Rapport de l’Audit : La dilapidation des fonds se poursuit de plus belle

(PHOTO D'ILLUSTRATION)

Le nouveau rapport de l’audit tombe pile au moment où le Premier ministre annonce une politique « serre ceinture » en raison du Coronavirus. Sauf que cette pandémie n’a rien à voir avec la dilapidation des fonds publics. « Mo fer kouma dire sa l’argent la li mo l’argent sa », disait le Premier ministre récemment, dans une tentative de faire croire à la population qu’il gère les fonds de l’État de façon judicieuse. Or, le rapport de l’Audit vient lui donner une gifle magistrale, en dénonçant des gaspillages à gogo, saignant à blanc le Trésor public.

 Déficit record de Rs 11 milliards

L’explosion

C’est un chiffre qui donne froid dans le dos. Le déficit de l’exercice financier 2018-2019 s’élève à … Rs 11 milliards ! Un seuil jamais atteint durant ces dix dernières années. En 2017-2018,  le déficit s’élevait à Rs 1, 2 milliards. Ce qui fait qu’il a grimpé par 792% en un an seulement. De 2018 à 2019, les revenus perçus étaient de l’ordre de Rs 136 milliards alors que les dépenses s’élevaient à Rs 147 milliards. Ce qui explique le déficit de Rs 11 milliards. Voir tableau ci-dessous.

Durant ces cinq dernières années, les revenus de l’État ont augmenté de manière significative, passant de Rs 55 milliards pour la période de janvier à juin 2015 à Rs 136 milliards pour le dernier exercice financier. Mais, détrompez-vous, ces revenus ne résultent pas des investissements. Bien au contraire. Il s’agit là de revenus perçus à travers la taxe. À juin 2019, Rs 98, 3 milliards de taxes sont entrées dans les caisses de l’État. Les autres sources de revenus proviennent des emprunts, des ‘grants’ et des contributions sociales, entre autres.

D’ailleurs, durant les trois dernières années, le gouvernement dépendait carrément sur les emprunts pour financer ses dépenses. Ce qui n’augure rien de bon pour l’économie mauricienne.

Force policière : un ‘Revenue Clerk’ suspendu chanceux

La ‘Mauritius Police Force’ a déboursé Rs 132,1 millions pour la réparation et la maintenance des véhicules de la police pendant l’année financière 2018-2019. C’est une hausse de Rs 15 millions comparé à l’année financière 2017-2018, qui était de Rs 117.9 millions.

Malgré la disponibilité des nouvelles chemises d’uniformes valant Rs 29 millions en magasin, il y a eu un besoin urgent d’acheter de nouvelles chemises, d’une valeur de Rs 15.7 millions, apparemment nécessaire pour répondre aux besoins des officiers de la police.

Un officier de la police agissant comme ‘Revenue Clerk’, qui a été interdit de ses fonctions, continue de percevoir son salaire. En octobre dernier, il aurait recu la somme de Rs 1,3 million, et Rs 50 000 comme allocations de loyer. L’enquête sur lui n’avait pas encore abouti, 54 mois après sa suspension.

Drains : une mauvaise planification pointée du doigt

Au cours des dernières années, la National Development Unit (NDU) aurait soumis des ‘Work Orders’ pour entreprendre plus de projets que prévu initialement dans le budget, et aurait depassé le montant budgétaire par Rs1, 872.5 millions. Trois compagnies en liquidation doivent Rs 935 000.

Le ‘Land Drainage Master Plan’ n’a pas encore été completé. Le ‘Scope and Design’ n’était pas encore finalisé, même si des consultants ont déjà été recrutés.

 On peut noter des retards considérables dans l’attribution des contrats pour les régions à haut risque d’inondation. En outre, il y a eu des augmentations significatives du coût des projets.

Pour les travaux de ‘Drain Works’ à Fond-du-Sac, valeur contractuelle de Rs 103.9 millions, la construction était complétée à 14 % seulement en septembre 2019, et devrait prendre fin en novembre de cette année

Bagatelle Dam : le barrage ne retient pas l’argent

Pour le projet Bagatelle Dam, il y a eu une augmentation dans la valeur du contrat de consultant de Rs 183.6 millions à Rs 228.6 millions. Au 31 octobre dernier, le paiement total sous le contrat de construction était à Rs 6,142 millions, soit presque le double de la valeur initiale du contrat.

 

Service des prisons : un détournement de fonds non résolu

Sur 544 caméras de surveillance, 250 ne sont pas opérationnelles, à la prison de haute sécurité de Melrose, cela pendant une période de deux ans. Ce qui compromet la sécurité à la prison.

Deux ans après la décision prise pour installer une clôture de sécurité à l’Open Prison de Richelieu, les matériaux de construction valant Rs 2 millions se trouvent toujours dans le dépôt.

Un cas de détournement de fonds de Rs 1, 2 million, qui a été rapporté en 2013 à la prison de Petit-Verger, n’a pas encore été résolu au 30 juin dernier.

 

Service des pompes : la construction d’une nouvelle caserne tarde

La construction d’une nouvelle caserne de pompiers à Rose-Belle devrait se terminer le 7 mai 2019, à un coût de Rs 57.5 millions. En octobre 2019, les paiements aux entrepreneurs étaient à quelque Rs 25,8 millions.

Éducation : risque de dépenses inutiles de Rs 81,7 millions

Dans le rapport de l’Audit 2017-2018, il a été indiqué que les installations ont été effectuées sur 95 % des sites dans le cadre du School Net II Project, entre août 2016 et octobre 2018, mais les collèges n’étaient pas encore connectés à Internet en janvier 2019. Le ministère avait déjà déboursé Rs 81,7 millions au fournisseur.

