Rajesh Bhagwan : « Si le MMM n’est pas king, il sera king maker »

 

  • « Ramgoolam a aussi dit que les travaillistes iront seuls aux élections et je constate que cette annonce a été appréciée. Il a parlé de politique de rupture et il le prouve en prenant cette décision »

 

Le secrétaire général du MMM, Rajesh Bhagwan, surnommé le bulldozer mauve du no. 20, revient sur la crise qui secoue son parti. Fidèle lieutenant du leader historique, il donne raison à Paul Bérenger de ne pas démarquer de ses principes au lieu de s’allier avec des politiciens indignes de faire partie de la classe politique et de défendre les valeurs démocratiques.

 

Zahirah RADHA

 

Q : Sept démissions en l’espace d’une semaine. Le MMM n’a-t-il pas vu venir cette crise ?

Au sein du MMM, on se prépare depuis plusieurs mois pour aller seul aux prochaines élections, avec Paul Bérenger comme Premier ministre. Cette idée n’a pas été prise sur un coup de tête. Elle avait été décidée après les élections de 2014 par les diverses instances du parti. Tout le monde le savait, sauf quelques-uns qui ne voulaient pas y croire. Contrairement à ce que croient et disent certains, il n’y a pas de dictature au sein du MMM. C’est complètement faux ! Que ce soit au comité central ou au bureau politique, chacun a son mot à dire sur n’importe quel thème. On n’impose pas nos décisions.

Voyons les cas des démissionnaires. Mis à part ceux de Raj Nuchcheddy et de Cherylle Rayape qui sont frustrés, dont l’une pour ne pas avoir eu de tickets, il y a aussi eu les démissions orchestrées de ce que j’appelle le gang des cinq avec la bénédiction et la complicité de Pravind Jugnauth. Ahmad Jeewah, bien qu’il ne soit plus actif sur le plan politique, a eu une longue carrière politique grâce au MMM. Il a d’ailleurs toujours eu une position de choix que ce soit dans les meetings ou les dîners de fin d’année du parti. Mais depuis plusieurs mois, il m’avait déjà donné le sens de son orientation politique qui se tournait vers le MSM.

Pire et plus honteux encore, c’est la démission de Sanjeeven Permall pour lequel on s’est battu pour qu’il obtienne un ticket au détriment de Govinden, qui a aussi quitté le parti en sachant qu’il ne sera pas candidat, mais qui s’en est finalement servi pour aller « bargain » une adhésion au MSM. Idem pour Jay Prakash Meenowa qu’on a présenté comme un des trois candidats mauves au no. 7 aux prochaines élections générales. Les démissions de Viren Ramchurn et de Hurmila Routho sont aussi choquantes étant donné qu’ils ont assisté aux derniers événements du parti sans piper mot.

Comment donc pouvait-on croire qu’ils allaient démissionner ? Un profond sentiment de tristesse m’anime surtout en ce qu’il s’agit d’Ahmad Jeewa puisqu’il est mon ami de longue date et avec qui je parle quotidiennement. Cela me blesse énormément qu’il ne m’ait pas fait part de sa décision. Ces cinq démissionnaires, qui qualifiaient jusque là Pravind Jugnauth de « l’imposte », sont tombés subitement tombés amoureux de lui, en l’appelant même « nou Premier ministre ».  Ridicule ! Jamais je n’ai vu autant de dégoût parmi la population pour ce genre de politiciens. Cela a apporté un élan de solidarité, qui « cut across » l’appartenance politique, les communautés ou les groupes d’âge, envers Paul Bérenger et le MMM. Il donne à Paul Bérenger et au MMM un « value added » qui nous aidera à réaliser un meilleur résultat aux prochaines élections.

 

Q : Toujours est-il que, pour une fois Paul Bérenger n’a pas parlé de « bon débarras » ou de « faux militant », mais de démissions « ki kasse leker ». En quoi ces démissions sont-elles différentes des précédentes ?

