Vers un rajeunissement de la classe politique ?

La France, depuis l’avènement de la Ve République en 1958, a osé. Le dimanche 7 mai 2017, Emmanuel Macron est élu Président de la République française à l’âge de 39 ans. C’est le plus jeune président dans l’histoire de la Ve République française. Il est également le plus jeune chef d’État du G20. Au niveau mondial, il est le cinquième plus jeune chef d’État. Le fondateur d’En Marche projette une image de technocrate, jeune et dynamique. Il promet plusieurs réformes. À Maurice, on a pris note et on espère que le pays suive son exemple : ainsi des citoyens commencent à faire entendre leurs voix sur l’intérêt du rajeunissement des politiciens.

À Maurice, un jeune de 18 ans et plus peut, du moins en principe, aspirer à être un membre d’une quelconque formation politique ou même de devenir leader d’un parti. Toutefois, il semble que la politique active et surtout l’attribution des responsabilités ministérielles restent le privilège et l’apanage des aînés.

Si nous faisons un constat sur l’âge de nos parlementaires actuellement, la situation est plutôt décevante. Notons la présence d’Adrien Duval, qui a l’âge de 27 ans, est le plus jeune de nos parlementaires et avait occupé le fauteuil de Deputy Speaker à l’époque où le PMSD était encore au gouvernement.

Il y aurait seulement trois députés de la tranche d’âge de 30-39 ans qui siègent dans l’hémicycle, tous partis confondus. Mais aucun d’entre eux ne détient un portfolio ministériel.

L’importance des jeunes en politique

L’historien et politologue, Jocelyn Chan Low affirme que les jeunes sont beaucoup plus intéressés par la politique, comparé il y a dix ans de cela. Ils avaient un avenir incertain à l’époque, selon lui. Il constate dorénavant un grand engagement de nos jeunes, ce qui ne peut qu’apporter du nouveau à notre système, surtout dans le contexte socioéconomique.

En ce qui concerne les vieux routiers de la politique, leurs systèmes de préséance et de traditions peuvent avoir un impact délétère sur les jeunes politiciens, d’après notre interlocuteur. Cependant, le politologue reste positif : « Les jeunes ont une voie et de l’ambition, et pourront percer malgré les obstacles. »

Le plus jeune de nos parlementaires : « Il faut croire aux jeunes et les donner toutes les chances »

 

Adrien Duval, bientôt 27 ans, député du PMSD, serait le plus jeune parlementaire actuellement. Il a été élu député en 2014 et a siégé comme Deputy Speaker de l’Assemblée nationale pendant deux ans. Aujourd’hui, Adrien Duval s’est fait une place au milieu des politiciens bien plus âgés que lui. Lorsqu’il était Deputy Speaker, il devait maintenir l’ordre dans un hémicycle bondée où le Premier ministre d’alors avait 60 ans de plus que lui.

Cependant, même comme simple parlementaire, Adrien nous confie que le ‘challenge’ est toujours présent. Il déclare ceci : « C’est normal de se sentir intimidé quand on est entouré des personnes expérimentées. Mais au fur et à mesure qu’on apprend le métier, l’intimidation laisse place à la confiance et à la conviction. » Il soutient que les aînés de son parti l’ont bien encadré et guidé avant qu’il ne se lance dans la politique. Pour assumer ses rôles de Deputy Speaker, Adrien Duval s’était rendu en Angleterre en visite privée pour assister aux séances du Parlement britannique. Le parlementaire s’est documenté sur les fonctions et les responsabilités qui l’attendaient, en bouquinant. Ce dernier n’a même pas hésité de demander des questions à un ancien clerk de l’Assemblée nationale afin d’éclaircir les zones d’ombres relatives aux procédures parlementaires.

Selon lui, ce sont les principes, les convictions et la volonté de changer les choses pour le bien-être du pays, qui démontrent la capacité d’un jeune et non pas ses qualifications. L’âge ne doit pas être une barrière. Ainsi, il demande à ce que l’on cesse de percevoir les jeunes comme des novices et donc incapables de participer au développement du pays. Il faut croire en eux et les donner toutes les chances.