23 400 tablettes, totalisant Rs 21, 7 millions, et payées par le ministère de l’Éducation, n’ont pas encore été reçues en raison d’un retard dans la prise des mesures pour rupture de contrat contre un fournisseur local.

La construction de salles polyvalentes dans six collèges, prévue pour l’année financière 2016-2017, était encore en phase d’appel d’offres au 30 juin 2019. Des fonds dépassant Rs 200 millions sont restés inutilisés, et réaffectés à d’autres dépenses.

La Citadelle se détériore par manque de locataires

Au 31 décembre 2014, quelque Rs 26,5 millions ont été engagées en vue de transformer la Citadelle à Port-Louis, pour devenir un site d’attraction touristique et pour générer des revenus. Pendant ce temps, l’état du site s’est détérioré car les emplacements vacants ne pouvaient pas être loués en raison de défauts structurels, par exemple des fuites dans le bâtiment pendant la saison des pluies.

Santé : les achats décentralisés, plus que discutables

Le ministère de la Santé a engagé des dépenses supplémentaires de Rs 4 millions pour les gants médicaux jetables, en raison des prix plus élevés payés par les hôpitaux dans le cadre de la méthode d’approvisionnement   décentralisée.

Dans un hôpital régional, quelque Rs 700 000 ont été dépensées pour les films radiographiques, un montant supérieur à ce qui aurait été encouru si l’achat était centralisé.

 

En ce qui concerne les implants et les instruments orthopédiques, il  y avait de grandes différences dans les prix payés par les hôpitaux. De juillet 2017 à juin 2019, quelque Rs 4 millions ont été dépensées en excédent en raison de prix plus élevés payés par les hôpitaux.

Le ministère aurait pu économiser quelque Rs 15 millions si l’un des composants de la dialyse, dont une solution saline normale, avait été utilisé parmi le stock disponible.

Traffic Centre à Pointes-aux-Sables non opérationnel un an après son achèvement

Une somme de Rs 50 millions a été dépensée pour la construction du Traffic Centre à Pointe-aux-Sables. Pour l’Audit national, il n’est pas raisonnable que cette gare routière ne soit pas utilisée près d’un an après son achèvement. Le ministère des Infrastructures publiques doit prendre des mesures rapides pour que la gare devienne opérationnelle.

 Le surpaiement de la pension : Rs 114 millions en 2019

Le surpaiement de la pension s’élevait à environ Rs 104 millions en juin 2018. Seulement un an après, soit en juin 2019, le surpaiement a augmenté de Rs 10 millions, pour devenir Rs 114 millions. Le rapport note que malgré les efforts du ministère pour détecter les montants surpayés, cela n’a pas changé.

Production de semences : Rs 81,4 millions dépensées

Un montant important des fonds publics, soit Rs 81,4 millions, a été dépensé pour la production de semences. Cependant, les recettes perçues au cours de la même période sont environ Rs 3,10 millions. Selon le rapport de l’Audit, le ministère n’a pas utilisé de manière optimale les terres cultivables pour améliorer ses activités de production de semences.

Logement : la NEF fait pâle figure

Le National Audit Office a fait ressortir que plus de 77 % des fonds décaissés à la National Empowerment Foundation (NEF) pour des projets de logements sociaux pour les personnes vulnérables n’ont toujours pas été dépensés au 30 juin 2018.

Il a été noté que ces subventions ont été versées à la NEF sans tenir compte de sa capacité à mettre en œuvre le plan de construction de maisons sociales.

Ministère de l’Économie bleue : le Fisherman Investmemt Trust (FIT) pas opérationnel depuis… 2014

Selon l’Audit, un cadre réglementaire approprié pour la protection de la diversité biologique marine n’a pas encore été élaboré, augmentant ainsi le risque d’exploitation des zones « Environmentally Sensitive Areas » (ESAs) par les promoteurs immobiliers et hôteliers.

En ce qui est du Fisherman Investmemt Trust (FIT), le CEO et le Chairperson de ce fonds ont démissionné le 22 décembre 2014. En octobre 2019, quelque cinq années plus tard, le conseil d’administration du FIT n’avait pas encore été reconstitué et le CEO n’avait pas encore été remplacé. En conséquence, le FIT n’était plus opérationnel depuis 2014.

Or, des dépenses administratives d’un montant de Rs 3,5 millions ont été assumées par le ministère pour la période d’août 2014 à juin 2019.

Gestion des terres : plusieurs arpents dévolus aux ministères restent sous-développés pendant des années

Selon les annales du ministère des Terres, quelque 370 arpents de terre de l’État ont été confiés à 13 ministères ou départements pour 60 projets. Cependant, diverses parties de ces terres sont restées inexploitées pendant des années.

Ainsi, le rapport explique que le ministère des Terres a déboursé quelque Rs 83 millions depuis avril 2001 à juillet 2014 pour acquérir 52,8 arpents de terre au nom de quatre ministères pour la mise en œuvre de sept projets. Ces terres de l’État sont restées sans développement pendant une période allant de cinq à 18 ans.

Le ministère de la Jeunesse et des Sports : des ‘grants’ sans aucun respect des directives du ministère des Finances

Des subventions ont été versées par le ministère de la Jeunesse et des Sports a des organisations sportives, malgré le fait que les conditions énoncées dans les directives émises par le ministère des Finances, n’étaient pas respectées par ces bénéficiaires.

Au cours de l’exercice 2018-2019, trois des organisations qui ont bénéficié de subventions étaient le Mauritius Sports Council (Rs 35 millions), Mauritius Multisports Infrastructure Ltd (Rs 15 millions) et le Trust Fund for Excellence in Sports (Rs 22 millions).