Navin Ramgoolam : « La délivrance est proche »

  • « C’est une culture enracinée du clan Jugnauth que de menacer les opposants politiques et de les jeter en prison »
  • « Jamais le népotisme, avec ses incompétences et ses gabegies coûteuses, n’avait atteint de tels sommets, sacrifiant les compétences avérées pour caser les membres et les proches d’une seule famille »

 

Dans un entretien qu’a accordé le Dr Navin Ramgoolam à notre confrère Mauritius Times dans sa dernière édition, le leader de l’Alliance Nationale revient sur les enjeux des prochaines élections qui se tiendront le 7 novembre prochain. Dans la même foulée, il reconnaît et accepte humblement ses erreurs du passé et promet d’en découdre une fois pour toute. Il prend aussi l’engagement de délivrer le pays de l’emprise du népotisme, de fraudes, de corruption et de scandales. Nous reproduisons ci-dessous des grands extraits de cet entretien…

 

MT: La sagesse se façonne dans l’adversité, dit-on. Vous avez dû affronter le rouleau compresseur du gouvernement Lepep durant une bonne partie de ces cinq dernières années. Qu’est-ce que cette expérience vous a appris et de quelle manière avez-vous évolué?

Au Parti Travailliste, nous devions analyser les raisons derrière la défaite de 2014 et son ampleur, et en tirer les leçons à tête reposée. C’est ce qui a été fait en équipe. De là, comme leader, j’ai assumé la responsabilité de cette défaite et j’ai aussi reconnu publiquement qu’il y a eu des erreurs et la nécessité de les rectifier par, notamment, un retour à nos valeurs, au sens de nos combats, et à travers une écoute de notre électorat, tant urbain que rural.

Mes adversaires ont tout fait pour me détruire politiquement, sans la moindre considération pour l’image du pays sur le plan international et auprès des investisseurs. Les derniers cinq ans passés en faisant face à ces épreuves m’ont permis de prendre du recul, d’écouter et de comprendre les souffrances de mes concitoyens dans leur vie quotidienne. Ce recentrage m’a renforcé et inspiré pour proposer une rupture au système afin d’améliorer le bien-être de tous les Mauriciens.

Je prends la vie comme elle vient et j’ai acquis la force intérieure pour surmonter les épreuves. Je crois en Dieu comme je crois en la spiritualité : la profondeur spirituelle est nécessaire à l’homme politique. L’essentiel c’est de croire en soi, de rester debout, de ne jamais baisser les bras.

MT : Nous aborderons la « rupture » plus tard, mais dites-nous d’abord comment avez-vous tenu le coup durant tout ce temps?

Sur le plan personnel, c’est vrai que j’ai vécu des moments difficiles, mais ma conscience était claire, et j’avais à mes côtés mon épouse, Veena, qui a été d’un soutien indéfectible durant ces années éprouvantes.

Par ailleurs, je n’ai pas arrêté de recevoir de toutes parts des témoignages grandissants de solidarité des Mauriciens de toutes les communautés et de tous les niveaux sociaux.

C’est une culture enracinée du clan Jugnauth que de menacer les opposants politiques et de les jeter en prison. Souvenez-vous des charges fabriquées à l’encontre de Sir Gaëtan Duval.

J’ai pu faire des erreurs comme tout humain, mais au cours de tant d’années passées au service du pays en assumant les plus hautes fonctions, je n’avais jamais ni demandé ni accepté de bribes, encore moins avais-je puisé sans pudeur des poches du contribuable pour mon enrichissement personnel. Je savais que tôt ou tard la vérité et la justice triompheraient de ces coups montés et téléguidés.

MT : Vous êtes-vous dit qu’au final vos détracteurs allaient être vos meilleurs agents pour les prochaines élections générales ? Est-ce que cette conviction vous a aussi permis de tenir le coup ?

