Reza Uteem : « La compétence de la FSC et de la BoM est de nouveau remise en question »

Il s’inquiète que l’image de Maurice en tant que centre financier n’en prenne un autre mauvais coup avec l’affaire Alvaro Sobrinho. Tout en dénonçant la compétence de la Financial Services Commission (FSC) et de la Banque de Maurice, le député du MMM s’interroge également sur le rôle du gouvernement, l’ancien ministre Roshi Bhadain, mais aussi celui de la Présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, dans cette affaire. Celle-ci, estime Reza Uteem, doit s’expliquer sur les raisons qui l’ont poussée à s’associer au Planet Earth Institute.

Zahirah RADHA

  •  « Le peuple peut légitimement s’attendre à ce que la Présidente lui donne des explications sur l’affaire Alvaro Sobrinho » 

 

Q : Vous comptez prochainement présenter une ‘motion of disallowance’ sur la hausse du prix des carburants à l’Assemblée nationale. Pourquoi une telle démarche ?

R : Je pense sincèrement qu’une augmentation du prix des carburants n’était pas nécessaire, d’autant qu’il y a suffisamment d’argent dans le Price Stabilization Account. Je pense aussi que la façon dont les prix de l’essence et du diesel sont fixés par l’Automatic Price Mechanism (APM) doit être revue complètement parce qu’il y a trop de taxes. À travers le levy sur le prix des produits pétroliers, le gouvernement a accumulé des milliards de roupies dans le Build Mauritius Fund qui devaient supposément être utilisés pour remplacer nos vieux tuyaux, mais qui n’ont jamais été utilisés comme tels.

Je suis aussi contre cette augmentation parce qu’elle aura un effet négatif sur notre croissance économique, aussi bien que sur nos petites et moyennes entreprises à travers une augmentation de leurs coûts de production et qu’ils ne pourront pas forcément passer aux clients.

 

Q : Vous avez été délégué par le MMM pour discuter avec Alan Ganoo à ce sujet. Êtes-vous parvenu à un accord ?

R : Effectivement, il a été convenu qu’Alan Ganoo présentera la motion à l’Assemblée nationale et que moi, je vais faire le summing up. Bien entendu, il faudra d’abord qu’on en discute avec la Speaker.    

 

Q : Est-ce le début d’une collaboration entre le MMM et le MP ?

R : Il y a toujours eu une concertation entre les différents partis de l’opposition à l’Assemblée nationale, et ce depuis les dernières élections générales. En tant que Chief Whip, Rajesh Bhagwan s’est fait un devoir de coordonner avec tous les députés de l’opposition, surtout en qu’il s’agit des projets de loi. J’espère que cette concertation se poursuivra sous le nouveau leader de l’opposition. Toutefois, une concertation entre les partis de l’opposition ne veut, en aucun cas, dire qu’il y a un rapprochement politique entre eux.

 

Q : Soyons directs : y a-t-il eu des discussions au niveau du MMM sur un éventuel retour d’Alan Ganoo à ‘lakaz mama’ ?

R : Il y a toujours certains militants qui aimeraient voir une réunification de la grande famille militante. Mais il y a aussi certains, surtout ceux au comité régional du no. 14, qui se sont élevés contre un éventuel retour d’Alan Ganoo au bercail.

  • « Je trouve choquant que Roshi Bhadain ait attendu qu’il ne soit plus au gouvernement pour pointer du doigt certaines pratiques »

 

Q : Donc, un rapprochement MMM-MP n’est pas ‘on’ ?

R : Non, ce n’est pas d’actualité.

 

 Q : Le pays est actuellement secoué par l’affaire Alvaro Sobrinho. Quelles sont les implications que cette affaire pourrait avoir sur le plan financier?

R : L’image de Maurice en tant que centre financier propre et bien réglementé souffre déjà depuis un certain temps, notamment avec les divers ponzi schemes et l’affaire BAI où le rôle de la Financial Services Commission (FSC) et de la Banque de Maurice était carrément montré du doigt. L’affaire Alvaro remet, une nouvelle fois, la compétence de la FSC en question. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment cette instance a pu trouver qu’un tel individu est une ‘fit and proper person’ alors qu’une simple recherche sur internet aurait dû l’alerter sur les antécédents de M. Sobrinho. Il a été rapporté dans la presse que la BoM avait initialement refusé d’octroyer  une licence à M. Sobrinho avant que la FSC ne la lui accorde. Si cela s’avère, c’est un énorme scandale politique.

 

Q : De quelle façon ?

 R : Le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, a, lors du dernier budget, amendé la Financial Services Act pour donner le pouvoir à la FSC d’octroyer des Investment Banking Licences alors qu’auparavant c’était la Banque de Maurice qui le faisait. Qui a pris cette initiative ? Était-ce Roshi Bhadain qui était alors ministre de la Bonne Gouvernance ? En tout cas, le gouvernement aura à répondre de ses actes.

