Nouveaux parlementaires de l’Opposition : Quand leur idealisme se heurte à la realité dans l’hémicycle…

7 novembre 2020 : un an déjà qu’ont eu lieu les dernières élections générales. Pour leur baptême de feu, les nouveaux parlementaires ont dû faire face à une année difficile : en effet, 2020 a été pleine de défis, notamment avec la pandémie de covid-19. Comment a été cette année pour les parlementaires de l’Opposition qui ont été élus pour la première fois par le peuple ? Quelle a été leur expérience dans l’hémicycle ainsi que sur le terrain ? Beaucoup dénoncent la partisannerie qui prévaut au Parlement, le manque de décorum, et surtout la partialité du Speaker.

 

Fabrice David, Ptr 

« Un système archaïque pour le traitement des questions »

Fabrice David veut que sa voix soit celle des pauvres, des squatters, des pêcheurs, des artistes, des autistes et des personnes autrement capables. « Je n’ai jamais arrêté de sillonner ma circonscription pour aller à la rencontre des habitants, être à leur écoute, les soutenir, agir, faire bouger les choses et organiser plusieurs événements », dit-il. Il est revenu sur le naufrage du Wakashio : « Avec une centaine de jeunes, nous avions prêté main forte à Mahébourg pour lutter contre la marée noire. »

« Quant au Parlement lui-même, entre un arbitre arbitraire, un système archaïque pour le traitement des questions, l’attitude choquante de plusieurs parlementaires de la majorité (y compris les jeunes) et le communalisme puant qui s’invite dans les débats parlementaires, c’est un triste simulacre de démocratie ! », conclut le député rouge.

 

Kushal Lobine, PMSD

« Déçu de la part des  députés de la majorité »

Pour Kushal Lobine, député du PMSD, c’était un début satisfaisant. Étant un habitant de la région où il a été élu, il a eu une interaction superbe avec les gens de sa localité ainsi qu’avec la population en général, ce qui l’a beaucoup aidé à gagner en experience.

En tant que parlementaire, il se fait un devoir de poser au minimum deux questions sur les doléances de sa circonscription et deux au niveau national. « Cela restera toujours une expérience unique. En outre, cela a été un apprentissage sur la chose politique. Je continue d’apprendre », nous dit-il.

Il revient sur son ‘maiden speech’ au Parlement, pour lequel il a recu plusieurs felicitations. Parmi les sujets qu’il avait abordés : la Constitution et la création d’une ‘Constitutional Court’.  Il tient à dénoncer le fait que plusieurs jeunes parlementaires de la majorité ne jouent pas le jeu de la démocratie. « Je suis déçu de la part des députés de la majorité, et cela ne fait pas honneur de voir ce genre de comportement de leur part », nous fait comprendre le député bleu.

 

Eshan Juman, député du PTr

 « Certaines de mes questions ont permis  de révéler des scandales »

« Cela a été une année enrichissante à plus d’un titre. J’estime avoir fait de mon mieux pour soulager les problèmes auxquels sont confrontés mes mandants. J’ai été leur voix à l’Assemblée nationale où j’ai soulevé des sujets qui leur touchent principalement, en espérant bien sûr que les autorités fassent diligence. Ensemble avec mon colistier Shakeel Mohamed, des bienfaiteurs et des douzaines de volontaires, nous avons également pu venir en aide à des milliers de familles de la circonscription no. 3 durant le confinement en leur offrant des ‘food packs’. Cela me rend heureux d’avoir pu les aider dans ce moment tellement pénible et éprouvant.

Au niveau de l’Assemblée nationale également, j’ai aussi posé des questions d’intérêt public, dont certaines ont permis de révéler des scandales, comme celle sur l’achat des ‘ventilators’, entre autres. Malheureusement, la démocratie parlementaire est souvent bafouée.

Cette année écoulée, je pense, a aussi permis à la population de réaliser à quel point le pays est mal géré et comment il est gangrené par des cas de fraude et de corruption. Ce qui a d’ailleurs poussé des centaines de milliers de Mauriciens dans les rues de la capitale et de Mahébourg pour protester contre ce gouvernement qui reste malheureusement coupé de la réalité ».

 

Joanna Bérenger, MMM

« Tous les subterfuges utilisés par le MSM ne font pas honneur à notre démocratie »

Joanna Bérenger, députée du MMM, nous explique qu’elle a pleinement conscience des responsabilités qui l’attendaient. « Mais je regrette de ne pas avoir pu exercer pleinement mon rôle de parlementaire et de représentante de la circonscription no 16, car nous n’avons eu que 9 mardis pour poser nos questions et interpeller le PM et les ministres », nous dit Joanna Bérenger.

« Ajouté à cela, le Speaker joue très souvent au ‘goalkeeper’ et les ministres font très souvent exprès de donner de très longues réponses (au lieu d’être concis) afin de perdre du temps », affrme-t-elle. « Lorsque nous posons des questions supplémentaires en relation avec la question principale, ils nous demandent de venir avec des ‘substantive questions’. Tous ces subterfuges utilisés par le MSM, avec la complicité du Speaker, ne font pas honneur à notre démocratie », conclut-elle.

