Quand marmiton mégalo préféré à un chef étoilé

« A little learning is a dangerous thing; drink deep or taste not the Pierian spring: there shallow draughts intoxicate the brain and drinking largely sobers us again” Alexander Pope (Essay on criticism (1709).

Ce n’est pas faute d’avoir prévenu les autorités de l’inanité de la politique de flotte d’Air Mauritius. Pour l’avoir fait, Megh Pillay, gestionnaire chevronné et fin connaisseur de l’aéronautique, s’est fait éjecter de la compagnie par un quarteron de sous-fifres incapables de vision et de remise en question essentielle. Le tout, dans un environnement économique où seul compte la capacité permanente des dirigeants et l’ensemble des personnels de modéliser en amont et la flexibilité d’ajustement, sans mettre en péril le core business d’un transporteur aérien, pour rappel : assurer un service aérien régulier fiable et en toute sécurité des personnes et des biens qui lui font confiance. Ceci sans jamais faire de compromis en matière de sécurité et d’un minimum de qualité du service.

Ayant privilégié un marmiton mégalo à un chef étoilé, la « cuisine » semble se rendre compte aujourd’hui, du moins on l’espère, du caractère indigeste des plats servis. Ce qui aurait récemment pris la forme d’une tentative de remercier l’un de leurs sous-marmitons. Ce dernier, il n’y a guère, était affublé des plus grandes qualités, et toujours selon des gorges chaudes, avait déployé ses contacts dans les hautes sphères pour la désignation du chef cuistot, et renversé dans les deux heures, le NOTAM le prenant (enfin?) pour cible. Souvenons-nous, par ailleurs, que le marmiton en chef lui n’avait trouvé rien de mieux que de se mettre à dos ses chefs de partie qui assurent le flux harmonieux et serein des plats entre les cuisines et la clientèle en salle…

Las, au lieu de petits plats bien mijotés, c’est de la tambouille, concoctée avec d’onéreux ingrédients qu’Air Mauritius nous sert. Pas surprenant que les pertes s’accumulent. Et certains avancent même que la compagnie serait insolvable. En effet, le lease de chaque A350 à plus d’un million de dollars mensuels, bien supérieur au prix du marché, rend l’équilibre des comptes du transporteur des plus aléatoires, alors qu’existent des alternatives plus réalistes et rationnelles sur le marché, qui semblerait-il n’étaient pas à l’agenda en raison de quelques boulimies compulsives d’Air Mauritius, avec l’assentiment de son actionnaire majoritaire, l’Etat, a eu les yeux plus gros que le ventre. Une politique de renouvellement de flotte moins ambitieuse aurait dû la diriger vers le lease d’appareils impliquant des coûts financiers moindres, quitte à accepter des coûts d’exploitation légèrement supérieurs à ceux des A350 et a330neo. Après force déclarations et publicité, voilà qu’Air Mauritius s’apprête, selon des sources bien informées, à sous-louer deux A350 à la South African Airways. Nul ne sait s’il s’agit des deux appareils mis en service récemment ou de ceux à être livrés au troisième trimestre de cette année. Pour ceux-là, la compagnie a pris des engagements envers des financiers à hauteur de $ 160 millions pièce. Pour faire face à ses engagements, il lui faut générer plus de $25 millions par an sur 12 ans, alors qu’elle est déjà déficitaire. On peut penser que la SAA a assez d’expérience pour ne pas surpayer un lease. Mk serait donc amenée à essuyer les pertes de cette transaction. Sans compter que SAA non plus n’est pas sortie des turbulences de tout ordre et d’une toute autre dimension.

Népotisme et arrangement souvent opaques, ainsi que contrôle occulte du gouvernement, continueront à accabler et plomber les résultats d’Air Mauritius. Son redressement nécessite pour le moins une direction professionnelle et une remise en cause de sa gouvernance actuelle avec, notamment, la nomination d’un Président Directeur Général et d’un Board compétent et non peuplé de représentants aussi serviles que complaisants. De plus une injection de capitaux est essentielle pour maintenir la compagnie en vol. Alors que des discussions sont menées sur la politique d’accès aérien, surtout pour les compagnies du Golfe, pourquoi ne pas assortir celles-ci d’une exigence qui verrait les demandeurs devenir actionnaires minoritaires de MK ? Le gouvernement pourrait considérer, voir diluer sa participation, autour de 64% aujourd’hui, à 51%. Les Emirats Arabes Unis avec Emirates ayant déjà accès au marché de et vers Maurice, ce serait une erreur de les favoriser davantage en accédant à la demande d’Etihad, s’apparentant à empiler des œufs dans le même panier de manière irréfléchie. Que penser de la névrose obsessionnelle par rapport à Ethiopian, en dépit des discours prônant un renforcement de notre politique africaine sur les cendres du défunt Air Corridor, reposant dans l’urne de certains phantasmes… En revanche, Qatar Airways qui se positionne comme alternative de modèle et de possibilités d’accompagner de manière rationnelle et équilibrée la nécessaire diversification des transporteurs, qui permettront au pays d’atteindre ses objectifs en terme d’arrivées touristiques, réaliser la vision de transformer l’aéroport international en un hub régional et creuset d’activités et d’opportunités de développement économique de ces deux compagnies, pourrait faire un excellent partenaire de MK, tout en nous affranchissant de certaines entraves qui ressemblent à s’y méprendre à des entraves teintées d’allégeances douteuses qui ne font aucun sens et fragilisent la sérénité de tout un secteur essentiel à se réinventer pour justement sortir du fameux middle income trap. Tout le monde en parle au niveau des constats. Quant à l’administration des prescriptions qui permettraient d’appliquer des solutions permettant à résolument le combler pour en faire la piste d’envols vers de nouveaux horizons, elle demeure le défi et comme le dit l’adage  « c’est dans le cockpit que l’on reconnait et distingue le chef instructeur de l’apprenti sorcier novice ».

                                                                                                                                          ICARE