Sur son avenir de député du MSM au no 5 : Sanjeev Teeluckdharry : « Je vais y penser ! »

 

  • « Le rapport Lam Shang Leen ne mérite que la poubelle » 
  • « La politique m’a coûté ma réputation d’avocat »  

Il ne cache pas son amertume. Sanjeev Teeluckdharry, ancien Deputy Speaker, estime que la commission d’enquête sur la drogue a fait preuve de partisannerie tant dans son approche que dans son rapport. Du moins en ce qui le concerne, précise-t-il. D’autant que, selon le député du MSM, l’ancien juge Paul Lam Shang Leen serait proche du PTr alors qu’un de ses deux assesseurs, Sam Lauthan, était, lui un ancien ministre du MMM qui n’a aucune formation légale. Sa réputation et sa carrière d’avocat en ont pris un coup suite à la publication de ce rapport, avoue-t-il. Sanjeev Teeluckdharry envoie, par ailleurs, un pavé dans la mare du gouvernement en soutenant qu’Antoine Domingue, Rama Valayden et Shakeel Mohamed se sont révélés comme de « vrais amis » durant ses moments difficiles. Il prend également le Premier ministre à contre-pied en disant qu’il faut que ce soit des ‘sitting judges’ qui président les commissions d’enquêtes. S’il évite soigneusement de répondre directement à certaines questions ayant trait surtout à la position de Pravind Jugnauth, Sanjeev Teeluckdharry laisse, par contre, planer le doute quant à son rôle de député du MSM au no. 5 …

 

Propos recueillis par Zahirah RADHA

 

Q : Paul Lam Shang Leen a été très dur contre vous dans son rapport en vous accusant notamment d’avoir été sur la défensive et méprisable envers la commission. Pourquoi vous a-t-il traité d’hostile dès le départ ?

Je connais Paul Lam Shang Leen depuis 18 ans que je pratique au barreau. De l’affaire Lan Yee Chui en 2001, où il avait autorisé un trafiquant d’héroïne de quitter le pays avant même de terminer sa sentence et ce contrairement à la loi et à la procédure, jusqu’à l’appel Lesage v MCB au Conseil privé où ce dernier lui a remis son « certificat » en passant par l’Amical Four, j’ai toujours eu l’impression d’avoir affaire à Ponce Pilate qui avait toujours hâte de me crucifier, tout en ignorant mes explications.

Même le ‘summons’ pour me convoquer à la commission n’était pas conforme à la loi, mais elle était aussi diffamatoire. Quand il s’agit de moi, Paul ignore ‘the basic principles of natural justice’ et aussi les ‘rules of evidence’ comme stipulés dans la Section 13 de la Commission of Inquiry Act. Il oublie également le droit des détenus et toute la jurisprudence sur le ‘sentencing’.  

Il a fait fausse route sur toute la ligne. Il n’a même pas eu la décence de me demander des explications concernant certaines allégations qui remontent à 2001. Personnellement, je pense que son rapport ne mérite que la poubelle.

Q : Vous avez accusé l’ancien juge d’être proche du PTr. Pensez-vous que le Premier ministre l’aurait nommé comme commissaire si tel était effectivement le cas ?

Depuis qu’il a quitté le judiciaire, ce n’est un secret pour personne qu’il exerce comme ‘private practitioner’ dans un Chambers très proche du Parti travailliste. Je peux même vous donner des preuves. D’ailleurs, il a aussi piqué quelques-uns de mes clients. Est-ce que les travaux de la commission d’enquête représentaient pour lui une ‘golden opportunity’ pour régler ses comptes personnelles ? Il ne faut pas oublier non plus qu’il y avait un autre assesseur de la commission, qui est un ex-ministre du MMM et qui ne connait rien de la jurisprudence et de la profession d’avocat.

La Commission dans son rapport a remercié deux juniors qui ont apparemment travaillé comme ‘research assistants’. Je n’ai rien contre eux mais savez-vous combien de ‘retainers’ et de ‘legal fees’ ils ont perçus sous le régime travailliste ?

On m’a reproché d’avoir reçu plusieurs appels de la prison dont j’ignorais la provenance et qui apparemment appartenait à Gros Derek qui prêtait d’ailleurs son portable à tous les prisonniers. Pourquoi la commission a-t-elle refusé de me montrer une copie des ‘telephone billings’ de ce portable ? Et pourquoi la commission n’a-t-elle pas appelé les autres avocats dont leurs numéros paraissaient sur ces ‘billings’ ? Est-ce parce qu’ils ont référé des arbitrages à Lam Shang Leen quand celui-ci était juge à la Cour suprême ? Ou bien parce qu’il était invité avec ses proches tous les dimanches pour festoyer chez un de ces avocats ? Those who live in glass houses should not throw stones on others.