C’est vrai qu’elles « kasse leker » parce que ce sont des personnes qui ont fait une longue route avec nous. Il y a des gens qui vous font du tort sans que vous ne l’attendiez. Ces récentes démissions sont vraiment choquantes. Sanjeeven Permall, par exemple, nous a implorés pour avoir un ticket. Il nous a finalement trahis. Quand des gens vous emmerdent semaine après semaine, qui vous font des crocs en jambe, c’est mieux qu’ils s’en aillent, mais celles-ci relèvent plus d’un coup machiavélique du MSM pour affaiblir le MMM. Si Pravind Jugnauth croit qu’il est infaillible et qu’il remportera les élections générales, il se trompe lourdement. Il y a un sentiment de dégoût parmi la population face à cet exercice de débauchage orchestré par le MSM.

 

Q : Le refus du leader du MMM de revoir sa copie, plus particulièrement celle d’aller seul aux élections, n’a-t-il pas exacerbé les choses ?

Il ne s’agit pas du refus du leader. Je l’avais personnellement dit dans un entretien il y

a quelques mois de cela que si le MMM fait une alliance, ma lettre de démission est prête. La majorité des jeunes professionnels et de la population ne veulent pas d’alliances. D’ailleurs, Ramgoolam a aussi dit que les travaillistes iront seuls aux élections et je constate que cette annonce a été appréciée. Il a parlé de politique de rupture et il le prouve en prenant cette décision.

De l’autre côté, le MSM est, lui, devenu comme un camion saleté qui va droit à Mare Chicose avec son ML, Obeegadoo, Ramano, Labelle et les récents démissionnaires du MMM. Reste à savoir si Zoli Mamzel s’y embarquera aussi. Moi, je ne vois pas comment ce camion saleté de Mare Chicose peut remporter les élections. Pouvez-vous croire que ce soit le Judas, plus particulièrement M. Gooljaury, qui a bénéficié du contrat des panneaux publicitaires de la part de Metro Express ? Est-ce cela qu’Obeegadoo et Labelle appellent faire de la politique autrement ?

 

Q : Mais vous êtes convaincu que la décision d’aller seul aux élections sera salutaire et non suicidaire pour le MMM ?

Ce sera salutaire pour le MMM car elle assurera sa pérennité. Elle préparera le MMM, qui fêtera bientôt ses cinquante ans, pour le prochain cinquantennal. Elle assurera aussi plus d’adhésions des jeunes. Selon moi, si on fait une alliance, le parti s’éteindra.

 

Q : Bérenger est-il effectivement l’otage d’un « priviledged few », comme l’a dit Raj Nuckcheddy ?

Non ! Il a exagéré. Bérenger a, certes, des proches collaborateurs. Le président du parti, Reza Uteem, en est un. Il y a moi-même, Ajay Gunness et, au niveau de sa circonscription, il y a Deven Nagalingum. Connaissant le caractère de Paul Bérenger, pouvez-vous croire qu’il peut être l’otage de qui que ce soit ? Il faut vraiment ne pas le savoir pour dire une chose pareille ! Il y en a eu certains dans le passé qui ont voulu se servir du MMM dans le dos de Bérenger. Mais ils ne sont plus là.

Moi, en tant qu’un pion important dans la vie politique du MMM, je ne fréquente pas Bérenger socialement. Mais il y a un respect mutuel entre nous qui date depuis des  années. Il y a cependant des pense-petits, des jaloux, qui ne peuvent pas l’accepter, comme ceux qui, hier m’appelaient « chacha » mais qui aujourd’hui me surnomme Lysol. Je ne vais pas en mourir mais ils se rendent « cheap ». La population doit connaître à quel prix ils ont vendu leur parti ? La « money politics » a joué son va-tout dans certains cas alors que dans d’autres, les faveurs dont ont bénéficié leurs proches ont pesé lourd. Ce qu’ils ne réalisent pas, c’est qu’ils nous ont donné un plus grand cadeau : le capital de  sympathie.

 

Q : Mais suffira-t-il pour que le MMM remporte les élections ? Le parti est-il prêt à se relever après cette crise à quelques mois seulement de l’échéance ?

 On n’est pas tombé, pourquoi faut-il qu’on se relève ? En tout cas, Pravind Jugnauth paiera très cher pour le coup qu’il a fait au MMM à travers ce gang de cinq.

 

Q : Qui lui  fera payer ce prix, le MMM ou l’électorat ?