Au fond de moi-même, j’en étais convaincu et beaucoup s’en rendent compte aujourd’hui. Je crois que c’est Talleyrand qui disait « Tout ce qui est excessif est insignifiant » et, politiquement, les excès de mes adversaires ont réveillé tous les Mauriciens amoureux de justice et de liberté. Les méthodes fascistes employées à mon égard étaient déjà annonciatrices des lourdes menaces qui allaient s’abattre sur les autres.

Je dois dire, malgré la vendetta politique et la violence calculée qui s’est abattue sur moi-même, mes principaux lieutenants politiques et des fonctionnaires, il n’était pas question de baisser les bras, ni d’abandonner une fraction grandissante de la population face à l’emprise du clan Jugnauth. C’est le Parti Travailliste qui a incarné l’Opposition pendant ces cinq ans de répression, qui a labouré les régions en animant congrès et réunions, qui a récolté une large victoire en décembre 2017 dans la circonscription de Belle-Rose/Quatre-Bornes.

MT : Vous avez affirmé récemment qu’une propagande aura lieu à votre encontre par le biais de vidéos, manipulées ou truquées avec l’apport de techniciens israéliens. Pour avoir fait l’expérience du rouleau compresseur ces dernières années, « what is the worse that can happen now » ?

Tous, au Parti Travailliste, nous nous attendions à une campagne de bassesses, de dirty tricks, visant, vous l’aurez observé, ma seule personne, qui semble donner des sueurs froides aux cuisiniers du Sun Trust. Aujourd’hui, un vent de panique a gagné leurs rangs en réalisant que la dernière de leurs fabrications judiciaires contre moi, pourrait trouver son dénouement le 15 novembre en Cour de justice et non sur des écrans serviles de la MBC ou sur une caisse de savon.

Les dix autres fabrications ont déjà été rayées ou rejetées par des Cours de justice. Et je tiens ici à remercier toute la formidable équipe de légistes qui m’ont entouré ainsi que tous ceux qui m’ont témoigné leur solidarité croissante durant ces épreuves.

Il y a un vent de panique qui souffle sur le MSM suite à leurs fausses promesses et leurs gabegies monumentales. Panique lorsqu’ils se rendent compte que la population a déjà condamné leur politique de népotisme, de fraudes, de corruption et de scandales, laissant un pays en faillite économique et sociale.

Cette panique les a poussés à déclencher des élections générales une semaine avant cette date fatidique pour le MSM, en méprisant le sort des enfants et de leurs familles en pleine période d’examens : c’est quand même un évènement important pour les familles concernées.

Panique lorsque la répression ne peut plus étouffer les révélations sur les traficotages en haut lieu pour puiser des poches de la population au bénéfice de la famille.

Panique lorsqu’on renvoie pour incompétences plus de la moitié de leurs députés, PPS et ministres sortants – tout en leur promettant des récompenses post-électorales – en les remplaçant principalement par des transfuges débauchés.

Leur cellule de manipulateurs, avec leurs interdictions intolérantes de réseaux sociaux, avec les fake profiles, les fake news, les fake posts, les images truquées, les sondages bidon, les feuilles de chou qui sont dans leur escarcelle, tout cet attirail travaillera d’arrache-pied sans doute jusqu’au dernier jour, ne se souciant guère des conséquences pour la réputation du pays.

Mais la population n’est plus dupe et c’est l’électorat – seul dans l’isoloir – qui aura le dernier mot.

MT : Les élections de 2019 seront-elles les plus « challenging » depuis votre accession à la tête du Parti Travailliste ?

Il est clair pour toute la population que si le MSM s’est tant acharné sur moi et le Parti Travailliste, c’est parce qu’ils savaient, dès 2015, que je représentais le seul danger réel à leurs machinations, à leur empire, à la survie politique d’une dynastie qui veut garder le pays asservi à une famille et à leurs proches.

Alors tous les moyens, tous les complots, tous les ‘Provisional Charges’ fabriquées de toutes pièces, tous les montages politico-judiciaires concoctés dans les cuisines, étaient justifiés avec cette seule obsession en tête.

