OPINION : Revendications réunionnaises

Mai 1975. Des milliers d’étudiants mauriciens en pleine crise face au dysfonctionnement de notre système éducatif se mobilisent pour réclamer du gouvernement plus de justice et plus de considération à leur égard. Ces ados lâchés dans les rues de la capitale avaient à peine 13 ou 14 ans. La manifestation-monstre culmina à GRNO. Fin 1976, elle accoucha de la gratuité de l’éducation nationale.

Plus de 40 ans plus tard, on se demande encore ce qui a bien changé. Dans la forme, tout, les ministres successifs apportant chacun sa touche personnalisée, avec une dose politisée. Sur le fond, rien ou presque, le système n’ayant pas beaucoup évolué, en tenant compte des 30 % d’échecs à chaque fin de cycle (CPE, SC, HSC), abandonnant à leur triste sort des milliers d’analphabètes. Une lueur d’espoir toutefois : le ‘nine-year schooling’ pouvant sauver ce qui peut l’être d’un désastre naturel.

Jadis courageuse, forte, audacieuse, à la pointe des revendications, la jeunesse mauricienne (fort heureusement, une infime partie) ne réagit plus, ne crie plus, ne revendique point. Victime vulnérable de l’éphémère synthétique, l’invitée indigeste, elle abdique, elle subit. Désemparée, fragilisée, elle perd ses repères, loin des valeurs morales. Devrait-on imputer à notre système éducatif cette décadence ? Comme en 1975, elle se sent coincée, en nette perdition, mais s’éternise dans l’indifférence.

À 40 minutes de vol de chez nous, des Réunionnais jeunes et moins jeunes ‘hijack’ un mouvement de grève contre la hausse du prix des carburants pour fustiger le gouvernement Macron. Le mal vivre et le sentiment d’abandon animent ces Réunionnais frustrés, dont 28 % sont au chômage et 42 % vivant en dessous du seuil de pauvreté. Barrages routiers, émeutes violentes, ce qui n’est pas sans nous rappeler le tristement célèbre Chaudron des années 90.

Des Réunionnais courageux qui, eux, ont su apporter leurs revendications sur la place publique pour que le Quai d’Orsay puisse entendre leurs voix à des milliers de kilomètres d’ici. Je constate qu’il n’y a pas que les outils informatiques qui peuvent nuire ou ‘cause annoyance ou inconvenience’. Macron aura reçu le message 5 sur 5. Exemple à suivre pour la jeunesse mauricienne.

                Siddick Naudeer