ma vie. C’est aussi la position des membres des quatre autres circonscriptions qui nous soutiennent, dont les 4, 6, 17 et 19. Aujourd’hui, ce n’est que son fan club de la circonscription 17 qui le suit, contrairement aux autres.

Q : Mais ce n’est que maintenant que vous l’avez réalisé ou est-ce les deux tickets promis par le MSM qui occasionnent ces frictions ?

Non, pas du tout ! Les frictions ont commencé depuis novembre de l’année dernière. Le défunt Cuttaree était d’ailleurs au courant que les choses ne marchaient pas. Dès lors, j’avais prévenu Obeegadoo que je ne tolérerais pas cette attitude et que si je reste, il faut que tout le monde soit respecté et que les décisions soient prises d’une façon collective.

Q : Valeur du jour, où en est-on avec la PM ?

Elle est scindée en deux ! Et cela en raison des tentatives d’Obeegadoo de rechercher un rapprochement avec le MSM. Une position que la majorité de nos membres n’accepte pas. Malgré nos avertissements depuis avril dernier, il s’est empressé et entêté pour concrétiser une alliance avec celui qu’il dit être son camarade de classe. Mais nous ne le suivrons pas dans cette direction. C’est sa faute si la Plateforme a été scindée en deux.

Q : Regrettez-vous votre décision d’avoir créé cette plateforme après avoir quitté le MMM?

Je n’ai pas quitté le MMM. J’ai été expulsé parce que j’avais dit qu’il fallait qu’il y ait le respect, la confiance, des débats démocratiques au sein du parti et ainsi parce que je défendais le cas Obeegadoo qui était injuste. Moi, je ne regrette rien. Je ne vais pas renier à mes principes. Si Obeegadoo pense qu’il peut me servir pour arriver à ses propres fins, alors il a fait une grosse erreur.

Q : Partagez-vous le désir d’Ivan Collendavelloo de réunifier les militants ?

Ce désir de réunification ne survient qu’à la veille des élections ! Ivan Collendavelloo a été au gouvernement pendant cinq ans. Il a eu tout le temps qu’il fallait de faire une réunification si telle lui tenait vraiment à coeur. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Ce ne sont que des slogans creux pour recueillir quelques votes des militants désemparés, désillusionnés et déçus. On tente de se servir d’eux pour récolter des votes avant de les envoyer aux oubliettes pour les prochaines cinq années au cas où ce gouvernement remporte les élections.

Q : Tel serait-il le cas si on suit la logique d’Obeegadoo ?

Obeegadoo aurait dû être la dernière personne à faire un rapprochement avec Pravind Jugnauth et ce gouvernement pour ce qu’ils l’ont fait subir personnellement. Son épouse a été une victime de ce gouvernement. Son nom et son professionnalisme avaient été jetés en pâture quand elle avait résisté à l’acquisition de la NIC par la SICOM. Le ministre des Services financiers d’alors, Roshi Bhadain, avait même révélé son salaire d’un million de roupies et des pressions ont été exercées sur elle pour qu’elle s’en aille. Elle a dû quitter le pays pour trouver refuge à l’étranger avec ses enfants alors qu’Obeegadoo est, lui, resté à Maurice. Il doit être sans amour-propre pour faire une alliance avec ce gouvernement. Si quelqu’un avait fait subir cela à ma famille, jamais de la vie n’aurais-je bu une tasse de thé avec lui. Mais la priorité d’Obeegadoo est Pravind Jugnauth, non pas son épouse, sa famille et son honneur.

Q : Ce n’est donc qu’une question d’investiture ?

C’est peut-être une envie de retourner au Parlement à tout prix. Qu’a fait ce gouvernement pour mériter la confiance de la population ? Prenons le plus récent exemple, Sinatambou. En tant que ministre, il obtient une « entertainment allowance » de Rs 30 000. Comment se fait-il qu’il ne puisse pas payer une facture de Rs 1800 ? C’est un abus des biens sociaux et de l’argent des contribuables. Il y a aussi eu les scandales Tarolah et Ravi Yerrigadoo. Bref, la liste est longue.

Pour les prochains six mois, le gouvernement a alloué un contrat de Rs 14 milliards pour l’achat des produits pétroliers, refusant cependant de répondre des questions y relatives au Parlement en évoquant la clause de confidentialité. Vit-on dans une « economic emergency » en ce moment à Maurice ? Pourquoi a-t-on fait un « emergency procurement » à quelques mois des élections, et ce dans une opacité totale ? Il y avait déjà un contrat avec Mangalore. Pour quelles raisons l’ont-ils résilié alors que l’Inde soutient financièrement Maurice sur nombre de projets ? Obeegadoo ne le voit pas ?