Bien entendu, il ne s’agit pas de mon sort personnel. J’ai la carapace dure. Si je me bats, si le Parti Travailliste se bat, si des milliers de Mauriciens viennent à nos congrès aux quatre coins de l’île depuis septembre 2015, c’est pour exprimer une colère face aux promesses creuses, face à l’ampleur des fléaux sociaux et face aussi aux craintes pour l’avenir ou leur volonté de sortir le pays de la crise.

Si des centaines d’internautes, des journalistes courageux, de simples citoyens, ont bravé les interdits pour nous soutenir, si le PMSD s’est joint à notre combat en votant contre la Prosecution Commission, c’est que notre message d’une nouvelle libération, d’une République de Maurice pour tous a été bien compris.

Mais nous devons être vigilants et rester mobilisés car les Jugnauth se serviront de tous les moyens pour s’agripper à un pouvoir qui leur échappe.

Q : Si les circonstances politiques ont changé depuis 1967, quel regard jetez-vous sur le mandat écoulé et qu’en est-il de l’enjeu des élections de 2019 pour le pays – et pour votre parti?

Le temps et l’espace manqueraient pour faire le procès de ce régime et de ce clan familial qui a abusé de la population avec arrogance pendant cinq ans. Où est le dream team qui avait promis un miracle économique? L’un est en semi-retraite payée et l’autre a claqué la porte. Où sont les promesses de l’eau 24/7 dans toutes les régions, la centaine de milliers d’emplois, la dizaine de milliers de social housing units, les routes et les rond-points ? Zéro plombaz.

Vous n’avez qu’à regarder le JT pour constater que la MBC est devenue une boîte de propagande abjecte sans foi ni loi et toutes les institutions ont été émasculées, leur indépendance aussi factice que les fake news, les fake profiles, et les interdits de réseaux sociaux fabriqués par l’équipe israélienne à la solde de ce clan.

Souvenons-nous de ces Commissions dont les rapports ont été enterrés et des enquêtes ‘high profile’ qui n’ont jamais démarré. Souvenons-nous de toutes les tentatives pour déstabiliser, arrêter, menacer le Directeur des Poursuites publiques de son poste constitutionnel et de mettre son bureau sous la coupe de l’Attorney General ou de nominés politiques.

Jamais le népotisme, avec ses incompétences et ses gabegies coûteuses, n’avait atteint de tels sommets, sacrifiant les compétences avérées pour caser les membres et les proches d’une seule famille. Jamais nos institutions dites “indépendantes” ne se sont montrées aussi serviles envers ce pouvoir caché dans la cuisine et tirant toutes les ficelles. Jamais notre démocratie n’a été aussi menacée par les intérêts de money politics et de politics for money.

On pourrait continuer longtemps ainsi mais je commente juste un dernier point avant de recentrer la discussion sur l’avenir. On tente de museler les internautes et la presse indépendante mais Serenitygate a montré que nul ne peut étouffer la vérité.

MT : Vous évoquez l’affaire « Serenitygate », et la réplique est venue avec « Navingate » Comment réagissez-vous à cela ?

Ne plaçons pas des fabrications et des fake clips pitoyables de la cuisine au même niveau que des enquêtes de journalistes, mais c’est une réaction encore une fois de panique. D’abord, la CCID et, de ce fait, la cuisine dispose de ces informations depuis presque cinq ans sans y trouver matière à poursuites ! Pourquoi dans ces conditions faire de la fabrication fallacieuse à la veille des élections générales ?

Le Parti Travailliste a émis un communiqué pour dénoncer vigoureusement cette malhonnêteté et cette indécence scandaleuse, qui met en péril nos institutions et le droit de chaque citoyen. Et je constate avec vous que quelques comparses du régime ont bien tenté tardivement de se dédouaner, condamnant- ce faisant – leur propre patron. Je laisse donc la population tirer ses propres conclusions sur les clips fabriqués en cuisine et juger du niveau d’une campagne acharnée faite de hargne contre ma personne plutôt que se basant sur un débat d’idées.

