Saint-Louis Gate: Responsabilité engagée de Collendavelloo

Ivan Collendavelloo persiste et signe. Il maintient n’avoir pas été informé des allégations de corruption de l’ordre de Rs 700 millions entourant la centrale de Saint-Louis. Une couleuvre difficile à avaler. Malgré toutes ses tentatives de s’en dédouaner, certains faits demeurent inéluctables.  Logiquement donc, il ne peut s’en laver les mains. Ivan Collendavelloo, il faut le souligner, avait été celui qui, à travers la mise à mort du projet CT Power, a permis la relance de l’appel d’offres pour le ‘redevelopment’ de la centrale de Saint-Louis en octobre 2015. En effet, en tant que ministre de l’Énergie, il avait recommandé au Conseil des ministres d’enterrer le projet CT Power. Une décision qui a été avalisée en mars 2015, soit peu après les élections générales de décembre 2014. Suivant cette décision, il était alors impératif de trouver un plan de substitution, vu la consommation croissante de l’électricité dans le pays.

C’est ainsi que le réaménagement de la centrale de Saint Louis entre en jeu. L’ancien président de l’« Energy Efficiency Management Office », Khalil Elahee, le confirme d’ailleurs dans un entretien accordé à un confrère, hier. « Je confirme qu’il n’y avait pas de risque de black-out en 2016 […] Il s’agissait de sauver un plan d’ensemble en substitution à CT Power », a souligné Khalil Elahee. Ce qu’il faut également retenir, c’est qu’Ivan Collendavelloo avait lui-même confirmé, dans un entretien daté du 19 mars 2016, qu’il n’y avait pas de risque d’un black-out dans le pays. Or, si un black-out n’était pas en jeu, pourquoi fallait-il alors avoir recours à un « Emergency Procedure » pour que le projet puisse aller de l’avant sans aucun obstacle ? Qui devrait en bénéficier ?

Même si Ivan Collendavelloo prétend que la corruption remonte à 2014, le ‘ruling’ (22/15) de l’« Independent Review Panel » (IRP)  dit clairement le contraire. Ce document souligne que c’est le deuxième appel d’offres, lancé en 2015, qui offre un avantage à « Burmeister & Wain Scandinavian Contractor » (BWSC), étant donné que les déviations listées dans le premier appel d’offres avaient été intégrées dans le deuxième. Ce qui démontre que c’est le deuxième appel d’offres qui au est centre de la controverse et pas celui datant de 2014. Un ‘Senior Counsel’ de la trempe d’Ivan Collendavelloo ne peut feindre de ne pas l’avoir compris. À moins qu’il veuille nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Suite à sa prestation sur Radio Plus vendredi, Ivan Collendavelloo s’est enfoncé un peu plus dans la mélasse. Si on analyse ce qui a été dit jusqu’ici, il paraît qu’avant que la BAD ne fasse état de cette affaire le 8 juin 2020, le DPM n’en était pas au courant. Une fois saisie de l’affaire, l’ICAC a, le 12 juin, procédé à une saisie de tous les dossiers y relatifs. Si tel est le cas, où, quand et comment Ivan Collendavelloo a-t-il donc eu des courriels auxquels il a fait référence durant son intervention à la radio ? S’agit-il d’un cas de « tampering with evidence » ou y en a-t-il une autre explication ?

Pravind Jugnauth était-il au courant ?

Les yeux sont tous braqués sur Ivan Collendavelloo. Mais qu’en est-il de la responsabilité du Premier ministre ? Le board du CEB comptait en son sein un représentant du ministère des Finances, un portefeuille qu’occupait Pravind Jugnauth. Ce représentant a-t-il également omis d’informer le Premier ministre et ministre des Finances des allégations de la BAD ? Pravind Jugnauth a souligné ne pas avoir été mis au courant de cette affaire. Si tel est effectivement le cas, à quoi cela sert-il que ces ministères aient des représentants grassement rémunérés sur le board du CEB ?

 

La firme BWSC, seul recours de l’ICAC

Une décision de la firme danoise est très attendue au plus tard mardi, après que l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) ait fait face à un refus catégorique de la Banque Africaine de Développement (BAD) pour lui soumettre un rapport de l’enquête sur les allégations de corruption entourant le projet de la centrale thermique de St Louis. C’était le point de départ de l’enquête sur cette affaire d’allégations de pots de vin de Rs 700 millions.

La BAD a recommandé au Réduit Triangle de se tourner vers la firme de Burmeister & Wain Scandinavian Contractor (BWSC), qui détient également une copie du rapport. La BWSC a travaillé sur cette enquête en étroite collaboration avec la BAD depuis 2019. L’ICAC a déjà formulé sa demande auprès de la firme danoise au courant de la semaine, et une réponse sera communiquée au plus tard ce mardi.

Cela reste déterminent pour la suite de l’enquête, car les enquêteurs ne disposent d’aucun élément a ce stade pour avancer. Depuis la semaine dernière, l’ICAC examine des dossiers saisis au bureau du Central Electricity Board (CEB), au Central Procurement Board (CPB), à l’Independent Review Panel (IRP) et au ministère des Utilités publiques. Une dizaine d’officiers a d’ailleurs été déjà entendue par la commission anti-corruption, pour l’identification des documents.

L’ICAC a, par ailleurs, souligné que l’enquête de 2014 a été réactivée, en se basant sur de nouveaux éléments. Ce qui fait qu’il y a deux enquêtes qui se font actuellement. Pour les prochaines semaines, d’anciens cadres du CEB seront entendus par les enquêteurs, afin qu’ils puissent s’expliquer sur le projet et surtout de son importance. La prochaine étape, sera l’interrogatoire du département de tender du CEB, et ceux du CPB, pour tirer au clair l’exercice d’appel d’offre pour ce projet, au cout de Rs 4,3 milliards.

L’ICAC risque de se retrouver à la case départ, si jamais la firme BWSC refuse de lui donner une copie du rapport. La troisième possibilité reste une nouvelle demande du ministre des Finances auprès de la BAD. Une première demande a été refusée, mais la BAD avait affirmé qu’elle était disposée à remettre le rapport à une instance d’investigation.