Propagation des chenilles légionnaires : Les autorités ont-elles fait fi des conseils de la SADC et du MSRI ?

La présence du Fall Army Worm se répand à une vitesse alarmante sur le territoire mauricien.  Cet insecte s’attaque essentiellement aux cultures de maïs et déjà en l’espace d’une semaine la situation est devenue difficile à gérer pour les officiers du ministère de l’Agro-Industrie.  La propagation des chenilles légionnaires, nous rappelle un triste souvenir en 2016 avec la maladie de la fièvre aphteuse qui avait fait ravage dans les cheptels de bétails à travers l’île.  Une fois de plus, les autorités mauriciennes, ont perdu la bataille contre la Fall Army Worm et déjà une nouvelle menace se précise avec la présence de la «Tuta» à l’ile de la Réunion qui affecte de grandes étendues de culture de la tomate… Le point…

Marwan Dawood

La Fall Army Worm ou chenille légionnaire d’automne sur le continent africain, cet insecte a déjà causé beaucoup de dégâts aux cultures de plus de 40 pays d’Afrique.  C’est quand elle est à l’état larvaire que la Fall Army Worm fait plus de ravages.  Elle s’attaque principalement les plantations de maïs.  Cependant, d’autres plantes ne sont pas à l’abri d’une attaque dévastatrice de cette bête car une fois les champs de maïs contaminés, les insectes vont infiltrés les champs de cannes et les cultures de légumes.  Tout compte fait, l’île Maurice fonce droit vers un grave problème en l’absence de solution durable contre la Fall Army Worm.

Les conseils de la SADC et du MSRI ignorés ?

Comment sommes-nous arrivés à une telle situation ?  Selon nos informations, en 2017, des experts de la Southern African Development Countries (SADC) avait tiré la sonnette d’alarme demande au gouvernement mauricien, dont le ministère de l’Agro-Industrie de prendre les précautions nécessaires pour empêcher que la Fall Army Worm ne fasse son entrée sur le territoire mauricien.  Cependant une source proche du dossier affirme que les conseils de la SADC ont été ignorés complètement.

Par ailleurs, il nous revient que la Fall Army Worm a été aperçue pour la première fois à l’île Maurice vers la fin de l’année dernière par le Mauritius Sugar Research Institute (MSRI).  Cependant, ils sont nombreux à se demander pourquoi des actions immédiates n’ont pas été prises par les autorités agricoles pour tuer dès le départ ces bestioles qui affectent aujourd’hui une grande partie de nos cultures de maïs.

 

« Cela aurait pu être évité », dit un expert de la FAO

Lorsque les dégâts à Rodrigues sont devenus trop conséquents, le gouvernement mauricien a lancé un appel au secours auprès de la Food and Agriculture Organisation (FAO).  Chilupa Mwabe a lors d’une rencontre avec des planteurs à Wootun fait une déclaration qui pourrait venir confirmer les dires ci-dessus. « Le problème de la chenille légionnaire, aurait pu être écarté si Maurice avait pris les dispositions nécessaires », dit-il.  Pour Chilupa Mwabe, l’alerte aurait dû être donnée dès que la découverte de l’insecte dans des pays avoisinants avait été validée.  «Malheureusement, les champs de maïs n’ont pu être épargnés des chenilles légionnaires », affirme l’expert de la FAO.

Chilupa Mwabe lance ainsi une mise en garde aux autorités agricoles de Maurice. «La chenille légionnaire est une chenille ravageuse transfrontière qui peut causer une perte importante et qui peut éventuellement affecter la sécurité alimentaire, voire le commerce international », confirme l’expert de la FAO.   Pendant cette rencontre, Chilupa Mwabe a apporté son expertise auprès des planteurs mauriciens en leur disant, «vous devez visiter régulièrement votre champ et détecter les dommages récents, écraser les œufs des chenilles légionnaires si vous en voyez et assurer un contrôle naturel », dit-il.  Ce dernier rappelle ainsi l’importance de la communication dans cette campagne contre la chenille légionnaire.  «Je recommande aussi la communication notamment à travers les médias ou les réseaux sociaux et il faut éviter les pesticides très dangereux. Vous pouvez aussi utiliser des trappes », avise-t-il.  Pour Chilupa Mwabe, il faut que les Mauriciens puissent pouvoir identifier le problème car « elle se déplace rapidement et s’attaque à plusieurs espèces de plantes différentes ».

Installations des trappes par le FAREI

Au niveau du Food and Agricultural Research & Extension Institute (FAREI) à Réduit, on avance que toutes «les dispositions ont été prises pour éviter que le problème s’aggrave ».  Shekhar Boyramboli, Senior Chief Executive au ministère de l’Agro-industrie explique que, « 2 000 trappes ont déjà été installées et nous avons passé la commande pour 2 000 autres. Nous avons déjà procédé à un premier exercice de pulvérisation et un deuxième se tiendra ce week-end. Nous sommes dans une situation d’urgence mais pas catastrophique ».

