Renvoi de l’audition de Dawood Rawat : Le double rôle joué par l’assesseur Sattar Hajee Abdoula mis en cause

Révoltant. Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier le renvoi de l’audition de Dawood Rawat par la commission Britam, mercredi. En effet, la façon dont il a été fait donne l’impression qu’on veut museler l’ancien patron de la « British American Insurance » (BAI). Car les raisons avancées pour justifier ce renvoi ne tiendraient pas la route, selon les observateurs avertis. D’abord, le président Bushan Domah et les membres Sattar Hajee Abdoula et I. Ramtohul, se justifient en soutenant qu’ils n’avaient pas encore reçu le document « bullet point » que les représentants légaux de Dawood Rawat devaient leur présenter. La commission évoque ensuite des questions procédurales qui « go to the very root of the course of action we are about to undertake, for the resolution of which we need some time ».

De quelles questions procédurales s’agit-il au juste ? Pour quelles raisons la commission ne s’y est-elle pas penchée avant de fixer l’audition ? Y aurait-il eu pressions pour que Dawood Rawat ne puisse être entendu ? Si oui, d’où viennent-elles ? Ces questions sont d’autant plus pertinentes puisque la commission compte en son sein un membre controversable en la personne de Sattar Hajee Abdoula. Ce dernier, rappelons-le, avait été choisi par Pravind Jugnauth et Roshi Bhadain pour se rendre à Paris afin d’entamer des négociations avec Dawood Rawat. Il s’y était d’ailleurs rendu en compagnie de Swadeck Taher, ancien CEO de Bramser Services Group. Une rencontre qui avait d’ailleurs duré pendant quatre heures et pendant laquelle des propositions avaient été faites à l’ancien patron de la BAI.

Dans une bande sonore que Sunday Times avait rendue publique en primeur le 22 mai 2017, on pouvait ainsi entendre l’un des protagonistes disant ceci : « I want to do the headlines for the people that we have secured all of Dawood Rawat’s properties worldwide […] At the end of the day, they (ndlr: le gouvernement) got to save face. You have to secure your family and the executives. The deal is once we get the agreement sorted out, they don’t touch you, your children, your sons-in-law and your executives. What has started will die a natural death ». Durant cette rencontre à Paris, Sattar Hajee Abdoula avait même révélé sa proximité avec Pravind Jugnauth en expliquant dans quelles circonstances il l’avait soutenu dans une affaire ayant trait à l’hôtel The Sands et dont les actionnaires majoritaires sont les beaux-parents de l’épouse du Premier ministre. « Everybody was against Pravind. I was the only one who stood by him […] That’s the relationship », avait-il avoué.

« Judge and party »

Sattar Hajee Abdoula avait aussi été nommé administrateur du groupe BAI. Sa mission consistait principalement à sauvegarder les intérêts des compagnies formant partie du groupe. Or, sa nomination avait été rendue caduque après le vote de l’« Insurance (Amendment) Bill » à l’Assemblée nationale le 28 avril 2015. Ce qui ne l’avait pas empêché de réclamer des honoraires à hauteur de … Rs 26 millions pour les 18 jours qu’il avait occupé ces fonctions. Pour toutes ces raisons, sa nomination comme assesseur sur la commission Britam avait été très mal accueilli et même décrié par la classe politique, mais aussi par les victimes. « Il ne peut être juge et partie », avaient martelé ces derniers. Au grand dam du Conseil des ministres qui a choisi de faire la sourde oreille quant à ces contestations.

Dans de telles conditions, l’audition de Dawood Rawat aurait-elle pu se faire correctement ? En dépit du respect qu’on voue à l’ancien juge Bushan Domah, le travail abattu par la commission dont il préside ne peut être qu’une farce. Le renvoi de l’audition du chairman Emeritus de la BAI n’est que le sommet de l’iceberg…