Reprise scolaire : Bonjour le cafouillage !

C’était déjà le cafouillage total, après que la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun Luchoomun eut, le samedi 6 juin, annoncé que la rentrée scolaire allait se faire en phases, avec des dates diverses pour les différents grades. Mais le Premier ministre, lors d’une conférence de presse ce vendredi 12 juin, a pris tout le monde de court – cela est une habitude chez lui – en annonçant que tous les élèves devaient reprendre le chemin de l’école à partir du mercredi 1er juillet. Les maitres d’écoles, les recteurs, les parents et les élèves, avalent difficilement la pilule et plaident que la ministre écoute les parties prenantes du secteur de l’Éducation avant de prendre des décisions, cela de façon plus réfléchie et planifiée.

 

Dharam Gokhool : « L’amateurisme et l’incompétence de la ministre sont flagrants »

Dharam Gokhool 1La cellule de communication du ministère de l’Éducation avait, le jour même de l’annonce du Premier ministre, fait circuler un communiqué expliquant que la ministre Leela Devi Dookun Luchoomun animera une conférence de presse le samedi 13 juin (ndir, hier) au MITD, Phoenix, à 11 h. Mais le même jour, la conférence de presse a été repoussée pour la semaine prochaine.

Ce que dénonce l’ancien ministre de l’Éducation, Dharam Gokhool, qui dit d’emblée que cela se reflète mal sur le sérieux de la ministre de l’Éducation. « L’amateurisme et l’incompétence de la ministre sont flagrants », affirme-t-il.

Il souligne qu’en cette période de crise, il aurait dû y avoir consultations avec les acteurs du secteur éducatif car c’est un secteur complexe et compliqué. Ce que la ministre n’a pas considéré important, malgré que les « stakeholders » aient à plusieurs reprises réclamé une rencontre avec elle bien avant qu’elle cette ne vienne faire son annonce du samedi 6 juin.

Dharam Gokhool pense aussi que c’est un manque de planification. « Alors que le gouvernement a géré la crise du Covid-19 comme il se doit, c’est-à-dire que le gouvernement avait toutes les cartes en main, pourquoi la ministre n’a-t-elle pas préparé comme il se doit la rentrée ? Pourquoi mettre toute la population estudiantine et leurs parents, dans une situation d’incertitude et d’inquiétude ? », se demande Dharam Gokhool.

 

Munsoo Karrimbocus, UPSEE : « Veiller à ce que les décisions annoncées ne vont pas mettre les enseignants dans l’angoisse »

Munsoo KarrrimbocusMunsoo Karrimbocus, de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), accueille pour sa part cette décision, car les enfants ne peuvent pas rester déconnectés avec le secteur de l’éducation pendant trop longtemps.  « Nous satisfait ki sa ine revoir », nous dit le président de l’UPSEE.

Mais il pense que la décision de repousser la conférence de presse prête à la confusion, et au niveau de l’UPSEE, on va veiller à ce que les décisions et des propositions qui vont être annoncées ne vont pas mettre les enseignants dans l’angoisse et dans l’interrogation.

Il souhaite à ce qu’il y ait une consultation avec les acteurs du secteur car ils ont eux aussi leur mot à dire et pour que la rentrée soit une réussite dépend de leur contribution. Mais il fait ressortir que la consultation entre les parties prenantes et la ministre est grandement déficitaire.

Mala, directrice d’école : « C’est un cafouillage »

Mala (prénom fictif), directrice d’un école pré-primaire, explique que c’est un « capharnaüm », et ne mâche pas ces mots : « C’est un gros décalage. On nous a fait faire beaucoup de travaux dans l’école, ce qui nous a énormément coûté, et là, d’un seul coup, tout est tombe à l’eau. Des dépenses inutiles dont on aurait pu s’en passer », explique la directrice d’école.