 Les ailes jeunes de nos partis : le tremplin pour une carrière politique

Le MSM, le MMM, le Parti travailliste et le PMSD sont les quatre principaux partis politiques de l’île. Ils ont chacun une aile jeune. Les responsables de ces instances nous livrent leurs impressions sur la corrélation entre la jeunesse et la politique.

MMM

Un panachage entre jeunes et politiciens chevronnés

On ne peut parler jeunesse et politique sans parler des débuts du Mouvement Militant Mauricien (MMM). On peut dire que la première entrée fracassante des jeunes en politique a été l’entrée en scène du MMM, connu alors comme le Club des étudiants militants. Il y avait un ras-le-bol généralisé avec le régime vieillissant de Sir Seewoosagur Ramgoolam dans les années 70, et la jeunesse, l’esprit rebelle et la fougue des jeunes loups mauves avaient séduit l’électorat… on connaît la suite.

Le MMM a aussi été le premier parti avoir créé une aile jeune, imité en cela par les autres partis. Idem pour l’aile féminine. Aujourd’hui, le MMM peut se vanter d’accorder une place importante aux jeunes.

Kervin Ramma, président de l’aile jeune du MMM, explique que Paul Bérenger, leader du MMM, demeure toujours à l’écoute des jeunes. Il ajoute aussi que les efforts fournis par ces derniers jeunes du parti sont reconnus à leur juste valeur et récompensés : « Steeve Obeegadoo est un pur exemple d’un ancien président de l’aile jeune qui a accédé au plus haut échelon du parti ».

Fawzi Allymun, le secrétaire régional du MMM au numéro 15 : « Le MMM est la plus grande école politique que Maurice ait jamais connue. Nous avons des jeunes au niveau du Comité central et même au niveau du bureau politique ». Toutefois, il est d’avis que « La question d’un Macron mauricien ne se pose pas. À Maurice, il faudrait plutôt un tandem composé d’un jeune et d’un ancien pour être à la tête du pays ».

PMSD

Tout faire pour donner l’image d’une équipe jeune et active

Du côté du Parti mauricien social-démocrate (PMSD), le président de l’aile jeune, Patrice Armance, explique que la stratégie du PMSD est d’attirer encore plus de jeunes. D’ailleurs, le PMSD est le parti politique qui compte parmi les élus les plus jeunes au Parlement, d’après la moyenne d’âge. La politique du PMSD envers ses jeunes recrues : la mise en place de plusieurs projets sociaux pour leur inculquer les valeurs du parti. En outre, chaque circonscription est représentée par un membre de l’aile jeune. Environ 150 membres de l’aile jeune des bleus participent activement aux activités du parti.

MSM

« Un leader jeune qui a une vision prometteuse pour les jeunes »

Le Mouvement Socialiste Militant (MSM), avec son ministre mentor de 86 ans, ne projette pas vraiment une image de jeunesse… Toutefois, la PPS Sandhya Boygah nous rassure que les jeunes occupent une place très importante au sein du parti. Elle prend pour exemple Bobby Hureeram et Stéphane Toussaint, deux anciens membres de l’aile jeune du MSM, qui siègent aujourd’hui au Parlement. D’ailleurs, Stéphane Toussaint est le ministre de la Jeunesse et des Sports. « Avec un leader jeune comme Pravind Jugnauth, qui a une vision très prometteuse pour les jeunes, ces derniers auront bel et bien un avenir brillant au sein du MSM », affirme la PPS.

