Un membre du gouvernement aurait-il tiré les ficelles ?

Gagging du Mauricien Shameem Korimbocus à Dubaï 

  • Malgré la déclaration de Pravind Jugnauth à l’effet que son gouvernement n’a rien à faire avec cette histoire, un député influent de la majorité est bel et bien intervenu auprès des autorités dubaïotes, comme en atteste une conversation téléphonique dont nous avons une copie…
  • « Be couyon là, li bizin fer attention », y avertit Showkutally Soodhun
  • « Al Mighraine kine fer sa », révèle l’ancien VPM

Il vit à des milliers de kilomètres de Maurice. Mais pourtant, Shameem Korimbocus aurait fait les frais de sa franchise et de ses critiques ô combien blessantes envers le gouvernement mauricien. A-t-il été victime d’une machination politique visant à l’intimider ? Si le Premier ministre s’exonère de tout blâme dans cette affaire, il s’avère qu’un membre de son gouvernement, en l’occurrence Showkutally Soodhun, aurait bien tiré quelques ficelles…

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Qui a donné des instructions pour que les autorités dubaïotes lancent un sévère avertissement à notre compatriote Shameem Korimbocus pour qu’il cesse de poster des vidéos jugées préjudiciables envers le gouvernement mauricien ? C’est LA question que tout le monde se pose depuis que la nouvelle de sa convocation ‘under warning’ par le bureau d’immigration de Dubaï a répandu comme une traînée de poudre, mercredi. À priori, il est difficile de croire que les critiques humoristiques de Shameem Korimbocus sur Facebook pourraient agacer le gouvernement dubaïote à tel point tandis que ses « vérités ki pou dérange zotte » ne vise que le pouvoir mauricien. À moins que les autorités mauriciennes ne soient intervenues auprès de celles de Dubaï pour qu’on lui serve une mise en garde. C’est ce que nous confirme d’ailleurs notre compatriote. « Zot ine dire moi ke zot ine gayn complaintes depi gouvernement maurice », soutient-il. Ce que le Premier ministre nie, lui, catégoriquement. « À mo grand étonnement, ena ene kiken ki reste Dubaï. Li pe dire ena kitsoz ki line poster lor Facebook, nou pe rode fer déporte li. Totalement fausse ! Auken l’autorité, ni la police, ni au niveau PMO nou pane contacté gouvernement Dubaï pou dire déporte sa boug la », a lancé Pravind Jugnauth lors d’une fonction, vendredi soir.

« Couyon la, li bizin fer attention »

Qui a donc donné des instructions aux autorités dubaïotes pour que Shameem Korimbocus soit inquiété de la sorte ? Car l’immigration de Dubaï n’aurait pas agi de la sorte s’il n’avait pas eu des consignes précises. Pravind Jugnauth semble ne pas être au courant de ce qui se trame au sein de sa majorité. Pourtant, il y a bel et bien un membre de son gouvernement qui est intervenu auprès de l’immigration dubaïote dans le cas de Shameem Korimbocus. L’on ne peut confirmer si ce député très influent auprès des Arabes a sévi pour que les ailes de Shameem Korimbocus soient coupées. Par contre, l’on est certain qu’il a intercédé en sa faveur pour qu’il ne soit pas… déporté ! Et ce, après qu’un intermédiaire à Maurice lui ait supposément mis la puce à l’oreille.

En effet, selon une copie d’un enregistrement téléphonique que nous avons en notre possession, il s’avère que l’ancien vice-Premier ministre Showkutally Soodhun aurait plaidé en faveur de notre compatriote. « Mone koze avec ene bon camarade là-bas. Mone dire li laisse li. Si fallait donne li ene warning mais pas déporte li. Si déporte li, lerla li pou vine ene boug misérable et lerla personne pas pou donne li travay. To koné ene interpol ine vini ine fer lenket, mais line promet moi li pas pou fer nanrien », dit-il à son interlocuteur. Showkutally Soodhun lance aussi un avertissement : « be couyon là, li bizin fer attention. Mo pas kone li. Tone dire moi fer sa, aveuglément mone fer li ». Le député se montre toutefois aussi prudent et s’empresse d’ajouter : « mais pas dire sa personne Moris ». Suite à la garantie donnée par son interlocuteur à l’effet que son secret sera bien gardé, le député se laisse aller à une confidence en révélant l’identité de celui qui a ordonné la convocation de Shameem Korimbocus. « Al-Mighraine kine fer sa […] Al-Mighraine appel li sa boug kine fer sa-là », avoue-t-il.

Quel rôle de Soodhun et du gouvernement ?

Cette conversation est révélatrice à plus d’un titre. Comment Showkutally Soodhun sait-il qu’un membre d’Interpol enquêtait sur ce Mauricien basé à Dubaï ? En quelle capacité ce membre du gouvernement est-il intervenu auprès des autorités dubaïotes pour que Shameem Korimbocus n’obtienne qu’un « warning » et non pas une déportation ? Agissait-il sous les ordres de ses maîtres, ceux-là mêmes qui détiennent les leviers du pouvoir ? Cette manœuvre cache-t-elle une machination politique contre notre compatriote ? Et si c’était le député du no. 15 qui aurait tiré les ficelles ? Aurait-il abusé de ses pouvoirs et de ses contacts pour s’assurer que Shameem se taise et rentre dans les rangs ? Puisque les officiers de l’immigration dubaïote ont bien contraint le lanceur d’alerte mauricien à signer une attestation garantissant qu’il ne fera plus de commentaires négatifs contre le pouvoir en place.

En tant que chef du gouvernement, Pravind Jugnauth gagnerait à s’y intéresser de près. Car il y va de la réputation de Maurice sur le plan international, surtout à un moment où quasiment toute la population s’indigne de la menace pesant sur la liberté d’expression à Maurice. Cette affaire, si elle n’est pas traitée avec doigté et délicatesse, risque de projeter l’image d’un pays où règne la dictature…