SBM Holdings Ltd : Lakwizinn saisit tout le contrôle

  • Des professionnels du secteur craignent qu’avec autant d’ingérence politique, cette importante institution bancaire ne pique aussi du nez, comme dans le cas d’Air Mauritius

Une restructuration profonde était attendue à la SBM Tower suivant le « Special Examination » de la Banque de Maurice la semaine dernière. Malheureusement, rien de concret n’en a découlé, hormis quelques démissions. La « reconstitution » du board de la SBM Holdings Ltd ne convainc guère, d’autant que ce sont presque les mêmes personnes, dont la plupart nommées en mars 2020, qui ont été reconduites au conseil d’administration présidé par Sattar Hajee Abdoula, et composé de Jean Paul Arouff, Shakila Bibi Jhungeer, Roodesh Muttylall, Sharon Ramdenee, Visvanaden Soondram et Subhas Thecka. Ces « board members », dit-on avec insistance, n’ont pas les compétences ou l’expérience requises dans le domaine bancaire et de la haute finance, surtout dans un contexte post-Covid où l’on fait face à une crise sans précédent, pour mener à bien la mission qui leur a été confiée.

Celle-ci consiste principalement à décider des stratégies d’investissements du groupe dont fait partie la deuxième institution bancaire la plus importante du pays. Or, la prise de décisions stratégiques de grande envergure exige une maîtrise du secteur financier local ainsi qu’international, agrémentée d’une « global perspective » et d’un « global network ». Des critères auxquels la majorité, pour ne pas dire la totalité, des membres du conseil d’administration ne répondent pas, insistent des observateurs aguerris. L’on craint aussi que cette « bande lakwizinn » ne pourra donner l’impulsion nécessaire à la SBM Tower pour la rendre plus efficiente et résiliente à un moment où l’on doit s’atteler à repositionner Maurice comme un centre financier digne de ce nom. Un observateur s’étonne d’ailleurs que ces « board members » aient pu franchir le « fit & proper test » de la Banque de Maurice.

« Les membres du conseil d’administration ainsi que le senior management des banques doivent généralement être approuvés par la BoM, selon les normes internationales. Les dirigeants doivent donc avoir des profils bien définis. Je me demande comment la Banque centrale ait pu donner son feu vert aux membres du board de la SBM Holdings Ltd, sachant que ces derniers sont étrangers au domaine bancaire. Comment, par exemple, est-ce que quelqu’une qui fait de la politique active et qui n’a aucune expérience bancaire peut-elle être « fit » pour siéger sur ce board ? Comment ces board members pourront-ils exercer un jugement quelconque sur des dossiers techniques ? Ils pourraient facilement être bernés par le management. Ce n’est pas de la bonne gouvernance ! C’est aussi mauvais pour notre image comme centre financier, surtout quand des banques telle que Deutsche Bank se sont retirées de Maurice!  », s’insurge un observateur.

« Ce conseil d’administration, sous sa forme actuelle, constitue une faiblesse majeure pour le groupe. Il pourrait même mettre en péril l’existence de cette institution en cas de mauvaises décisions stratégiques, d’autant que la SBM a connu une dégringolade depuis ces dernières années justement parce que le board et le management n’ont pas été à la hauteur de leur tâche », souligne un professionnel du secteur. Avec la présente équipe, la crainte que la situation du groupe ne s’empire est plus que jamais présente.

 

Mainmise de lakwizinn

La composition du board de la SBM Holdings Ltd n’est pas anodine. Elle démontre la mainmise de Lakwizinn sur les institutions clés de l’État à travers certains de ses pions, dont Sattar Hajee Abdoula, Jean Paul Arouff, Shakilla Bibi Jhungeer et Sharon Ramdenee. Ce qui implique non seulement que tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains d’un « priviledged few » alors que, dans une démocratie qui se respecte, les institutions sont censées pouvoir fonctionner de façon indépendante et sans ingérence politique, mais il sous-entend aussi que Lakwizinn du PMO pourrait leur imposer ses propres choix et décisions, indépendamment des conséquences qui pourraient en découler.

