RÉSISTONS – TRANSGRESSONS

J’ai assisté à une réunion de jeunes étudiants. Ils avaient organisé une  JOURNÉE DES IDÉES  avec des intellectuels mauriciens pour réfléchir sur la dégradation des valeurs par la politique et  discuter des projets sociétaux  de liberté, d’égalité et des problèmes de l’environnement.  Ce groupe d’étudiants rédigera son rapport et le fera connaitre.

Mais ce qui m’a frappé, c’est  l’extraordinaire dichotomie entre ces jeunes Mauriciens qui adhèrent et s’obligent au strict respect des opinions et des pensées et  les calculs pervers et les stratégies divisionnistes de certains politiciens surtout ceux qui sont au pouvoir et qui n’hésitent devant aucune bassesse pour des tentatives de séduction de quelques électeurs.

Animés d’un esprit de tolérance sans faiblesse, ils recherchent en toutes circonstances la vérité et la justice. Dans le fil de ces exigences, ils s‘efforcent  d’être doux et bienveillants.  Mais faut-il conclure qu’ils doivent renoncer à toute forme de désobéissance et de transgression devant les agressions d’État ?

La désobéissance civile n’est-elle pas nécessaire pour faire avancer une société bloquée, agressée par ceux qui prônent des normes dégradées, des pratiques injustes qui clivent, cassent les liens sociaux et mènent à la perte des valeurs……Comme les entorses aux  urgences écologiques, l’extension de la corruption, du népotisme, les disparités salariales, l’esclavagisme moderne dans des usines et des chantiers et entreprises commerciales.

La résistance aux lois injustes, aux tentations totalitaires etc. génère de plus en plus de militants. Mais dans la salle ils étaient nombreux à déplorer les réflexes endormis de tous ces Mauriciens devant ces militants et activistes engagés dans le combat pour le climat et l’environnement. Réflexes endormis, réactions amorphes, nausées quand le fils Jugnauth ironisait sur ceux qui s’étaient attachés aux arbres pour les défendre contre des abattages sauvages. Ce minus incapable de saisir le symbolisme du geste.

Pour ces jeunes, les manifestations de » Arrete Kokin nou la plaze » de Georges Ah Yan, celles des activistes pour le climat, contre des entreprises type Veolia, contre l’abattage des arbres etc doivent mobiliser les masses. Nos jeunes, insistent-ils, doivent retrouver l’esprit et rejoindre les pensées des étudiants du Pont de la Grande Rivière Nord Ouest, des travailleurs du port et ceux du transport dans leurs revendications et leurs grèves ainsi que ceux mobilisés derrière Harish Boodhoo dans la démolition symbolique de certaines jetées et murs empiétant illégalement sur la mer et sur la liberté des Mauriciens de profiter de leur patrimoine. C’était la naissance de la reconstruction d’un nouveau projet collectif.

Ces militants et activistes ont acquis une légitimité par leurs actions. Ils ont réveillé la société endormie par ses dogmes et préjugés. Ils ont fait revivre l’engagement non-violent de Gandhi ou la vision d’unité de Mandela, le militantisme par la désobéissance civile de David Thoreau (qui a inspiré Gandhi) de Martin Luther King. Se lever pour demander dignité, justice sociale et réclamer des gouvernants qu’ils soient au service du peuple et donc obligés par des principes de transparence, du respect des droits et de toujours rendre compte (accountability).

Transgresser, désobéir pour faire évoluer, accélérer une prise de conscience collective. Sauver, conserver nos valeurs éthiques. Nous voulons transmettre aux générations futures non seulement des rails de métro, du béton fissuré mais nous voulons sanctuariser un pays ou les arbres verdissent nos routes, nos plages, où l’eau qui coule dans nos rivières non polluées appellent aux petites trempettes fraîches et où l’on voit encore dans les ondes transparentes des poissons de rivière tels des scythes et les bétangs ou minis crevettes roses à foison. Comme le soulignait le biologiste Edward Wilson : Que notre terre évolue au nom d’une obligation morale transcendantale envers le reste des vivants.

Sulaiman Patel