Suspendu entre « marsé » et « pissé »

Depuis la dernière marche citoyenne tenue à Mahébourg, le Premier ministre a pris son bâton de pèlerin et a entamé un pèlerinage, pas à travers le pays pour dialoguer et rassurer le peuple unanimement comme on l’aurait souhaité, mais auprès de certains groupes ciblés et sectaires. Nul besoin d’être expert pour comprendre son jeu. Face au déferlement populaire mené par Bruneau Laurette et soutenu par l’opposition principale représentée par Ramgoolam-Bérenger-Duval et à la démonstration de force démontrée par le PTr à Belle-Rive récemment, Pravind Jugnauth a plutôt opté de soigner et conforter l’électorat dans lequel le MSM creuse pour se faire élire, mais aussi pour consolider sa base.

La tactique est délibérée, rusée et pourrait lui être utile jusqu’à un certain point, surtout si son adversaire principal, le PTr, n’investit pas le terrain rapidement. Sur le plan global toutefois, Pravind Jugnauth perd des points et n’émerge pas comme un véritable chef de gouvernement dans ces moments de crise, mais plutôt comme un chef de parti et de clan qui ne cherche qu’à apaiser des groupes ethniques et sécuriser ses intérêts personnels, tout en envoyant « marsé », pardon balader, ceux qui l’opposent. Une attitude qui nous rappelle son père, le précédent Premier ministre qui avait, lui, « pissé » sur la population. Tel père, tel fils, n’est-ce pas ?

Même les discours de Parvind Jugnauth ne sont guère rassurants, allant même jusqu’à être méprisants dans certains cas, et reflètent davantage l’image d’un chef de parti que d’un chef de gouvernement. Aux centaines de milliers de voix qui se sont élevées pour scander « boure li dehors », il rétorque qu’il a été élu démocratiquement et qu’il ne se laissera pas intimider, oubliant dans la foulée qu’il n’y a que 37% de la population qui lui a fait confiance aux dernières élections qui sont d’ailleurs contestées en Cour suprême. Entendez par là qu’il ne démissionnera pas, quoiqu’il arrive. « To add insult to injury » comme dirait l’Anglais, il demande à « toutes les composantes de la nation » de saisir les opportunités que lui offre son gouvernement.

C’est ainsi qu’il a lancé vendredi : « fer zot propres sacrifices pou atteindre zot priorité et zot l’objectif ki zot ine fixer dans zot la vie ». Ces sacrifices, au cas où le Premier ministre ne le réalise toujours pas, le peuple les endure déjà, surtout depuis que le gouvernement a enfoncé le pays dans un gouffre économique sans précédent de par sa mauvaise gestion. Ces sacrifices, les Mauriciens les font aussi pendant que le gouvernement continue à jeter les fonds publics par la fenêtre, à l’instar de cette campagne de pub avec le « Liverpool Football Club » (LFC) à coups de Rs 381 millions. Ces sacrifices, la population les consentit toujours pendant que le ministre des Infrastructures publiques lui fait croire qu’une route mal construite, aux frais des contribuables, et qui subit de nouvelles réparations lui servira de « cadeau noël ».

Par contre, on ne sait pas quelles opportunités le gouvernement de Pravind Jugnauth offre au peuple. Le taux du chômage augmente, tout comme le coût de la vie. Les perspectives économiques sont sombres, les investissements piétinent, le secteur financier en danger après l’inclusion formelle de Maurice sur la liste noire de l’Union Européenne. Ce qui répercutera certainement sur le plan social. Où sont les opportunités pour la population ? Les seules opportunités qui existent sont réservées exclusivement pour ceux qui sont proches du pouvoir et ceux qui « pas mette de l’huile dans zorey ». Ces « priviledged few » ont même une variété de choix : nominations, contrats taillés sur mesure, hôtels convertis en centres de quarantaine payants, entre autres. 

Finalement, le pays, et la population avec, ne sont pas sortis de l’auberge. Bien sûr, on pourra toujours « marsé ». C’est notre droit. Mais le gouvernement continuera, lui, à nous « pisser » dessus. C’est son choix. On reste donc suspendu…