 

Ranjiv Woochit, PTr

« Au Parlement, c’est un système dictatorial qui prévaut »

« Ranjiv Woochit  fait d’emblée une comparaison entre un District Council et le Parlement : « Au District Council, quand j’étais président, je présidais des ‘Full Meeting Councils’, qui sont similaires avec le Parlement. Ce n’est pas étonnant pour moi de voir les débats durant un ‘Full Meeting Council’ plus intéressants et plus démocratiques que ceux du Parlement, car tous les conseillers ont l’occasion de parler. C’est mieux que de venir au Parlement, où il y a un seul parti qui a l’occasion de parler et où le Speaker  agit comme ‘goalkeeper’, en empêchant les  ministres et les députés d’encaisser des buts. C’est ça qui m’intrigue. Au Parlement, c’est un système dictatorial qui prévaut, et sur cela, je me sens un peu délaissé. Or, le speaker devrait nous donner le courage pour entrer au Parlement pour nous exprimer. »

Comment cela se passe au niveau de sa circonscription ? « Un politicien aime bien se mettre en proximité avec ses mandats et pour cela, il y a plusieurs façons. Si vous ne participez en aucune activité, cela est difficile de faire de la politique. »

 

Farhad Aumeer, PTr

« Je croyais que je venais au Parlement pour voir deux partis qui s’affronteraient sur les idées et les principes »

Le député nous explique comment il aborde son travail de parlementaire. « Autant que possible, je pose des questions à l’Assemblée par rapport à ma circonscription », nous explique-t-il.

Comment se passent les choses au niveau  du terrain ? « Cette circonscription comporte quand même son lot de difficultés et de contraintes. Toutefois, j’adopte une politique de proximité et j’essaye de mon mieux pour être présent s’il y a un problème », décrit-il. Notons que le député, qui est gynécologue, a ouvert un cabinet avec tous les appareils modernes et offre des consultations ‘free of charge’ à ses mandants. Comment perçoit-il le Parlement ? « Ma plus grande déception en découvrant le Parlement, c’est le niveau des débats, et à quel point le décorum fait défaut. Je croyais, à tort hélas, que je venais au Parlement pour voir deux partis qui s’affronteraient sur les idées et les principes », dénonce-t-il.

 

Karen Foo Kune, MMM

« Beaucoup d’énergie gaspillée dans les palabres partisanes »

Karen Foo Kune dit ressentir une grosse déception, en voyant la partisannerie qui règne au sein du Parlement. « Beaucoup d’énergie est gaspillée dans les palabres partisanes  au lieu dans des débats concrets. Comment pouvoir améliorer la vie des citoyens et apporter du développement dans ces conditions ?», fustige-t-elle.

La députée dit n’avoir jamais vu dans le passé un tel bafouage de la démocratie, malgré le fait que le Parlement est supposé être le temple de la démocratie. C’est choquant pour elle que le speaker les empêche de faire leur travail.  « Le Speaker joue le jeu du gouvernement. De plus, il faut noter que les parlementaires de la majorité jouent sur le temps. Je déplore aussi l’attitude de certains parlementaires qui manquent de décorum et d’éthique ».

Elle conclut en disant que ce sont uniquement les premières questions qui passent, tandis que les questions qui se trouvent à la fin ne sont pas posées, et les ministres ne se trouvent ainsi pas dans l’obligation de les répondre, ce qui fait qu’il faut revoir les ‘Standings Orders’.

 

Mahen Gungapersand, PTr

« Ce n’est pas facile avec la façon de faire de notre Speaker »

« C’est définitivement une nouvelle expérience pour moi. C’est important qu’un nouveau parlementaire commence à comprendre et à maitriser les ‘standing orders’. Le Parlement demande beaucoup d’assiduité et de préparation », explique-t-il.

Comment cela se passe au niveau de sa circonscription ? « Cela se passe bien car je suis un habitant de l’endroit. Je suis à l’écoute de mes mandants. Dans tous les activités sociales, religieuses, ou encore sportives, je suis toujours présent. Le Parlement est un moyen de faire entendre la voix des habitants de nos circonscriptions », dit-il.

Le Speaker lui facilite-t-il la tâche ? « Non, ce n’est pas facile, surtout avec la façon de faire de notre Speaker, qui est bien ‘one-sided’. On a eu même une motion de blâme contre lui. On voit qu’il protège les membres du gouvernement. Il n’aide certainement pas à apporter une atmosphère acceptable du point de vue de la démocratie. Sa méthodologie est assez simple. Tous ceux qui posent des questions embarrassantes pour le gouvernement, se verront rappeler à l’ordre, avec ses ‘I Order You Out !’ ou bien la tactique de faire en sorte que les parlementaires soient ‘Named’», dénonce-t-il.