PTr

Plus d’engagement des jeunes est nécessaire

Nicolas Frichot, membre de l’aile jeune du Parti travailliste, estime que les jeunes ont une place prépondérante dans la politique. Il dit que la politique a certainement besoin d’une ère nouvelle et d’une évolution. « C’est bien de préserver les traditions mais nous devons innover en même temps, en parallèle avec l’évolution du pays », observe-t-il. Il souligne aussi que ces derniers temps, il y aurait un désengagement des jeunes envers la politique. Pour Nicolas Frichot, il est impératif que les aînés montrent la voie : il n’adhère pas au fait qu’assister à des réceptions et autres fonctions puisse être considéré comme un devoir accompli. Aller sur le terrain, organiser des campagnes et communiquer avec les gens seraient une façon de donner l’exemple aux jeunes qui veulent faire de la politique.

 La vieille garde des partis politiques : un obstacle majeur

Afiifah Mungalee Meea, présidente de l’Institute of Social Development & Peace (ISDP) œuvre à ce que les jeunes s’intéressent davantage à la politique. « Suite à un sondage mené par notre organisme, nous avons constaté que la majorité des jeunes n’ont que peu de connaissances en politique. Les autres en ont, en revanche, une mauvaise perception », déplore Afiifah Meea. Toutefois, cette jeune femme ne désespère pas et pense que les choses peuvent évoluer positivement.

Pour elle, la politique ne se limite pas à être un député ou ministre, il existe d’autres façons de faire de la politique. « Nous allons organiser des campagnes de sensibilisation à travers les réseaux sociaux afin d’encourager les jeunes à entrer en politique », a conclu Afiifah Meea.

Quant à Nilen Vencadasmy, jeune avocat d’une quarantaine d’années, la vieille garde de la politique mauricienne est selon lui un problème majeur. « Le système actuel est en déphasage avec les exigences du peuple ». L’avocat songe par ailleurs à créer un parti politique d’ici 2024. La prochaine étape selon lui, est d’aller à la rencontre des Mauriciens qui sont intéressés à changer le pays pour le mieux. Il est certain qu’un mandat limité à deux ans pour un Premier ministre serait une bonne chose : « Le fauteuil du PM sera ainsi plus accessible aux personnes compétentes ».

Le désintéressement de beaucoup de jeunes

Nous avons recueilli l’opinion de plusieurs jeunes, notamment des étudiants à l’Université dans diverses filières. Le sentiment prédominant : un désintéressement de la chose politique et un cynisme envers la classe politique actuelle. Voici quelques-uns des témoignages recueillis :

Keshav, 21 ans, Sainte Croix

« Je pense que la politique est une perte de temps. La politique ne se développe pas à Maurice. Les politiciens ne travaillent pas pour le développement de la société mauricienne. Les jeunes ne sont plus intéressés dans la politique, ils préfèrent se tourner vers le social. »

Fawaz, 22 ans, Pailles

« Il n’y a pas d’avenir pour les jeunes dans la politique. Les politiciens actuels sont des dinosaures qui d’offrent pas d’opportunités aux jeunes. La plupart de nos politiciens sont âgés de plus de 40 ans. Il manque aussi une vision pour les jeunes dans la politique à Maurice. »

Narvesh, 23 ans, Flacq

« Il y a de l’espoir pour les jeunes au sein de la politique. On peut constater qu’il y a un changement dans la façon dont les jeunes votent. À Maurice, le système politique est stable. Afin de renforcer notre système, nous devons venir de l’avant avec une réforme politique cohérente. Notre système actuel permet aux jeunes de s’impliquer dans la politique. »

Oliver, 25 ans, Pamplemousses

En tant que jeune, je suis activement la politique afin d’être au courant de ce qui se passe dans le pays. Je ne peux pas etre indifferent de ce qui se passe au niveau des instances dirigeantes du pays, ce qui ferait de moi un citoyen irresponsable.  Je pense que la rediffusion des travaux en direct des travaux à l’assemblée nationale incitera les gens à s’intéresser à la politique et nous fournira de meilleurs renseignements pour que nous puissions aller voter de manière responsable te rationnel.  Je trouve que la jeune génération est bien intéresse avec ce qui se passe dans le pays.