[VIDEO] Neerozia et Bashir Mosaheb : Les tribulations d’un couple de marchands

Vous avez peut-être croisé ce couple de marchands à la rue Farquhar à Port-Louis, qui débouche sur le portique du Marché central. Bashir et Neerozia Mosaheb, mari et femme, ont en effet passé plusieurs années à vendre des fruits ou des pistaches contre vents et marées. À la force du poignet, ils sont devenus aujourd’hui parmi les plus importants vendeurs de letchis du pays.

Irfaan Khodabocus

Hélas, les temps sont durs : Bashir Mosaheb, 54 ans, est récemment tombé malade, et c’est désormais sa femme Neerozia, 53 ans, qui a pris la relève. Avec les descentes de police, il devient de plus en plus difficile pour le couple d’écouler leurs marchandises dans les rues de Port-Louis. En outre, les chauves-souris sont à la fête en ce qui concerne leurs arbres de letchis. Pour couronner le tout, Neerozia Mosaheb a appris qu’elle ne figure pas sur la liste des marchands ambulants qui se sont vu octroyer une place au futur Victoria Urban Terminal. Cependant, ils n’ont jamais baissé les bras.

Petit, Bashir Mosaheb aidait ses parents à écouler ses marchandises à la rue Farquhar à Port-Louis pendant les vacances scolaires. C’est à l’âge de onze ans, soit après ses études primaires, que Bashir commence à bosser comme marchand. « Sa in vin depi mo papa, monn prend la relève. Depi tipti, monn guet li travail ek monn apran samem. Le temps mo kit lekol, monn rentre naturellement dan commerce », nous explique Bashir. Actuellement, il prête main-forte à sa femme de temps à autre, mais ne peut faire cela tous les jours comme auparavant, son état de santé oblige.

Neerozia est quant à elle originaire de Pailles. Cette ancienne étudiante du collège Muslim Girls s’est ensuite installée à Notre-Dame il y a 30 ans, après avoir épousé Bashir, qui est en effet son cousin. Le couple a eu deux enfants. Une fois mariée, Neerozia a elle aussi commencé à épauler son époux dans son travail comme marchand ambulant à Port-Louis. « Tous les temps nou ti ensam, partou kot aller, mem dan travail. Ziska zordi, nou enkor ensam », clame notre interlocutrice. Et d’ajouter que tour à tour, les époux ont tout fait pour faire bouillir la marmite, en étant tantôt marchands de fruits et tantôt marchands de pistaches.

Toutefois, les difficultés n’ont pas manqué, et ne manquent pas, pour ce couple de marchands. Ils se remémorent comment ils ont dû faire face à toutes sortes de difficultés durant leurs vies.

Durant chaque été, Bashir achetait les fruits des vergers pour les revendre, parfois à d’autres marchands. Parfois, il plaçait aussi ses letchis en vente à Port-Louis. Ce n’est que ces derniers temps qu’il a commencé à éprouver des difficultés, avec la détérioration de sa santé.

Cette année, Neerozia n’a pas voulu laisser choir la tradition, même si son époux est souffrant. Ainsi, c’est elle qui a acheté les récoltes des vergers à Vallée-des-Paradis, anciennement connue comme Camp La Boue, proche du village de Notre-Dame. Après avoir acquis près de 200 arbres de letchis, le couple compte parmi les plus importants vendeurs de letchis du pays.  « Mo deza konn tou dan travail la. Akoz sa, monn prend la releve kan mo missier in tombe malade. Ki pou fer, bizin roule la kwizinn », nous dit Neerozia.

La police leur rend parfois la vie impossible

Pour aggraver le tout, les autorités avaient aussi commencé à sevir. « La police pa laisse travail. Ena fois retourne lakaz avec tous marchandise enkor en place », nous confie la quinquagénaire. Pas plus tard que deux semaines de cela, elle a fait une grosse perte avec la saisie de ses letchis. Le couple ajoute que vu l’interdiction des marchands ambulants dans les rues de Port-Louis, les letchis sont vendus directement au verger, à Vallée-des-Paradis, et cela, à un meilleur prix.. « Mo kapav acheter Rs 90 ek vend Rs 100. Tou les temps, nou travail lor ti prix », nous dit Neerozia.

Les chauves-souris : un vrai casse-tête

La marchande a cependant toutes les peines du monde à préserver ses letchis, à cause des chauves-souris qui raffolent de ces fruits. Comme beaucoup de planteurs et de marchands de fruits, elle aussi a pris l’initiative de recouvrir ses arbres avec des filets.

Après avoir fait une demande pour des filets, les autorités concernées ne lui ont pas offert pour tous ses arbres, en expliquant que le stock est épuisé. Neerozia a ainsi dû en acheter elle-même.

Pire, les chauves-souris sont devenues plus malignes ! Elles parviennent à se frayer un chemin pour être à l’intérieur des filets… pour faire la fête. Chaque matin, c’est un désastre que découvre Neerozia. Elle espère une fois pour toutes que les autorités viendront de l’avant avec une solution qui conviendra à tous, sans pour autant menacer cette espèce, en voie de disparition.

Pas de place dans le Victoria Urban Terminal pour Neerozia

Le couple Mosaheb, qui a depuis toujours travaillé dans les rues de Port-Louis, est  tombé des nues en apprenant que leurs noms ne figurent pas sur la liste des marchands qui auront une place dans le futur Victoria Urban Terminal. À maintes reprises, Neerozia est allée s’enquérir à la municipalité mais est toujours restée sur sa faim : on ne la reconnaît pas comme marchand ambulant !