Reza Uteem: « Bhadain a mené tout le monde en bateau »

Le responsable du dossier économique du MMM, Reza Uteem, affirme qu’après la condamnation de 12 mois de prison infligée au leader du MSM, Pravind Jugnauth, les clans Bhadain et Bodha avec  Dayal en embuscade se positionnent. Dans l’interview accordée au Sunday Times, notre invité de la semaine ajoute que depuis son accession au pouvoir, le gouvernement de l’Alliance Lepep s’est acharné à détruire ses opposants politiques plutôt qu’à bâtir une nouvelle île Maurice plus juste, propre et équitable. Reza Uteem laisse également entendre que le ministre Bhadain doit une fois pour toutes réaliser le tort immense qu’il fait au secteur financier en voulant se substituer aux juges au mépris des textes de loi. « Pourquoi n’a-t-il pas le courage d’assumer ses responsabilités et dire la vérité aux victimes de Super Cash Back Gold qu’il n’a pas d’argent dans le National Property Fund Ltd  aujourd’hui,  pour payer les Rs 500 000 qui devaient être remboursées à des centaines de victimes plusieurs mois de cela ? » se demande-t-il

Sanjay BIJLOLL

 

Q : Dans une récente interview au Sunday Times, Alan Ganoo a déclaré que le leader du MMM, Paul Bérenger, est communalo-castéiste. Comment réagissez-vous à  ses propos?

R : Et dire que ce même Alan Ganoo a passé plus de 35 ans auprès de ce même Paul Bérenger sans aucun problème. N’est-ce pas ce même Alan Ganoo qui, quelques mois de cela, était l’« AGWA » de l’Alliance PTr-MMM avec Paul Bérenger comme Premier ministre pour cinq ans ? En vérité, Paul Bérenger est un patriote qui maîtrise les subtilités de notre nation arc-en-ciel et n’a jamais blessé aucune communauté à Maurice.

 

Q : Le leader du MMM a décidé de se présenter comme Premier ministre aux prochaines élections générales. Ne pensez-vous pas qu’il irait tout droit à un suicide politique ?

R : Au contraire, je pense qu’une  nouvelle fois, le MMM donne une leçon de démocratie. Après l’arrestation de Navin Ramgoolam a-t-il eu le courage de remettre en jeu son leadership au sein du PTr ? Après sa condamnation de 12 mois de prison, Pravind Jugnauth a-t-il eu la décence de remettre en question  son leadership ? Si un Navin Ramgoolam et un Pravind Jugnauth qui ont des démêlés avec la justice aspirent toujours à se présenter comme Premier ministre, alors pourquoi pas Paul Bérenger dont tout le monde reconnaît la droiture, la compétence et l’honnêteté. Le MMM a un leader et c’est tout à fait logique que Paul Bérenger se présente comme Premier ministre aux  prochaines élections générales.

 

Q : Le gouvernement de l’Alliance Lepep, qui a dirigé le pays pendant plus de 14 mois, n’arrive pas à attirer l’investissement direct étranger. Quels sont vos commentaires à ce sujet ?

R : L’investissement direct étranger est une question de confiance. Aujourd’hui, les investisseurs étrangers boudent Maurice parce qu’ils n’ont simplement pas confiance dans ce gouvernement. Nous avons un gouvernement, qui depuis son arrivée au pouvoir s’est acharné à détruire ses opposants politiques plutôt que de bâtir une nouvelle île Maurice plus juste, propre et équitable.

 

Q : Que faut-il faire pour empêcher les investisseurs de se délocaliser ?

R : Les investisseurs sont motivés par les gains et la sécurité. Si les conditions ailleurs sont plus attrayantes, c’est normal qu’ils vont se délocaliser. Le gouvernement devrait donc venir avec de nouvelles incitations fiscales et non fiscales pour convaincre les investisseurs à rester dans notre pays. Or, malheureusement, les investisseurs n’ont pas l’attention qu’ils méritent auprès du gouvernement. Il a bien fallu que la Compagnie Mauricienne de Textile (CMT) menace de se délocaliser pour que le ministre de tutelle se réveille finalement et apporte des changements nécessaires pour l’octroi et le renouvellement des permis pour les travailleurs étrangers.