Je pense que pour présider les commissions d’enquêtes, il faut désormais nommer des ‘sitting judges’ assistés par un juge du Commonwealth et des assesseurs qui n’ont aucune affinité politique quelconque.

Q : Si Paul Lam Shang Leen s’est montré partial comme vous le dites et que vous n’avez rien à vous reprocher, pourquoi avez-vous choisi de démissionner de votre poste de Deputy Speaker ?

La Commission a réussi, à travers son rapport, à créer une fausse perception que je dois avoir quelque chose à me reprocher. Le rapport a jeté tellement de boue sur moi que cela aurait été difficile de présider les travaux parlementaires. Ce poste doit être laissé en dehors de toute controverse, above all suspicion.

Q : En tant qu’homme de principes, n’aurait-il pas été mieux pour vous de renoncer à votre siège de député tout court ?

Le poste de Deputy Speaker est différent de celui d’un député. Les cas où je peux être disqualifié de siéger comme député sont limitativement énumérés dans la loi suprême, plus précisément dans l’article 34 de la Constitution. Par exemple, si je deviens un public officer ; si je suis condamné à une peine d’emprisonnement de plus de douze mois ; si je deviens ‘of unsound mind’ ; si je commets une fraude électorale ; si je ne suis plus un citoyen du Commonwealth ; si je suis absent au Parlement pour plus de trois mois ; ou encore si je meurs, entre autres.

Q : Vous aviez initialement soutenu que vous allez contester le rapport avant de changer d’avis le lendemain. N’est-ce pas un aveu de culpabilité en quelque sorte ?

Pas du tout. Je ne l’ai pas abandonné. Je dispose de trois mois pour le faire. C’est mon Plan B. J’attends d’abord de voir si ceux qui ont fait des allégations contre moi pourront prouver leurs dires au cours d’une enquête.

Q : Votre décision de ne pas contester ce rapport ne gêne-t-il pas le chef du gouvernement, d’autant que Pravind Jugnauth avait lui-même annoncé que vous le ferez ? En avez-vous parlé avec lui au préalable ?

Je vous demande un joker !

Q : Cette affaire ne risque-t-elle pas de mettre en péril votre carrière politique et professionnelle ?

Je ne le crois pas. Ce sont des allégations fantasmagoriques, une histoire à faire dormir debout. En tant que professionnel, j’ai moi-même eu l’occasion, au cours de ces dix-huit dernières années, de représenter, avec succès, beaucoup de clients qui ont été victimes de fausses allégations. Et ils ont été exonérés de tout blâme devant les prétoires.

Q : Regrettez-vous votre choix de vous engager dans la politique ?

La politique m’a coûté ma réputation d’avocat. On a aujourd’hui jeté le discrédit sur mon intégrité professionnelle. Cela m’a pris des années pour me faire un nom et de bâtir une réputation au barreau. La commission a terni mon track record en Cour d’Assises et au Conseil privé ‘just by a stroke of its venomous pen’.

En tant que Deputy Speaker et practising Criminal Lawyer, d’autant que j’ai été élu dans la circonscription no. 5, ayant même battu l’ancien Premier ministre dans son fief par plus de 3,800 voix après à peine trois semaines de campagne avec des moyens du bord, et ceci contre une alliance PTr/MMM considérée comme les deux plus grands partis politiques de Maurice, j’étais devenu un ‘easy target’ et, malgré moi, c’était trop facile d’être dans la ligne de mire…

Aujourd’hui, je suis plus que jamais déterminé à mettre en pièces le rapport Lam Shang Leen et de rétablir la vérité en ce qui me concerne.

A cause de la politique, je me suis fâché, au Bar Council, avec des confrères tels qu’Antoine Domingue, Rama Valayden ou Shakeel Mohamed qui se sont révélés être de vrais amis dans des moments difficiles. Je relègue maintenant la politique au second plan car je me concentre sur la restructuration de mon travail d’avocat auquel je me consacre entièrement.

Q : Quid de votre rôle de député du MSM au no. 5 ? Qu’envisagez-vous de faire, sachant que votre décision pourrait influencer l’actualité politique ?  

Je répondrai à votre question par une autre : TO BE OR NOT TO BE ? Je vais y penser…