Tariq Ramadan: pourquoi lui?

Si j’étais  à la place du diable, je m’intéresserais  beaucoup à Tariq Ramadan.  Depuis plus de vingt ans,  rien ne l’arrête. D’abord,  partout, il invite à  Dieu, même lorsqu’ il ne mentionne pas le divin. Et il y ajoute nécessairement  le devoir de servir l’humanité,  tous les enfants d’Adam et pas uniquement les siens. Il  est fidèle au respect des parents, de la femme, et  de la famille.  Il est pour que la justice soit faite aux opprimés et démunis, quels qu’ils soient.  Il exhorte  à la dignité, au pardon, à la générosité, et à la paix… celle du cœur, surtout, dont il ne cesse de rappeler l’essentialité.  Il défend le lien avec Dieu, la conscience intime de Ses Signes que ce soit dans la création, dans le temps et, particulièrement,  à l’intérieur de chaque être.  Il projette une image de la foi en Dieu qui ne contredit pas la rationalité et l’ordre naturel et qui promeut le bien, la diversité,  le vivre-ensemble dans le respect de « l’autre en nous ». Il s’engage pour une « réforme radicale » de la pensée musulmane  pour donner un sens à tous les aspects de la vie.  Il ne se laisse pas piéger par le repli sur soi, n’accepte pas les extrémismes, violentes ou non. Et il a fait de l’éthique islamique le fer de lance d’une vision du monde  qui ne perd jamais de vue la finalité ultime : Dieu.

Il est dangereux parce qu’il veut  concilier l’être et le paraître. On n’enseigne pas ce qu’on sait, mais ce qu’on est. Il fait de son mieux afin d’incarner ce qu’il pense. Il transmet ce qu’il croit et s’y engage, corps et âme.  Avec sa famille, ses proches, ceux qui l’aiment et qu’il aime. Jamais oublier de leur dire que vous les aimez, car la vie est fragile. Il n’a pas peur des hommes, aussi tyrans soient-ils.  La vérité est que son comportement est quasi- irréprochable, les écarts infimes pas plus que n’importe quel homme aussi pieux puisse ce dernier être. Certes, il n’est ni prophète ni parfait,  mais son intégrité est inattaquable. Autant que c’est humainement possible, il arrive presque toujours à faire ce qu’il dit en toute cohérence. Lorsqu’il fait des erreurs, en toute humilité il s’excuse.  Les accusations, comme celle d’un double-discours, n’ont servi à rien sauf à conforter ceux qui ne veulent pas vérifier les faits, qu’ils ont raison à propos de Tariq Ramadan.

Alors, comment arrêter Tariq Ramadan ? L’assassiner en fera un martyr et le but ne sera pas atteint. Souvenons-nous d’Hasan al Banna. Il faut arrêter son influence et son activisme indissociable à celle-ci. Sa pensée et son approche  philosophique, sur l’islam comme sur le monde contemporain, résiste à toutes les attaques jusqu’ici, mieux elles en sortent grandies. Une génération émergeante  s’en inspire, et elle ne comprend pas que des musulmans.  Elle est de plus en plus visible et elle s’engage, un peu partout au monde.

Si j’étais le diable, j’aurais tout fait pour l’impliquer dans  un scandale où il est question de Dieu, de pouvoir, de sexe, et d’argent.  Et surtout l’islam ! Détruire ce rare symbole vivant de moralité qu’il représente.   Les média et les réseaux sociaux en raffoleront, jusqu’à provoquer les musulmans à s’attaquer à ses soi-disant victimes.  S’en prendre au symbole, c’est porter un coup dur au message.  Et si Dieu le protège d’une telle  immoralité, le diable que je suis se contentera bien d’une calomnie à l’échelle planétaire.

Si j’étais le diable  je ne suis pas certain de pouvoir faire tout ce dont on accuse Tariq Ramadan. L’exagération  tue la calomnie. La vérité est que  Tariq Ramadan est bien meilleur que moi : il ne peut faire ce que le diable que je pourrais être  ne sait faire  en termes de monstruosités.  Et Dieu prouvera son innocence s’il se remet à Lui.

Khalil ELAHEE