Rajesh Bhagwan : « C’est le gouvernement le plus médiocre que nous ayons eu ! »

  • « Je lance un défi à Xavier Duval : qu’il vienne avec 60 candidats et se présente comme PM »
  • « Le PMSD ne sait faire qu’une chose : jouir »
  • Des pourparlers avec le MSM ? : « Être au pouvoir n’est pas une obsession pour le MMM »

Président du MMM, Rajesh Bhagwan aborde la 33e année de sa vie de parlementaire, ayant été élu pour la première fois en 1983 à Beau-Bassin/Petite Rivière. Lors des huit élections générales auxquelles il a pris part dans la même circonscription, il est sorti en tête de liste lors des quatre derniers scrutins. Maire de Beau-Bassin/Rose-Hill à trois reprises (1984, 1990 et 1991), cet ancien secrétaire général du parti de Paul Bérenger a également dirigé deux ministères dans le passé : les Administrations régionales et l’Environnement. Après les débats sur le Budget national 2016-2017, le whip de l’opposition a tenu parole pour répondre à nos questions.

 

Les débats parlementaires consacrés au Budget 2016-2017 sont derrière nous. Que retenez-vous de ces quelques jours d’exposés à l’Assemblée nationale ?

Nous avons procédé selon un calendrier établi par le Chief Whip et moi-même. La population a pu, ainsi, prendre connaissance du contenu des discours des membres du gouvernement et de l’opposition. D’un côté, certains ont encensé Pravind Jugnauth avec pour objectif de le gonfler afin de remonter son moral. De l’autre, le MMM dans l’opposition a été honnête envers ses idéaux. Nous avons dit que le budget contient quelques mesures positives, mais nous avons été très critiques sur la politique économique du gouvernement. Il n’y a rien d’innovateur et de révélateur pour la relance. Paul Bérenger, Reza Uteem, mes quatre autres collègues députés et moi avons fait un travail de fourmi. Je suis un vieux routier et je peux vous dire que nous avons réalisé des interventions formidables, contrairement aux discours médiocres et partisans venant surtout des ‘backbenchers’ de la majorité. Le budget est derrière nous maintenant et tout ce que nous entendons dans la rue, ce sont les scandales dans lesquels sont mêlés Bhadain pour le Heritage City, Trilochun, Yerriah, Choomka et d’autres dans des affaires de copinage.

 

Au sein de la majorité gouvernementale, plusieurs élus n’ont pas semblé cohérents et solidaires dans leur approche, n’est-ce pas ?

Les partenaires au sein du gouvernement font bande à part et l’absence de cohésion au sein de la majorité est criante. Nous avons vu des parlementaires du PMSD en train de flatter Xavier Duval en lui accordant la paternité du portefeuille de l’Intégration sociale alors que ceux du MSM ne cessaient de vanter le ministre des Finances. Lors de l’examen en comité, certains ministres ont démontré leur méconnaissance de certains dossiers, n’arrêtant pas de dire que les réponses à nos interrogations «will be circulated ». J’ai dû même faire savoir au Speaker que j’allais tout suivre point par point car ce n’est pas possible d’avoir, à ce stade, des travaux sur le budget, à faire face à des ministres incompétents. C’est le gouvernement le plus médiocre que nous ayons eu ! Le budget de Pravind Jugnauth est venu nous donner raison lorsque nous avons critiqué celui de Vishnu Lutchmeenaraidoo, une déception pour SAJ lorsqu’il s’est exprimé. Ce budget a marqué la mort de Heritage City et a démontré l’incompétence et l’arrogance de Roshi Bhadain. Le ministre de la Bonne gouvernance s’est décrédibilisé à tel point que le MMM a choisi de ne pas poser des questions sur son ministère. J’ai même réclamé sa démission comme ministre.  Au sein de la majorité, il est complètement isolé.

 

Pourquoi avez-vous réclamé la démission de Roshi Bhadain ?