 

Q : Et pour relancer l’économie et augmenter le taux de la croissance ?

R : Il faut diversifier nos marchés et nos produits. Depuis des années, on parle des pôles d’investissements que ce soit le ‘sea food hub’, le ‘knowledge hub’ et la ‘blue economy’. Mais ce sont des discours creux qui ne sont pas suivis par des actions concrètes par le gouvernement. On parle beaucoup de  l’utilisation de Maurice comme une plateforme pour l’investissement en Afrique, mais quelle incitation donnons-nous aux étrangers qui veulent investir en Afrique à travers l’île Maurice ?

Le poumon de l’économie, c’est les Petites et Moyennes Entreprises (PME). Pourtant, il n’y a même pas une SME Bank pour les soutenir. Il y a tellement de potentiels, d’entrepreneurs en herbe, de compétences à Maurice. C’est dommage que ce gouvernement ait d’autres priorités que d’accroître la croissance et de créer des emplois.

 

Q : Pensez-vous que le projet des «  Smart Cities » est réalisable à Maurice ? Et pourquoi le gouvernement aurait bloqué le projet de Tamarin ?

R : Les « Smart Cities » sont des bonnes initiatives, mais ne peuvent en aucun cas être le catalyseur de la croissance à Maurice. En vérité, elles sont ni plus ni moins que des simple projets immobiliers et comme tout projet immobilier, son succès dépend de la demande de ce type de résidences. Or, il y a très peu de Mauriciens qui peuvent se permettre d’acquérir une résidence dans ces «  Smart Cities ». Donc on dépend des investisseurs étrangers. Or, avec le climat économique international, je ne vois pas les étrangers se bousculer pour acheter des résidences dans nos « Smart Cities ».

Quant au projet de Tamarin, il paraît qu’on a pris le dessus sur l’impact économique que représente ce projet. Une nouvelle fois, ce gouvernement a fait preuve de petitesse d’esprit en appliquant une politique revancharde, car je crois comprendre que le promoteur du projet est d’un bord politique autre que celui du gouvernement.

 

Q : Sur votre blog Facebook, vous vous en prenez au ministre Bhadain dans l’affaire BAI. Comment justifiez-vous vos critiques ?

R : Dès l’éclatement de l’affaire BAI, le ministre Bhadain a mené tout le monde en bateau et continue à le faire. Le professionnel de la finance que je suis, je ne peux me taire face aux imbécilités débitées par le ministre Bhadain. Je le dis et je le répète : l’affaire BAI a été et continue d’être mal gérée par ce dernier. Grâce à son incompétence et arrogance, il n’a pas pu réaliser les actifs du groupe BAI à leur juste valeur marchande. Il n’a pas vendu Britam Kenya alors que les administrateurs avaient une offre de plus de Rs 4 milliards. Aujourd’hui, Britam Kenya vaut une fraction de ce prix. Il n’a pas vendu Courts à Courts Asia, qui avait fait l’offre la plus élevée pour plusieurs dizaines de millions de roupies que Mammouth. Il n’a pas pu vendre Iframac avec ses joyaux comme Mercedes et Mitsubishi. Après un an de bluff, il n’a toujours pas vendu Apollo Bramwell Hospital. Aujourd’hui, la National Property Fund Ltd n’a pas suffisamment d’argent pour rembourser aux détenteurs de Super Cash Back Gold et aux investisseurs de Bramer Assets Property Fund.

 

Q : Lors de sa conférence de presse de samedi dernier, reproduite in toto par la MBC, le ministre Bhadain a demandé aux victimes du Super Cash Back Gold de se regrouper et de l’aider… Pour quoi faire, puisque rien n’a pu être fait jusqu’ici ?

R : Ce qu’a fait Bhadain est non seulement inacceptable, mais frôle le ‘contempt of court’. Comment un ministre de l’Etat peut-il se permettre d’inciter à la haine ? Pourquoi n’a-t-il pas le courage d’assumer ses responsabilités et dire la vérité aux victimes de Super Cash Back Gold qu’il  n’y a pas d’argent dans la National Property Fund Ltd  aujourd’hui  pour payer les Rs 500 000 qui devaient être remboursées à des centaines de victimes plusieurs mois de cela ? Je suis d’accord que les victimes doivent se regrouper et faire pression sur le ministre Bhadain pour qu’il honore ses engagements pour rembourser tous les détenteurs du Super Cash Back Gold.

