Post Covid-19 : Des licenciements avec leur lot de misère humaine

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Après le cauchemar de la covid-19 et la levée du confinement, voilà les licenciements qui s’amorcent. En effet, plusieurs compagnies commencent à mettre à la porte des employés qui comptent parfois plusieurs années de service, et cela sans aucun préavis. Un subterfuge qui est de plus en plus utilisé par certains employeurs : faire signer un document attestant que l’employé donne sa démission de son plein gré. Nous nous sommes tournés vers quelques-uns de ces licenciés, qui nous racontent leur désespoir face à l’avenir.

Ranbir, employé d’hôtel : « Difficile de trouver un emploi dans un autre hôtel »

Ranbir (prénom fictif), un homme âgé de 30 ans, employé dans un hôtel à Pointe-aux-Canonniers est au chômage forcé depuis le 1er juin. Cet employé a reçu un coup de fil pour qu’il se rende sur son lieu de travail le lendemain pour toucher son salaire pour le mois de mai.  Sans savoir ce qui l’attendait au tournant, le jeune homme s’est rendu à l’hôtel tôt le matin.

À sa grande surprise, le directeur des ressources humaines l’a informé qu’il a été mis à la porte, en lui expliquant que l’hôtel faisait face à une crise financière. « Je suis vraiment dévasté car je n’ai reçu aucun préavis avant ce licenciement », déplore-t-il. Il avait bien signé un document mais ne savait pas que c’était une lettre rédigée en avance pour confirmer sa démission.

Il explique que tout le personnel de cet hôtel a été licencié, hormis deux employés proches du directeur de l’hôtel. Aucun des licenciés n’a été informé s’il sera réembauché après la réouverture des frontières.

Aujourd’hui, après plus d’un mois sans emploi, Ranbir se retrouve dans une situation angoissante. Il doit faire face à la chereté de la vie, surtout avec l’augmentation des prix des produits de première nécessité. Ce sera très difficile pour lui de trouver un autre emploi rapidement dans le domaine de l’hôtellerie car d’autres hôtels à travers le pays ont aussi fermé leur portes. Il a entamé plusieurs démarches pour obtenir la somme de Rs 5 100 sous le ‘Wage Assistance Scheme’ auprès de la Mauritius Revenue Authority (MRA), mais il n’a reçu aucune réponse positive à l’heure actuelle.

Mevin, ‘Room Attendant’ : « Aucune reconnaissance de la part de l’hôtel envers moi »

Mevin travaillait comme ‘Room Attendant’  dans un hôtel à Pointe-aux-Piments. Il a été licencié durant la période de confinement, et cela sans aucune explication valable de la direction, selon lui. Cet homme âgé de 40 ans est père de famille. Il est lui aussi dans une situation impossible depuis qu’il s’est retrouvé au chômage. Il a dû se retrousser les manches et travailler comme maçon afin de nourrir sa famille.

« Il n’y a eu aucune reconnaissance de la part de l’hôtel envers moi et les autres employés », nous dit-il. Malgré qu’il ait été employé depuis un certain nombre d’années dans cet hôtel, Mevin n’a reçu aucune prime de départ. Il dit que c’est une « injustice » envers lui et ses amis de la  part de la direction de l’hôtel.

 

Nashreen, réceptionniste : « Je vis un calvaire depuis deux mois »

Nashreen Beeharry, une femme âgée de 49 ans qui vit seule, était employée comme réceptionniste dans une compagnie de gardiennage à Quatre-Bornes. Cela fait deux ans que cette femme travaille pour cette compagnie. Les choses ont commencé à se chambouler avec la pandémie du Covid-19 à Maurice, et après la mise en vigueur du confinement, elle s’est retrouvée au chômage.

La compagnie a toujours joué un double jeu quant au salaire qui lui est dû ou s’il fallait qu’elle reprenne le travail après l’enlèvement du confinement. Des fois, elle reçoit l’aide de ses voisins pour la soutenir. « Je vis un calvaire depuis deux mois car je suis restée impayée tout ce temps », relate-t-elle. Elle compte porter plainte à l’inspectorat du ministère du Travail pour avoir plus d’éclaircissements.

Sheila : « J’ai été ‘manipulée’ afin d’être licenciée »

Sheila (prénom fictif) est une femme de 31 ans, habitant le sud du pays, et mère de deux enfants. Elle  nous raconte comment elle a été « manipulée » avant d’être licenciée de son poste dans cette entreprise touristique.

Sheila travaillait dans cette compagnie depuis 9 ans. Pendant le confinement, elle a eu la visite d’un cadre de la compagnie. Ce dernier lui avait dit de signer un document afin qu’elle puisse obtenir son salaire pour les mois d’avril et de mai. Si elle refusait de signer, elle n’obtiendrait pas son salaire. Elle ne savait pas que cela allait jouer contre elle dans les jours à venir. Le 11 juin, elle a été informée qu’elle est mise à la porte  car elle a déjà signé sa lettre de démission pendant le confinement. « C’est une injustice envers moi car la direction a fait du chantage », explique-t-elle.

Depuis jeudi dernier, cette mère de famille est au chômage technique. Sa vie devient de plus en plus  intenable car son mari, qui travaillait aussi dans le secteur touristique, a lui aussi perdu son emploi récemment. « Nous ne savons plus que faire car nous n’avons aucune source de revenus pour soutenir nos enfants », se lamente-elle, en proie au désespoir. Elle réclame aussi qu’elle obtienne une prime de licenciement pour les 9 ans qu’elle a consacrés au service de la compagnie.