«La sécurité alimentaire en péril », explique Kreepalloo Sunghoon

Le président de la Small Planters’ Association a dans une déclaration à Sunday Times s’est montré très critique à l’égard des autorités.  Il revient ainsi sur ses craintes d’une crise alimentaire à l’île Maurice. « Prenons en considération la production alimentaire qui a chuté ces dernières années.  Nous ne pouvons pas tout mettre sur le climat. Les planteurs se sentent abandonnés par le gouvernement car nous n’avons pas les protections nécessaires pour faire face aux problèmes liés aux insectes par exemple.  L’avenir sera difficile pour la production des légumes et nous auront une situation alimentaire difficile », prédit le président de la Small Planters’ Association.

Commentant la propagation de la ‘Full Army Worms’, Kreepalloo Sunghoon estime que la situation est très grave. « Nous avons aujourd’hui 80 sites affectés par les insectes. Il n’y a aucune garantie du gouvernement qu’on pourra arrêter la propagation. Pourra-t-on arrêter la Full Army Worm ? Personne n’a de réponse pour nous.  Une fois qu’elle aura fini avec les champs de maïs, elle dévastera les champs de cannes et les légumes.  La sécurité alimentaire est en péril et nous courrons un grave danger », dit Kreepalloo Sunghoon.   Ce dernier demande aux autorités agricoles de prendre les mesures qui s’imposent et instaurer un protocole pour l’avenir. « Nous avons besoin d’un strong driver aux commandes de l’agriculture », conclut-il.

Les plantes affectées détruites

 « Le jeudi 28 mars, des officiers ont débarqué dans mon champ et ont détecté la présence de chenilles légionnaires. Je leur ai expliqué qu’elles sont effectivement là depuis quelques jours et que je prends toutes les dispositions pour les éliminer. Mais, les officiers n’ont pas voulu m’écouter et ont détruit mon champ de maïs. Je suis le seul à subir ce dommage», nous dit Rakesh Huzooree, planteur de maïs du Nord.  « Eski bane officiers la ti aucourant et zot pane informe planteur ? Zot ine coupe enn bon nombre mo bane plantes et zot ine spray enn medicine. Mais zot bizin instaure enn protocole. Si ziss 30% mo plantation ine affecté kifer bizin coupe tout ? Sa 70% la ti capave servi sa », déplore Rakesh Huzooree.

Une bête dévastatrice

 

 

 

 

 

 

 

 

La chenille légionnaire est de couleur beige et marron en provenance d’Amérique Latine.  Après avoir fait beaucoup de dégâts dans les Caraïbes, elle débarque par voie maritime en Afrique de l’Ouest au cours de l’année 2016.  La chenille légionnaire a une espérance de vie estimée à 40 jours pour la période larvaire et par la suite, elle se métamorphose en insecte volant pour aller pondre ses œufs plus loin.   Après son entrée sur le continent noir, la chenille légionnaire s’est répandue sur toute l’Afrique subsaharienne en 2017 et ce n’est qu’en 2018 qu’elle a été localisée en Inde et en 2019, Maurice et Rodrigues sont gravement touchés.

Son passage en Afrique Australe a laissé des traces incroyables. Le maïs, le blé, le millet et le riz…toutes ses cultures ont été dévorées plongeant certains pays dans une désolation totale, voire la famine.  Les chenilles légionnaires ont déjà pris d’assaut des millions d’hectares de cultures de maïs en Afrique, mettant à mal la sécurité alimentaire d’environ 300 millions d’habitants des pays concernés, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Attention nouveau danger !

Après la chenille légionnaire (“full army worm”), Maurice est aussi menacée par la « Tuta », la peste de la tomate (tomato leaf miner), actuellement présente à La Réunion et susceptible d’atteindre Maurice si les mesures préventives ne sont pas prises. C’est que dit l’expert de la FAO, Chilupa Mwabe. 

  « Il y a un autre insecte en Afrique qui pourrait bien menacer Maurice », a ainsi affirmé Chilupa Mwabe, l’expert de la Food and Agriculture Organisation (FAO), lors d’une rencontre hier avec les planteurs à Wooton. Il a recommandé au Food and Agricultural Research and Extention Institute (FAREI) d’être « vigilant » et de « prendre toutes les précautions nécessaires » avant que ces insectes n’atteignent Maurice, comme dans le cas de la chenille légionnaire Chilupa Mwabe estime que Maurice doit « rester sur ses gardes »