Elle dit avoir eu plusieurs soucis avec des parents depuis cette annonce, car beaucoup ne veulent pas envoyer leurs enfants à l’école à partir du 22 juin. Ces derniers ne veulent pas payer les frais scolaires pour quelques jours uniquement. En tant que directrice d’école, elle aurait voulu savoir si la MRA allait aider les école pré-primaires à la fin de ce mois-ci.

En outre, les responsables d’établissements scolaires n’ont aucune idée quand l’année scolaire va pendre fin.

Nova, mère d’un collégien : « Que la ministre vienne avec des décisions rationnelles »

Nova est mère d’un collégien qui est actuellement en SC. Pour cette mère de famille, « Il y a un manque d’éclaircissements ». Elle dit ne pas comprendre quand est-ce que les examens auront lieu, qu’en est-il de la réorganisation des classes et comment les collégiens vont faire pour voyager dans le bus ? Elle dit être inquiète pour son fils qui a des problèmes de santé et s’attend à ce que la ministre vienne de l’avant avec des décisions rationnelles et mûrement réfléchies.

Hors-texte

L’absence de dialogue de la ministre : de mal en pis

Le premier plan pour la reprise des classes, annoncé par la ministre de l’Éducation le 6 juin, prévu en phases, avait suscité plusieurs réactions, vu l’absence de consultations avec les parties prenantes du secteur de l’éducation. Recteurs et syndicalistes, voire un ancien ministre de l’Éducation, avaient tiré la sonnette d’alarme sur le cafouillage que cela allait engendrer. Ils avaient mis en lumière plusieurs problèmes. Maintenant que le Premier ministre a annoncé ce vendredi 12 juin une reprise généralisée pour tout le monde scolaire, on ne peut que craindre que ces problèmes ne soient exacerbés.

Il convient de revenir sur les problèmes que ces ‘stakeholders’ avaient soulevés. Ainsi,  Preetam Mohitram, président du syndicat des recteurs,  nous avait indiqué qu’il y a un manque d’éducateurs dans les institutions secondaires de l’État. Ensuite, il fallait faire provision pour des produits hygiéniques dans les écoles.

Pour Preetam Mohitram, il fallait se demander comment les responsables d’établissement allaient gérer la reprise ? Comment est-ce que la ministère va les soutenir et quels sont les mécanismes qui seront mis en place ? Est-ce la « social distancing » va être possible dans les établissements scolaires ? Autant de problèmes que la ministre n’a pas abordés.

Soondress Sawmynaden, ex-recteur du collège Dr Maurice Curé, avait mis l’emphase sur le fait que le changement des classes doit se faire de manière pour qu’il n’y ait pas d’attroupement d’élèves. Il dit avoir fait des propositions pour que toutes les classes soient divisées pour permettre la ‘social distancing’. Or, il semblerait que la ministre n’a pas précisé s’il y aurait toujours une division des classes. L’ex-recteur avait lâché cette phrases lourde de sens, qui est plus que jamais d’actualité : « Ministère prend so responsabilité si li pas marché. »

L’ex-ministre de l’Éducation Dharam Gokhool avait dit d’emblée que l’éducation était à plusieurs niveaux, avec chacun sa spécificité, que ce soit le primaire, le secondaire et le tertiaire. Or, le ministère applique le même modèle pour toutes les écoles et tous les collèges, ignorant les spécificités, alors que certaines écoles font face à un manque de places aigu dans les classes et même dans les cours. Il estime qu’il aurait fallu faire un état des lieux de chaque école et voir quel protocole adopter pour mettre des élèves ensemble. Sinon, il va y avoir des manquements. Il donne un exemple concret : s’il y a eu une contamination à la covid-19, quelles seraient les mesures à prendre ?

« La ministre ne croit pas dans le dialogue, or dans ce secteur la communication est primordiale », nous avait-il dit. Maintenant, avec la reprise prévue pour le 1er juillet, il y a un énorme flou entourant tous ces problèmes.

 

 

Neevedita Nundowah