Navin Ramgoolam : « Aucune alliance pour les prochaines élections»

  • « Je donne la garantie aux internautes qu’une fois au pouvoir, j’annulerai ces amendements » 

Il n’a aucun doute, dit Navin Ramgoolam. Il est certain que le PTr obtiendra une majorité confortable aux prochaines élections générales. Et ce, sans qu’il ne s’allie avec d’autres partis de l’opposition. Car il a bien l’intention d’appliquer une politique de rupture. Le leader du PTr se dit aussi inquiet de la recrudescence de la criminalité à Maurice. Il n’épargne pas non plus le gouvernement, plus particulièrement les Jugnauths, et le Commissaire de police…

Q : Etes-vous inquiet par la dégradation du ‘law and order’ à Maurice?

Évidemment ! La situation n’a jamais été aussi alarmante. Le gouvernement n’a aucune volonté pour résoudre le problème. Voyez-vous, quand des « noubanistes »  sont protégés lorsqu’il y des exercices de promotion au sein de la force policière alors que ceux qui sont compétents restent sur le pavé, c’est la démotivation qui prend le dessus. D’autant que le chef lui-même ne se soucie guère de leur sort. Comment pouvez-vous expliquer qu’un Commissaire de police signe un document pour autoriser un trafiquant de drogue, nommément Mike Brasse, d’obtenir un passeport pour se rendre à l’étranger ?

D’ailleurs, la hausse de la criminalité est en grande partie liée à la drogue, qu’elle soit dure ou synthétique. La situation est même très inquiétante. Le pire, c’est que ce sont des proches du pouvoir qui ont été épinglés par la commission Lam Shang Leen. Et ce n’est que le ‘tip of the iceberg’. Notre pays est entouré de la mer et c’est inimaginable que les caméras de surveillance situées dans un lieu aussi stratégique que le port ne fonctionnent pas, d’après ce que Pravind Jugnauth a lui-même avoué à l’Assemblée nationale. Voilà ce qui résume toute la situation du ‘law and order’.

Q : Avec la hausse du nombre de crimes crapuleux ces derniers temps, pensez-vous qu’il serait temps de ré-introduire la peine capitale ?

Je suis catégoriquement contre la peine de mort, surtout parce que nous n’avons pas une justice infaillible. Surtout quand vous avez un gouvernement qui manipule tout, cela peut se révéler très dangereux. Vous savez, lors d’une rencontre que j’avais eue avec sir Anerood Jugnauth à Londres à la suite de l’arrestation de sir Gaëtan Duval dans le sillage des allégations de Shummoogum, je lui avais demandé pourquoi il s’acharnait contre le leader du PMSD. Dans un premier temps, il m’avait répondu que cela relevait de la justice et qu’il n’y était pour rien. Mais quelques minutes après, il devait me confier que « si mo pou met Gaëtan Duval pendi, sinon mo sanz mo nom ». Idem dans le cas de Jean Claude de l’Estrac. On avait voulu injustement l’accuser de trafic de drogue.

Donc, avec un Jugnauth qui est prêt à tout, vous pouvez imaginer quelles conséquences la réintroduction de la peine capitale pourrait avoir. Et puis, on a aussi vu comment, dans des grands pays tels que l’Angleterre et la France, des condamnés ont été innocentés après plusieurs années d’incarcération. Qu’est-ce qui se passera si ne serait-ce qu’une personne est prouvée innocente après avoir été pendue ? C’est impensable. C’est trop dangereux.

Q : Mais pourtant Yatin Varma a bien révélé la semaine dernière que votre gouvernement allait réintroduire la peine de mort ?

C’est vrai qu’à un certain moment, j’avais demandé à ce qu’on se penche sur un éventuel durcissement de la loi. Cependant, il n’y a jamais eu une quelconque ébauche d’un tel projet de loi.

Q: Que préconisez-vous afin de redresser le ‘law and order’ ?

Il faut que ce soit les officiers méritants qui soient promus au sein de la force policière. Il faut aussi leur donner les moyens et les équipements qu’il faut pour qu’ils puissent mener à bien leur mission. Il faut s’assurer que les caméras de surveillance dans le port et l’aéroport fonctionnent et qu’elles soient contrôlées.

Q : Le gouvernement vient d’amender la loi pour sévir contre les auteurs des publications jugées offensantes. Comment jugez-vous cette démarche ?

C’est un recul de la démocratie et c’est très grave. C’est une façon d’intimider ceux qui sont critiques envers le gouvernement, d’autant qu’il y a de plus en plus de personnes mécontentes. Ce régime a imposé une loi rétrograde. Quand moi j’étais Premier ministre, ceux-là mêmes qui sont aujourd’hui au pouvoir n’avaient-ils pas mené une campagne infecte contre moi personnellement ? Mais, je n’ai jamais changé de loi pour sévir contre eux. D’ailleurs, il y a déjà des provisions dans la loi pour contenir les dérives. Je donne la garantie aux internautes qu’une fois au pouvoir, j’annulerai ces amendements.

Q : Pravind Jugnauth a récemment accusé le PTr d’être derrière le saccage d’un temple à Triolet. Que lui répondez-vous ?

C’est insensé ! Comment un Premier ministre peut-il se permettre de faire une déclaration pareille ? Réalise-t-il qu’il aurait pu mettre le pays à feu et à sang ? En tant que Premier ministre, il doit avoir tous les renseignements. Comment alors a-t-il pu balancer ainsi le nom de Devanand Ritoo dans une affaire aussi sensible ? Les membres du PTr n’ont jamais fait cela. Je le dis haut et fort à la population. Notre plus grande force, c’est de vivre dans l’unité dans la diversité. Je ne ferai aucun compromis à ce chapitre. Alors que Jugnauth fait, lui, systématiquement le contraire. Que ce soit en 1995 ou quand il y avait des problèmes dans le sud du pays suite au saccage d’un temple et des mosquées en 2015, il avait menacé d’instaurer l’État d’urgence dans l’île. C’est cela leur modus operandi.

Q : Navin Ramgoolam, vous avez partagé la même plateforme avec le PMSD et le MP lors du lancement du livre de feu Moonindra Nath Varma, vendredi. Une alliance avec ces deux partis serait-elle au menu ?

J’ai dit que j’amènerai une politique de rupture. Il n’y aura aucune alliance. Car en cas d’alliance, il faut faire des compromis, que ce soit en ce qu’il s’agit du programme ou des candidats. Surtout si l’alliance ne marche pas, c’est la population qui souffre. Le PTr a toujours eu des relations civilisées avec tous les partis, fut-il le PMSD ou autre. Nous sommes des adversaires, mais pas des ennemis.