serenitygate : Après le beau-frère Medpoint,le beau-frère Maradiva

Top TV, la télé en ligne de Top FM, avait mis sur sa page Facebook ce vendredi 11 octobre une vidéo d’enquête sur le film Serenity, qui a été tourné à Maurice. La vidéo mentionne une gigantesque dilapidation de fonds publics,voire carrément une fraude, impliquant nul autre que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, sa femme Kobita, et son beau-frère, Sanjeev Ramdenee. À peine deux heures après, la video a été retirée de Facebook… par qui ? Nous pouvons aisément le deviner. Nous proposons ci-dessous à nos lecteurs les grandes lignes de la vidéo.

À l’origine de ce scandale, il y a le ‘Film Rebate Scheme’ (FRS), qui a été instauré en 2013, sous l’égide du Board of Investment (BOI). Ce scheme prévoit de rembourser jusqu’à 30  % les frais de tournage et de production d’un film étranger, pourvu que le film soit tourné à Maurice, avec des images qui promeuvent  la visibilité du pays sur la scène internationale.

Toutefois, avec l’arrivée au pouvoir de l’Alliance Lepep en 2014, le Film Rebate Scheme servira, à travers le film Serenity, à promouvoir, non pas l’image du pays, mais bien les intérêts de la femme du PM, Kobita Jugnauth et de son beau-frère Sanjeev Ramdenee,  avec nul autre que le Premier ministre comme facilitateur.

En 2015, un studio étranger propose de tourner Serenity à Maurice. Leur lobbyiste à Maurice : Sanjeev Ramdenee.  Ce dernier dirige l’hôtel Maradiva, où sa soeur Kobita est actionnaire. Or, à cette époque, Maradiva se trouvait au bord de la faillite… Une opération de sauvetage est alors montée.

Sanjeev Ramdenee commence alors son lobbying pour le compte du studio étranger auprès de l’Economic Development Board (EDB), qui a succédé à la BOI et qui chapeaute le ‘Film Rebate Scheme’. Ce lobbying compte s’assurer que les conditions pour un remboursement sous le ‘Film Rebate Scheme’ soient taillées sur mesure, notamment un remboursement à hauteur de 40 %.

Le responsable du dossier au ministère des Finances attire l’attention que le budget du FRS est épuisé pour la période 2015-2016 et ne pourra soutenir que des projets à hauteurs de 5 millions de dollars à un taux de 30 %. En chiffres réels, seulement Rs 54 millions pourront être remboursées.

Sanjeev Ramdenee annonce toutefois aux producteurs qu’une demande exceptionelle sera faite au cabinet  pour un remboursement à hauteur de 40 % dans un courriel en date du 5 août 2019, avec Kobita Jugnauth en copie.

Quand Pravind Jugnauth devient le ministre des Finances, il annonce effectivement durant le discours du budget le 20  juillet 2016, que le seuil de remboursement sous le Film Rebate Scheme, qui était auparavant de 30 %, passera désormais à 40 %. Le tournage de Serenity  a lieu à Maurice en 2017-2018. Les dépenses encourues tournent autour de Rs 735 millions, dont Rs 549,6 millions comme frais de production.

Dans sa présentation du budget 2018-2019, Pravind Jugnauth se découvre un nouvel enthousiasme pour le cinéma.  Il annonce la mise sur pied du Film Production Fund, sous l’égide de l’Economic Development Board.  Le montant alloué à ce fond passe de Rs 100 millions à Rs 500 millions.

Le ministre des Arts et de la Culture, Pradeep Roopun, dans une réponse au député Rajesh Bhagwan à l’Assemblée nationale le 23 avril 2019, indique que Rs 214,3 millions ont été remboursées sous le ‘Film Rebate Scheme’ aux producteurs du film.  Le 14 mai 2019, c’est Xavier Luc Duval qui revient à la charge  sur ce sujet par le biais d’une Private Notice Question. Le Premier ministre devait confirmer que les prodcuteurs de Serenity ont été remboursés à hauteur de 39 %.

La grande question : des Rs 214, 3 millions remboursées, combien d’argent est parti, directement ou indirectement, pour l’hôtel Maradiva et la belle-famille du Premier ministre ?

Mais le scandale ne s’arrête pas là. Serenity devient un flop au box-office américain, après sa sortie en salle en janvier 2019. Et là où le bât blesse, c’est qu’il ne fait aucunement la promotion de Maurice. Rien n’indique que le film a bien été tourné à Maurice, alors que le nom de Sanjeev Ramdenee figure dans le générique de fin.

S’il est difficile de répondre si le cinéma a un bel avenir à Maurice, en tout cas, on peut affirmer avec certitude que la corruption, le conflit d’intérêts et le trafic d’influence ont encore de beaux jours devant eux. Pouquoi ne pas créer des Oscars pour les récompenser ?

 

Serenitygate

Encore une autre affaire de conflit d’intérêt et de dilapidation de fonds publics

Le tournage du film Serenity à Maurice a-t-il profité au pays, à son image carte postale et aux Mauriciens ou à une poignée de privilégiés et de personnes proches de Pravind Jugnauth? Le Premier ministre et ministre des Finances sortant est-il venu jusqu’à utiliser le budget national pour faire voter une mesure qui aurait rapporté des millions au courtier du producteur venu de Hollywood? Et ce courtier-là n’est-il pas le frère de Kobita Jugnauth, donc le beau-frère de ce chef du gouvernement qui a dû aller jusqu’au Privy Council pour laver son honneur dans l’affaire MedPoint?

Dans le scandale Serenitygate révélé par notre confrère TOP TV, il y a définitivement anguilles sous roche. Des investigations plus approfondies d’une vraie commission indépendante oeuvrant pour combattre la fraude et la corruption permettront de voir qu’il y a conflit d’intérêt et dilapidation des fonds publics alors que l’objectif principal de ce Film Rebate Scheme n’était assurément pas de tailler sur mesure un plan pour des abus hors-norme.

Serenity devait projeter une belle image de Maurice sur le plan international, son tournage sur les plus beaux sites pittoresques s’y prêtant. Or l’image du pays risque d’être très mauvaise avec une note aussi salée puisée de l’argent des contribuables.