Police ou paillasson ?

Edito par Zahirah Radha

« Il existe à Maurice une justice à plusieurs vitesses », nous disait Iqbal Mallam-Hasham après que les charges provisoires retenues contre lui dans le sillage de l’affaire BAI aient été rayées en avril dernier. Il ne croyait pas si bien dire. Les récents événements l’ont encore une fois démontré. Vous n’avez qu’à voir la façon dont un voleur de choux-fleurs a été arrêté mercredi et condamné le lendemain même à trois mois de prison par la cour. La police s’est appuyée sur une vidéo (tiens !) postée sur Facebook pour procéder à son arrestation. La question qui nous revient immédiatement à l’esprit : la police a-t-elle vérifié l’authenticité de l’enregistrement vidéo avant qu’elle ne boucle son enquête de manière expresse ? Y voyez-vous quelque chose qui cloche ? Comment expliquer cette rapidité avec laquelle la police a exécuté son travail dans le cas de ce petit voleur ce choux-fleurs, aussi récidiviste soit-il, alors qu’elle prend tout son temps pour ‘deliver’ quand il s’agit de l’enquête sur Showkutally Soodhun? On ne voit aucune justification quant à la lenteur de tortue avec laquelle la police procède dans le cas de ce ministre de la République, sur qui pèsent des allégations beaucoup plus graves. À moins que ce ne sont que des ‘delaying tactics’.  

Et pourquoi la police devrait-elle agir autrement quand tout laisse croire qu’elle prend ses ordres de l’hôtel du gouvernement. Mario Nobin pourra dire « let the police police » autant de fois qu’il veut, mais c’est sur ses actions que la population se basera pour la juger. « Mo pou laisse la police faire so travay ». Ce commentaire lâché par le vice-Premier ministre à l’issue de son interrogatoire aux Casernes centrales, mardi soir, est lourd de sens. Cela sous-entend qu’il aurait pu influencer le cours de l’enquête. Mais dans un pays tel que le nôtre, où le gouvernement est rempli d’hommes et de femmes sur qui pèsent diverses allégations de conflits d’intérêt et autres, un tel écart ne devrait point nous surprendre. La police n’avait-elle pas été contrainte de référer les cas Dayal et Lutchmeenaraidoo au DPP au lieu de statuer elle-même s’il y avait lieu de les poursuivre ou pas ? « I asked the Commissioner of Police not to take upon himself a decision to bring anyone of them before the Court of law and have a provisional. I asked him to have the inquiry completed, not to take decision by him, but refer it to the DPP. Let the DPP decide whether there is a case and, if there is a case, under what section of the law and what offence », avait dit l’ancien Premier ministre sir Anerood Jugnauth à l’Assemblée nationale le 12 avril 2016.

Cette instruction de SAJ au Commissaire de police n’avait rien d’anodine et a créé un mauvais précédent.  Elle a donné un alibi en béton à la police pour que celle-ci traîne les pieds quand il s’agit des allégations portées contre des élus, tout en laissant la sale besogne au Directeur des Poursuites Publiques (DPP). Ce qui expliquerait aussi pourquoi le ministre Sudhir Sesungkur n’aurait toujours pas été interpellé après la récente déposition faite contre lui par Pamela Seedheeyan, malgré des « preuves solides » qu’elle soutient avoir fournies au CCID. Tant que la police agira comme le paillasson du pouvoir, tant qu’elle se contentera d’être complaisante envers des élus, la population ne pourra être fière de sa force policière. Il n’y a que le Premier ministre Pravind Jugnauth qui peut se réjouir du travail remarquable effectué par la police. Mais au royaume des aveugles, les borgnes sont rois…