Toutes ces nominations des cousins, cousines et lakwizinn qui dévirent le pays enbalao, la politisation à outrance des institutions, le bâillonnement de la presse  -d’ailleurs vous-même vous avez été convoquée à la police hier (ndlr : jeudi).ne font qu’allonger la liste de scandales sous ce  gouvernement. La presse est baillônnée alors qu’elle  avait aidé ce gouvernement à venir au pouvoir, mais aujourd’hui, celui-ci  ne supporte pas les critiques. Le pays est mal géré et il n’y a point de bonne gouvernance. Tous les clignotants économiques sont au rouge tandis que les pôles de développements, que ce soit le tourisme, l’informatique ou le sucre, dégringolent. L’année dernière, ils voulaient vendre des passeports. Cette année-ci, ils veulent prendre les réserves inexistantes de la Banque de Maurice pour réduire la dette. Conséquence : la roupie commence à baisser.

Il faut avoir un motif vraiment égoïste et des intérêts personnels pour fermer les yeux sur ces scandales et de chercher une alliance avec eux.

Q : Quelle sera donc votre posture lors des prochaines élections générales ?

Vous le saurez une fois les élections annoncées. Pour l’instant, je me concentre sur mon combat en faveur des petits planteurs de la canne. Le 22 septembre, j’organiserai un autre congrès à leur intention à Octave Wiéhé et où j’ai invité tous les quatre leaders des quatre partis politiques : Navin Ramgoolam, Pravind Jugnauth, Paul Bérenger et Xavier Duval pour qu’ils leur disent leurs propositions.

Q : Ces quatre leaders ont déjà accepté l’invitation ?

Au moins deux d’entre eux ont déjà accepté…

Q : Qui sont-ils ?

Je ne peux pas dévoiler leurs noms à ce stade mais deux d’entre eux ont déjà confirmé leur présence. La réponse des deux autres ne saurait tarder.

Q : Ce sera un genre de face-à-face ?

Ce ne sera pas un événement politique mais plutôt une question de survie économique pour les petits planteurs de la canne. C’est une cause digne qui concerne 25 000 petits planteurs et pour laquelle je me bats. Les leaders seront appelés à prendre des engagements auprès de ces planteurs notamment sur un revenu décent et équitable sur la canne, d’assurer leur pérennité dans le temps et finalement de revoir le cadre légal existant concernant l’industrie cannière et sucrière. Nous mettrons les problèmes sur la table et nous demanderons aux leaders de nous dire quelles sont leurs propositions face à ces problèmes. Après cette date, je serai en mesure de dire quelle posture j’adopterai.

Q : Vous serez un médiateur ?

Ce sont eux qui ambitionnent de devenir Premier ministres, pas moi !

Q : Vous n’avez pas de telles ambitions, sachant que Paul Bérenger voulait vous présenter comme Premier ministre à un moment donné ?

 Ce n’étaient que des promesses. And these promises are made at your risk and peril if you believe in them. J’ai cessé de croire dans les rêves et les promesses.

Q : Pour revenir à ce congrès, ce sera donc le leader qui prendra le plus d’engagements qui aura votre soutien ?

Il faut dissocier mon combat en faveur des petits planteurs de la canne de mes activités politiques. Je l’ai d’ailleurs expliqué aux membres de la Plateforme Militante. Je ne peux pas mener cette lutte pour mes avantages personnels car il y va de ma crédibilité. Je n’utiliserai pas cette plateforme des petits planteurs pour promouvoir ma carrière politique, si toutefois je décide de poursuivre à faire de la politique.

Q : N’empêche que ce groupement aura son mot à dire aux prochaines élections…

Évidemment, il regroupe 130 000 votes !

 Q : Vous aurez ainsi une influence sur leur décision ?

Les petits planteurs de la canne décideront de leur choix politique à la fin du congrès du 22 septembre. S’il faut donner un mot d’ordre, on le fera.

Q : On verra alors plus clair sur votre posture ?

Après le 22 septembre, je vais décider de la marche à suivre : si je serai candidat ou non, avec qui et dans quelle configuration. Mais le MSM est définitivement out !