L’électorat. Croyez-moi, Pravind Jugnauth paiera le prix fort de son action. S’il croit que l’argent et le pouvoir peuvent tout acheter, il sera déçu. Je vous donne un exemple. En 1993, papa Jugnauth s’était servi de quelqu’un, dont je ne citerai pas le nom, pour tenter d’écraser le MMM en créant le RMM. Mais aux élections de 1995, il y a eu les 60-0 qu’on sait avec Jugnauth « dan karo kanne ». L’histoire se répète. En 2019, le fils d’Anerood Jugnauth se sert de ce gang de cinq pour faire un coup au MMM, comme son papa l’avait fait. Toutefois, le MMM est toujours sorti grandi après chaque cyclone. Peut-être s’agit-il de l’œuvre de Dieu. Cette crise aussi, on la surmontera. Le « response » sur le terrain et sur les réseaux sociaux est d’ailleurs très encourageant.

 

Q : En d’autres mots, cela ne change rien à vos plans politiques ?

Non. Quatre des cinq démissionnaires seront remplacés par des candidats encore plus valables. Notre programme gouvernemental n’est pas affecté non plus. Sheila Bunwaree et son équipe le boucleront bientôt. Les comités de campagne travaillent déjà dans les circonscriptions. Pour être honnête, Beau-Bassin ne sera pas pareil  comme les no. 5 ou 9 par exemple. N’empêche que le MMM fera une très bonne performance à ces élections. Je n’en ai aucun doute. Je suis convaincu que si on n’est pas « king » lors de ces législatives, on sera quand même « king maker ». Certains ont voulu « write off » le MMM trop tôt.

 

Q : Qu’entendez-vous par là ? Une alliance post-électorale est à l’agenda?

C’est l’électorat qui le décidera à l’issue des urnes. Mais le MMM sera dans la course et au gouvernement, contrairement à ce que pensent et disent certains. Le plus grand perdant durant ces élections sera Pravind Jugnauth.

 

Q : Ivan Collendavelloo a donc tort d’appeler à une réunification des militants ?

Je n’ai jamais vu un autre politicien qui « gagne zourer » comme lui. Bien qu’il ait de l’argent, du pouvoir et des motards, ce n’est pas cela qui le fera gagner les élections. Les mandants des nos. 19 et 20 sont très en colère en raison des misères qu’ils ont endurées avec les travaux du Metro Express, mis à part les autres injustices ainsi que l’arrogance et l’incompétence de certains à la municipalité de Rose-Hill.

Et de quelle réunification parle-t-il ? Pour moi, Kavy Ramano n’est pas un militant. Ni Labelle et Obeegadoo non plus. Ce dernier l’était, mais il ne l’est plus. Ils pensaient qu’en se servant du nom des militants, l’électorat les suivrait. L’électorat connaît toutefois Bérenger, Bhagwan, Uteem et Ajay Gunness, mais pas eux. Ils n’avaient qu’à voir la réaction des Mauriciens suite à la démission en masse de lundi pour le réaliser.

 

Q : Le MMM avait affiché la même confiance en 2014 avec les résultats qu’on connaît. L’histoire ne risque-t-elle pas de se répéter ?

 

En 2014, on avait trop tardé à donner les élections. Mais aujourd’hui, le dégoût de la population saute aux yeux et il se manifeste partout sur le terrain et sur les réseaux sociaux. Une fois que le Parlement sera dissout pour les élections, il y a des ministres qui ne pourront pas marcher en public. Je le dis d’ailleurs en passant, je serai la personne la plus frustrée du monde si Gayan n’est pas candidat aux prochaines élections.

 

Q : Pourquoi ?

(Sur un ton sarcastique) Mais il est tellement populaire, voyons !

 

Q : Que souhaitez-vous pour le MMM et pour le pays ?

Je suis fier des militants et de Paul Bérenger. Le MMM n’est pas un parti riche, qui nage dans la corruption, le communalisme ou le castéisme. Il n’y a que l’intégrité, la compétence et la proximité qui comptent pour nous.

Les propagandes à outrance du gouvernement et leurs promesses d’emplois ne marcheront pas face à l’arrogance du pouvoir, la répression et le dominère. Il est clair, pour moi que Pravind Jugnauth, qui est rentré par l’imposte, ne sera plus Premier ministre le 1er janvier prochain.