En ce qui concerne « Serenitygate », ce sont des enquêtes journalistiques d’investigation qui révèlent de graves allégations, puisqu’il s’agit de l’utilisation, ou dois-je plutôt dire, de l’appropriation des fonds publics. Y-a-t-il des infractions graves sous la POCA ou complot aux sommets pour amender des lois et des règlements afin que l’argent des contribuables à hauteur de plusieurs centaines de millions bénéficient à un clan familial ? Depuis, d’autres enquêtes ont révélé des affaires toutes aussi choquantes.

Pourquoi bloquer leur diffusion sur Facebook, pourquoi ces agressions intolérables contre des journalistes s’il n’y a rien eu de répréhensible ? On le saura bien vite mais la population a déjà son idée sur ce que ces affaires révèlent de la culture de l’État du régime MSM.

MT : On peut supposer que l’agenda politique du PTr en termes de rupture concernera en grande partie le secteur économique, et que vous vous attendez à une implémentation effective des politiques prônées dans votre manifeste électoral. Cela étant dit, il faut une certaine concordance de vues entre le PTr et son allié, le PMSD, en particulier votre prochain ministre des Finances, n’est-ce pas ?

L’alliance PTr-PMSD, tout le monde le sait, est celle qui a toujours le mieux fonctionné au service du développement économique et social du pays. Entre Xavier et moi-même il y a une alchimie, une relation qui fonctionne, un respect et une compréhension mutuelle, un attachement commun à des valeurs fondamentales qui sont aujourd’hui menacées.

Après cinq ans de ce régime, nous sommes tous deux conscients qu’une rupture n’est plus simplement souhaitable mais une impérieuse nécessité pour l’avenir du pays.

Nous avons acquis l’intime certitude qu’un vent de changement souffle sur le pays pour balayer cette imposture dont l’arrogance, les inepties et les frasques ne sont plus supportables.

Nous avons également présenté nos équipes il y a deux semaines et je suis confiant que nous disposons d’une palette large de compétences composées de citoyens voulant délivrer le pays du népotisme d’un clan familial qui accapare et contrôle toutes les institutions pour servir ses intérêts.

C’est le sens de la rupture que j’avais annoncée et qui est partagée au sein de l’Alliance Nationale. Elle est beaucoup plus large que la seule dimension économique même si je reconnais à celle-ci toute son importance.

Il s’agit d’une République de Maurice libérée et non soumise aux puissances malsaines de l’argent, à la répression, à la confiscation de ses libertés ; une République qui retrouve un fonctionnement démocratique plutôt que l’accaparement, une République avec des institutions indépendantes et crédibles, une République visant un développement durable et équitable, une République prospère à bâtir ensemble, une République pour tous et pas seulement pour un clan familial ou pour les puissances de l’argent.

MT : Avez-vous des craintes à propos de la division des votes qui pourrait intervenir dans le bassin électoral commun du PTr et du MSM, et le fait que le MMM puisse émerger comme l’arbitre dans un contexte postélectoral ?

Tous les observateurs ont été unanimes pour reconnaître dès 2015 que les frasques, les trahisons et les promesses creuses de ce régime et son intolérance vis-à-vis du Parti Travailliste ramenaient vers nous une frange grandissante de la population. Victimes de toutes les vilenies, nous sommes le seul espoir crédible du changement et de la libération, sous l’égide de l’Alliance Nationale.

Bien entendu, il faut se battre contre toute tentative de division et focaliser sur ce message de « voter blok » afin que l’Alliance Nationale dispose des moyens pour implémenter son programme de reconstruction du pays.

Je ne souhaite pas préjuger du résultat des urnes ou des vœux de l’électorat, mais je peux vous dire ma conviction, compte tenu du déroulement de la campagne, qu’un vent de changement souffle sur le pays, que la délivrance est proche.

Je laisse à nos adversaires leurs manigances pour un possible deal post-électoral. Quant à nous, notre message est compris par la population : la victoire doit être claire et nette. Et elle le sera, j’en suis convaincu.