C’est le ministre qui a causé le plus de tort à ce gouvernement de par son arrogance, sa gestion de l’affaire BAI et du projet Heritage City. Fait-il partie de ceux qui ternissent l’image des policiers de carrière en s’ingérant dans leur profession et en donnant des ordres au Central CID alors que la police est une institution indépendante ? Comment ce ‘junior minister’ peut-il bénéficier des services des motards ? N’est-ce pas un abus ? C’est Anerood Jugnauth qui le tolère et le jour où il le lâchera, il finira dans la poubelle politique. Roshi Bhadain, c’est du passé et Heritage City a été le dernier clou dans son cercueil.

 

Certaines expressions corporelles ne sont pas passées inaperçues alors que les bruits courent sur un rapprochement MSM-MMM. Qu’en dites-vous ?

Après les dernières élections générales, suivant ce qui s’est passé avec le Remake, les relations étaient très amères entre Anerood Jugnauth et Paul Bérenger et entre Pravind Jugnauth et moi. Mais nous sommes des gens civilisés, des politiciens de longue date et des parlementaires d’expérience. Pour nous, l’intérêt du pays passe avant tout. Entre whips, avec Mahen Jhugroo de l’autre côté, nous collaborons étroitement pour la bonne marche des travaux parlementaires. Être au pouvoir, toutefois, n’est pas une obsession pour le MMM. Nous sommes très critiques envers le Premier ministre parce qu’il laisse les ministres faire ce qu’ils veulent. Ce n’est pas le SAJ que nous avons connu dans le passé. Il n’y a qu’à voir les nominations et le copinage qu’il approuve. Il n’y a pas de leadership à la tête du pays. Il y a un manque de discipline. Un Anerood Jugnauth d’antan n’aurait pas toléré ce que nous voyons aujourd’hui. Vous croyez que Bhadain et Gayan auraient encore été ministres ?

 

Les tiraillements entre les partenaires de l’Alliance Lepep sont désormais un secret de Polichinelle. Cette absence de leadership de la part de SAJ ne fragilise-t-elle pas davantage l’équipe au pouvoir ?

L’Alliance Lepep a remporté une bonne majorité aux dernières élections, mais après un an et demi, elle est déjà minoritaire dans le pays. C’est la désillusion pour tous ceux qui avaient voté pour elle, eux qui avaient un dégoût pour l’ancien régime et sur lequel elle a surfé. Ils découvrent qu’ils ont affaire à « ène lalyans kolkamani, ène lalyans kot sakène fer ce ki li envie » sans se soucier de l’intérêt national et du bien-être de la population. Ce n’est pas ainsi qu’on dirige un pays.

Avec un partenaire comme le PMSD né pour jouir, les germes de l’instabilité sont apparus dès la prise du pouvoir. Et puis, il y a le tandem Collendavelloo-Gayan qui brille par son arrogance et qui est loin de représenter la bonne gouvernance et la moralité avec les nominations d’agents politiques dans certains corps parapublics. J’habite à Rose-Hill et je peux vous dire que les têtus et arrogants Collendavelloo et Gayan disparaîtront lors des prochaines consultations populaires.

 

Cette alliance MSM-PMSD-ML va-t-elle tenir bon jusqu’à la fin de son mandat ?