Surtout quand il s’agit d’une institution financière aussi importante, la compétence doit être privilégiée au-dessus de toute autre considération politique partisane. Or, il semble une fois de plus que le gouvernement a prouvé qu’il ne se laisse pas guider par les principes de la bonne gouvernance. Ce qui ne rassure guère les institutions internationales, mais aussi la population. Pire, des professionnels du secteur bancaire craignent qu’avec autant d’ingérence politique, la SBM Holdings Ltd ne pique aussi du nez, comme dans le cas d’Air Mauritius…

 

ZOOM sur les membres du board

Sattar Hajee Abdoula

Le chairman Sattar Hajee Abdoula est connu comme étant un des hommes de confiance du Premier ministre. Celui-ci l’avait d’ailleurs envoyé à Paris pour négocier avec Dawood Rawat peu après le démantèlement du groupe BAI. Sattar Hajee Abdoula avait également soutenu Pravind Jugnauth dans ses démarches pour qu’il puisse conserver le Sands Resorts. Il avait aussi empoché Rs 26 millions en tant qu’administrateur du groupe BAI, un poste qu’il n’avait occupé que pendant 18 jours. Pour corser l’addition, il avait également été nommé comme assesseur de la commission Britam en dépit des contestations.

 

Jean Paul Arouff

Nommé ‘Non-Executive Director’ le 11 mars 2020, Jean Paul Arouff est un journaliste de carrière. Il détient un « Masters in Journalism » de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Paris. Bien qu’il pratiquait le journalisme économique, il n’a concrètement aucun bagage qui pourrait justifier sa place sur le conseil d’administration d’une institution telle que la SBM Holdings Ltd. Sa seule qualification : il est le Senior Advisor et Directeur des Communications au Bureau du Premier ministre.

 

Shakilla Bibi Jhungeer

Elle est une avocate se spécialisant dans les divorces et les affaires criminelles. Elle a été membre du board de l’ICAC avant de démissionner pour se porter candidate du MSM au no. 2 aux élections de novembre 2019. Ayant mordu la poussière, elle a, dans un premier temps, été récompensée par une nomination comme « Independent Non-Executive Director » d’Air Mauritius avant de décrocher ce même poste au sein du conseil d’administration de la SBM Holdings Ltd.

 

Roodesh Muttylall

Il est un « Chartered Financial Analyst » ayant travaillé dans plusieurs secteurs, dont le tourisme et l’hôtellerie ainsi que le global business. Il avait auparavant travaillé brièvement pour le groupe SBM. Il siège aussi sur le « Board of Governors » de l’Université des Technologies.

 

Sharon Ramdenee

Elle est la fille aînée de Rajesh Ramdenee et la CEO de la société de distribution alimentaire, Agiliss Ltd. Elle détient une « Bachelor’s degree in Law & Business » du Warwick Business School où elle a également fait des études en « Strategy and Marketing ». Elle a auparavant été « Finance Director » du groupe St. Aubin.

 

Visvanaden Soondram

Il occupe le poste de « Director of Economic and Finance » au ministère des Finances. Il a eu une longue carrière au sein de ce même ministère où il a été notamment été comptable et « Lead Analyst ». Il était jusqu’au mars 2020, un des « Non-Executive Director » de la SBM (Mauritius) avant d’atterrir à la SBM Holdings Ltd.

 

Subhas Thecka

Détenteur d’un MBA, il est actuellement « Senior Lecturer » au Charles Telfair Institute. C’est en juin 2017 qu’il avait été nommé sur le board de la SBM Holdings Ltd. Il y conserve sa place jusqu’à maintenant malgré les mauvaises performances du groupe enregistrée ces dernières années.

Selon le siteweb de la SBM Holdings Ltd, Subhas Thecka est un « valuable member of the Board as he contributes with his financial knowledge and expertise and is known for his wisdom and diplomacy. His balance of knowledge in both the financial and marketing fields is very much appreciated at the Board ».