 

Q : La crédibilité de la Présidence n’a-t-elle pas pris un coup dans cette affaire, selon vous ?

R : La Présidence est une institution que je respecte énormément. La Présidente est notre chef d’État et tout ce qu’elle fait rejaillit sur toute l’île Maurice, mais aussi à l’étranger. De ce fait, la Présidente de la République a un devoir de bien choisir ses amis et ses fréquentations. A-t-elle fait son homework avant qu’elle ne permette que l’État mauricien, à travers elle-même, s’associe au Planet Earth Institute de M. Alvaro Sobrinho ? Croyait-elle bien faire en s’associant avec cet individu ?

 

Q : Elle se dit victime des attaques personnelles et a demandé à ce qu’une enquête soit initiée pour faire la lumière sur toute l’affaire…

R : Je n’ai pas vu d’attaques personnelles contre elle dans la presse, ni l’ai-je entendue à la radio ou à la télé. Par contre, le peuple peut légitimement s’attendre à ce que Mme. la Présidente lui explique comment elle a fait la connaissance de M. Sobrinho et pourquoi elle a accepté de devenir la Trustee, et maintenant Patronne, de la fondation créée par Alvaro Sobrinho.

 

Q : Une autre affaire qui défraie la chronique : les biscuits de Sheila Hanoomanjee. Après la MDFP et la mairie de Quatre-Bornes, il semble que la SBM aurait également commandé des biscuits de Rum and Sugar. Est-ce une coïncidence que les corps paraétatiques et les municipalités soient parmi ses principaux clients ?

R : Bonne question ! Il faut surtout savoir si toutes les procédures de procurement ont été suivies par la Municipalité de Quatre-Bornes, la State Bank of Mauritius (SBM) et la Mauritius Duty Free Paradise (MDFP) ? Est-ce qu’il y a eu des appels d’offres ? Est-ce que le fabricant des biscuits Esko a été invité à fournir ces biscuits ? Ou y a-t-il eu une quelconque pression exercée quelque part pour l’achat de ces biscuits à prix d’or parce qu’ils sont commercialisés par une personne ayant des liens étroits avec le régime en place ?

La population est choquée, d’une part, par la marge de profit, mais aussi et surtout parce que ce gouvernement était supposément élu pour justement rompre avec la politique de l’ancien régime qui favorisait des proches du pouvoir. Aujourd’hui, on constate qu’en voulant nettoyer chez son voisin, ce gouvernement a déplacé toutes les ordures devant sa propre porte.

 

Q : Après les biscuits, c’est maintenant le contrat de fourniture de whisky et chocolat à la MDFP par les Maurel qui suscite des interrogations. Un autre privilège accordé aux proches du gouvernement, selon vous ?

R : Je trouve quand même choquant que Roshi Bhadain ait attendu qu’il ne soit plus au gouvernement pour pointer du doigt certaines pratiques que lui, en tant qu’ancien ministre de la Bonne gouvernance, a, de manière tacite et complice, toléré dans le passé. Ceci dit, je n’ai pas d’information concernant la fourniture de whisky et de chocolat. Je préfère donc ne pas y répondre.

 

Q : Il n’y a finalement rien de positif dans le pays, hormis les scandales ?

R : Je côtoie beaucoup de jeunes et je peux vous dire qu’il y a aujourd’hui une grande colère et une grande frustration dans le pays. Une grande colère parce que le peuple a été mené en bateau par ce gouvernement qui lui avait promis un deuxième miracle économique et le combat contre la fraude et la corruption. En vérité, il n’y a pas eu de miracle économique et plusieurs membres de ce gouvernement font l’objet d’enquête de la part de l’ICAC. Il y a un sentiment de frustration parce que Maurice a tant de potentiels inexploités. Notre petite île Maurice ne peut pas se permettre d’avoir autant de jeunes chômeurs. Nos petits et moyens entrepreneurs sont frustrés car le gouvernement ne leur donne pas les facilités et le soutien financier qu’il leur avait promis. Il suffit de voir la façon dont le dossier relatif au paiement pour le camping sur les  plages publiques a été géré pour prouver l’incompétence du régime en place. En passant, cela a aussi démontré le pouvoir de Facebook et des médias qui ont grandement contribué à la volte-face du gouvernement qui a reculé sur ce dossier.

 

Q : La rentrée parlementaire s’annonce chaude, n’est-ce pas ?

R : J’aurais tant préféré, en tant que patriote, de ne pas avoir à poser des questions sur des scandales et autres passe-droits. Malheureusement, ce gouvernement a lamentablement échoué dans sa tâche. En tant que député de l’opposition, il est de mon devoir de ‘make them accountable’.