Radars non opérationnels : Du pain béni pour les trafiquants de drogue

C’est intriguant comment les radars placés dans des endroits stratégiques du pays ne sont pas opérationnels. Après l’épisode des caméras CCTV de la prison de Melrose qui ne fonctionnent pas, on constate maintenant que ce sont les radars placés sur les côtes du pays qui leur emboitent le pas… Cela alors que les trafiquants de drogue privilégient la voie maritime pour faire entrer de la drogue dans le pays, comme nous expliquent les travailleurs sociaux Danny Philippe et Ally Lazer.

Durant la séance parlementaire du 18 août, les députés travaillistes Farhad Aumeer et Eshan Juman avaient voulu savoir le nombre de radars opérationnels et non- opérationnels. Le Premier ministre, dans sa réponse, aurait fait comprendre que trois des huit radars ne sont pas opérationnels : celui de Gris-Gris depuis janvier 2020, celui de St Brandon depuis mai 2020 et celui d’Agalega depuis juillet 2020.

Le capitaine du navire MV Wakashio lors de son interrogatoire, a fait mention du nombre de fois qu’il s’est, en tant que capitaine, approché des côtes de Maurice pour avoir une connexion pour que les membres d’équipage puissent contacter leurs familles. Un fait qui est troublant et inquiétant, car nul ne sait combien de navires, outre le MV Wakashio, qui se sont approchés de Maurice, et cela pour n’importe quelle raison.

Si ces trois radars susmentionnés ne sont pas opérationnels, qu’en est-il du trafic de drogue qui e fait par voie maritime ? Quels sont les dangers auxquels nous pourrions être confrontés avec des navires en maraude ?

Danny Philippe : « Les trafiquants sont bien informés »

Le travailleur social Danny Philippe remonte au confinement. Les Mauriciens étaient confrontés à toutes sortes de pénuries, dit-il, mais aucune pénurie n’a été constatée en ce qui concerne la drogue. C’est ce qu’auraient confirmé les consommateurs eux-mêmes.  Les trafiquants  qui font entrer la drogue au pays par voie maritime sont diaboliquement rusés, souligne Danny Philippe. Ces derniers trouvent différentes routes par la voie des mers pour faire entrer de la drogue à Maurice. Difficile pour les travailleurs sociaux, ou qui que ce soit, de retracer les passages utilisées par les trafiquants, car cela peut demander des années.

Or, les trafiquants sont trop bien informés en ce qui concerne les radars qui sont aveugles. C’est de cette manière, en catimini, que la drogue entre dans le pays. « Les trafiquants ont une bonne longueur d’avance sur nous et cela dans le monde entier, pas seulement à Maurice », lâche Danny Philippe, désabusé. Outre les trafiquants de drogue, tous ceux qui se livrent à des trafics illicites profitent de la situation.

Avec des années d’expérience dans le combat contre la drogue, il explique que des trafiquants, basés dans des pays comme La Réunion ou Madagascar, ont une grande facilité pour faire entrer de la drogue dans le pays. Ce qui confirme ses dires : souvent, de petites embarcations évoluent dans les parages de ces pays. Qui plus est, les radars, souvent, ne détectent pas les petits bateaux, ce qui est un avantage pour ceux qui se livrent au trafic de drogue. Le travailleur social plaide pour que les radars soient vérifiés de temps en temps pour la sécurité du pays.

Cela avait d’ailleurs été relevé dans le rapport de la commission Lam Shang Leen.

Ally Lazer : « Maurice mérite une médaille d’or »

Le président de l’Association des travailleurs sociaux de Maurice (ATSM), Ally Lazer, comme d’habitude, ne mâche pas ces mots sur les trois radars non opérationnels. Il dit qu’il a plusieurs fois dans le passé tiré la sonnette d’alarme et informé les autorités que le gros du trafic de drogue entre au pays par la voie maritime.

Il soutient des questions ont été posées au parlement à ce sujet. Les réponses les plus faciles : les caméras ou les radars qui ne sont pas opérationnels. Pour le travailleur social, cela démontre qu’il n’existe pas de volonté de la part des autorités de bien entretenir ces appareils.

Revenant sur le Wakashio, il explique : voilà un navire qui fonçait directement sur nos récifs malgré  la présence sur les lieux des garde-côtes. Et de l’autre côté, les radars, qui coutent une somme faramineuse, mais qui hélas, n’ont servi à rien. Des bateaux avec des pirates à leur bord, ou avec une cargaison d’armes ou de drogue auraient pu atteindre le pays, rien n’aurait pu être fait. « Il n’y a aucun contrôle par rapport à notre zone maritime, c’est pourquoi Maurice mérite une autre médaille d’or en ce qui concerne le combat contre la drogue », lâche-t-il.

En tant que travailleur social qui a lutté contre la drogue depuis des années, voire des décennies, Ally Lazer nous confie qu’il a peur pour l’avenir du pays. Concernant le premier radar qui était tombé en panne, on aurait entreprendre sa réparation ipso facto, mais rien n’a été fait. Deux autres radars sont aussi tombés en panne, mais là aussi rien n’a été fait.

Il rejoint Danny Philippe dans ses propos : « Ayant 40 ans d’expérience en tant que travailleur social sur le terrain, je sais quand il y a une pénurie de  drogue, mais pendant le confinement, il n’y en a eu aucune pénurie de drogue à l’horizon. » Alors que les frontières sont fermées, il dit que c’est évident que la drogue entre au pays par voie maritime.

Pour conclure, il dit que la corruption est le plus grand obstacle entravant le combat contre le trafic de drogue : « La drogue disparait aux Casernes centrales, ou bien on nous dit que les rats l’ont rongée ! Ce n’est pas étonnant si l’on éteint ou si on démolit les radars pour faire en sorte que la drogue puisse entrer dans le pays. » SAJ avait lui-même dit que la mafia de la drogue a infiltré les institutions du pays, a conclu Ally Lazer.

 

Neevedita Nundowah