 

Q : Depuis l’injonction du juge Angoh, Roshi Bhadain donne l’impression d’être ‘off balanced’, est-ce pour cette raison qu’il aurait pris Laina Rawat-Burns pour cible ?

R : Je suis fier qu’on est toujours dans un Etat de droit avec une justice indépendante. N’en déplaise à M. Bhadain, notre Constitution permet à chaque Mauricien de saisir la Cour suprême pour revendiquer ses droits. Les biens de Bramer Bank doivent être utilisés pour repayer les créanciers de Bramer Bank. Pourquoi les administrateurs ont-ils vendu Courts ? M. Bhadain n’a pas utilisé cet argent pour rembourser les victimes de Super Cash Back Gold au lieu de payer les créanciers de Courts. En quoi Bramer Bank est-elle différente de Courts ? Le ministre Bhadain doit une fois pour toutes, réaliser le tort immense qu’il fait au secteur financier en voulant se substituer au juge au mépris des textes de loi.

 

Q : Dans une interview à l’express,  le ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, annonce que Maurice pourrait ne pas connaître de ‘miracle économique’ comme annoncé lors de la campagne Lepep aux dernières législatives. Surprenant, n’est-ce pas ?

R : Je suis triste pour Vishnu Lutchmeenaraidoo, qui passe par des moments difficiles. Il n’a pas de soutien au sein du gouvernement. Il a, au moins, l’humilité après une année, d’admettre l’échec de sa politique économique. Le peuple avait placé beaucoup de confiance en le tandem SAJ-Vishnu Lutchmeenaraidoo pour un nouveau miracle économique. Aujourd’hui, le peuple réalise l’évidence. Ce tandem est dépassé et n’a pas de solution à proposer. C’est comme si on demandait à Kevin Keegan ou Kenny Dalglish de jouer en Premier League. Ils ont fait leur temps et devraient avoir la lucidité de passer le relais.

 

Q : En lisant cette même interview, il donne l’impression que l’Alliance Lepep a marqué un temps d’arrêt, suspendu au jugement en appel de Pravind Jugnauth dans l’affaire Medpoint. Qu’en pensez-vous ?

R : C’est un fait que la condamnation à 12 mois de prison infligée au leader du MSM a déstabilisé l’alliance gouvernementale. Il y a bel et bien une crise de leadership au sein de ladite alliance. Depuis, différents clans se positionnent. D’un côté, il y a Roshi Bhadain, de l’autre côté il y a Nando Bodha avec Raj Dayal en embuscade. Cela n’augure rien de bon pour le pays. Le Premier ministre semble dépassé par les événements. Il n’a plus aucun contrôle sur ses ministres et ne peut même pas les rappeler à l’ordre Raj Dayal ou Soodhun dont le comportement ne fait pas honneur au pays.

 

Q : Comment Showkutally Soodhun s’est-il proclamé musulman avant d’être Mauricien ?

R : M. Soodhun est un opportuniste qu’on ne peut prendre au sérieux. Tout le monde se rappelle qu’il était le seul député musulman à voter pour l’abolition de la Muslim Personal Law.

 

Q : Reza Uteem, les vacances parlementaires ont presque pris fin et le Parlement va reprendre ses droits. Vous, au MMM, êtes-vous d’humeur d’attaque?

R : C’était des vacances forcées. J’ai hâte de me retrouver au sein de l’hémicycle pour pouvoir questionner nos honorables ministres sur les scandales et les enjeux nationaux. J’espère que le gouvernement viendra de l’avant avec les nombreux projets de loi  qu’il a promis lors du discours du programme gouvernemental, notamment sur la réforme électorale, le financement des partis politiques, la déclaration des avoirs, mais aussi les lois pour mieux protéger les enfants, les femmes, les consommateurs ainsi que les plus démunis de la société mauricienne.