Avec le gel de Heritage City, il est clair que SAJ est en minorité au sein de son gouvernement. C’est un aveu de taille quand il vient ouvertement dire qu’il est triste de la tournure des événements quant à ce projet. Vishnu Lutchmeenaraidoo a délaissé les Finances et Pravind Jugnauth se retrouve sur un « tawa chaud ». Je crois qu’avec les problèmes politiques et économiques, il va être difficile au leader du MSM de « deliver » et ce sera la descente aux enfers. N’oubliez pas qu’il ne s’est pas tiré d’affaire complètement de MedPoint. Avec des ministres incompétents et d’autres qui agissent maladroitement « parski l’arrogance ine monte dan latet », certains au MSM trouvent que l’avenir est bien sombre avec des députés inexpérimentés tant sur le terrain qu’au Parlement. Ils confient que leur électorat, surtout en régions rurales, commence à les déserter. Cette faiblesse leur fait penser au mandat 2000-2005 auquel fait souvent allusion Pravind Jugnauth parce que le travail abattu à cette époque était formidable. Dommage que pour des raisons politiques et partisanes, plusieurs projets, comme le métro léger, ont été abandonnés en 2005. C’est le pays qui est le grand perdant aujourd’hui. Considérant tous les problèmes à l’intérieur du MSM et les relations fragiles avec ses deux partenaires, je ne vois pas durer ce gouvernement de pollueurs. L’Alliance Lepep se dirige vers l’implosion.

 

Vous vous en voulez au PMSD pour des raisons évidentes…

Sans le pouvoir, le PMSD disparaîtra sur l’échiquier politique. Les récentes remarques de Xavier Duval envers Paul Bérenger démontrent sa petitesse d’esprit. Il a le culot de dire que le PMSD est plus fort que jamais alors qu’il n’a pas pu faire élire un seul député à Stanley/Rose-Hill (no 19) et Beau-Bassin/Petite Rivière (no 20). Je lance un défi à Xavier-Luc Duval si tel est le cas : présente 60 candidats et pose-toi comme Premier ministre au lieu de chercher un partenaire pour ensuite jouir du pouvoir. Ses randonnées nocturnes, surtout dans certaines régions de la capitale, n’effaceront pas les méthodes du PMSD : « born to enjoy » sur le dos des contribuables. Le PMSD ne peut pas exister sans être au gouvernement.

 

Comment se porte le MMM avec sept députés seulement ?

Nous sommes sept à faire un travail extraordinaire au Parlement et nous avons gagné en crédibilité, mais le MMM c’est aussi ses différentes commissions, son aile féminine et la Jeunesse Militante. Nous sommes passés par des moments très difficiles, surtout après chaque défaite électorale et les trahisons. L’histoire du MMM ne s’efface pas. Nous n’avons jamais baissé les bras. Les jeunes viennent vers nous et nous préparons activement notre congrès-anniversaire le 26 septembre à Réduit.  Avec le MMM TV et les moyens de technologie moderne, notre équipe est bien active pour mobiliser toute la jeunesse mauricienne. L’avenir lui appartient.

 

Quel est le ‘mood’ dans le pays ces jours-ci ?

Partout où vous allez, c’est un climat anti-gouvernement  qui prévaut. Il n’y a que les ‘diehards’ et ceux qui ont obtenu des postes ou des faveurs qui vous diront que tout va bien. Sur les ondes, les voix connues qui encensaient le gouvernement au début,  le critiquent ouvertement maintenant. Ce sont elles qui disent que l’Alliance Lepep se dirige tout droit vers le précipice. La situation sociale se détériore, la drogue fait des ravages et le ‘law and order’ n’est plus sous contrôle. La police n’agit pas comme il faut et la collecte de renseignements sur le terrain laisse à désirer. Dommage qu’aux Casernes centrales, on est en train d’abuser de l’âge de sir Anerood Jugnauth. La situation est très grave et je suis inquiet pour l’avenir. Il faut un ressaisissement au plus vite.

 

Vous ne ratez aucune occasion pour tirer à boulets rouges sur les ministres incompétents et arrogants. Avez-vous déjà établi votre liste cible ?  Qu’en est-il de votre hit-parade ?

Les Bhadain, Gayan, Koonjoo, Sawmynaden et Baboo sont les poids lourds du régime. Ils font beaucoup de tort au gouvernement. Parmi les plus arrogants, je citerai Ivan Collendavelloo, Roshi Bhadain, Anil Gayan et Aurore Perraud. Mais je dois dire qu’il y a des ministres qui sont humbles comme Mahen Serruttun, Fazila Daureeawoo et Sunil Bholah.