Nasser Rumjaun, conseiller municipal en France : Le Mauricien tombé dans la marmite politique française

De Curepipe à Boulogne-Billancourt, Nasser a su relever un défi pas comme les autres. Ce père de trois enfants est aujourd’hui conseiller municipal de la ville de Boulogne-Billancourt en France. Il est en effet rare qu’un immigré atteigne un tel poste dans un pays étranger. Rencontre avec ce bon vivant qui veut apporter un vrai changement dans le quotidien des citadins.

Irfaan Khodabocus

Un parcours rempli d’obstacles certes, mais surmonter ces obstacles et arriver jusqu’au bout était le rêve le plus cher pour Nasser. Originaire de Curepipe, le quinquagénaire chérissait depuis toujours le désir de pouvoir apporter un changement dans la vie des gens. Aider ses concitoyens était comme une seconde nature pour lui. Après ses études secondaires au Curepipe College, Nasser n’hésite pas à faire le grand saut pour l’Hexagone en 1989, une fois qu’il ait soufflé ses 21 bougies.

Le jeune Nasser foule le sol français pour vérifier si l’herbe est effectivement plus verte dans ce pays. Il finira par s’établir à Boulogne-Billancourt, une commune dans les faubourgs ouest de Paris.  Il prend de l’emploi dans le textile et va rester de nombreuses années dans ce domaine. Il y a une quinzaine d’années, Nasser s’est mis à son compte et gère sa propre entreprise en France, notamment un magasin de vêtements à Boulogne-Billancourt, où il vit toujours.

Étant bien connu dans cette ville, Nasser est approché un beau jour, en 2013, par des partisans de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) pour être candidat aux élections municipales. Il était en effet le voisin d’un député et ce dernier connaissait l’intégrité de Nasser. Après mûre réflexion, Nasser accepte l’offre et se présente comme candidat l’année suivante. Un défi de taille qu’il a su relever : en effet, face à un électorat de 120 000 voix à Boulogne-Billancourt, notre compatriote a pu devancer de nombreux Français de souche pour y être élu, et cela à sa première tentative aux municipales.

Commence alors une étape totalement nouvelle pour cet immigré en France. D’ailleurs, au moment de sa campagne, il avait déjà gagné la confiance des citadins. À ce jour,il a un bilan éloquent, avec tous ses projets majeurs déjà réalisés.  Ainsi, les Français ne peuvent que se réjouir d’avoir fait confiance à un Mauricien pour qui chose promise est chose due. Parmi les projets réalisés, la célébration de l’Eid au niveau national. Cela n’avait jamais été observé par l’Association des mosquées musulmanes, qui existe depuis trois décennies.

Nasser vise à se présenter comme candidat de l’Assemblée nationale française

Nasser vise maintenant plus haut. Outre le fait d’être candidat aux prochaines municipales de 2020, il aspire à se présenter comme candidat pour les législatives de 2022. Le verrons-nous au Palais-Bourbon, le siège de l’Assemblée nationale française, l’année prochaine ? Le changement qu’il veut apporter : créer plus d’opportunités pour les entrepreneurs et pour le secteur privé en général.

Nasser est d’avis que seuls les fonctionnaires ne pourront faire avancer un pays. « Il est impératif que le secteur privé vienne prêter main-forte pour que le pays progresse. C’est à travers le secteur privé qu’encore plus d’emplois sont générés. On doit promouvoir ce secteur, » nous explique-t-il.  À titre d’exemple, le conseiller municipal nous fait savoir que la France est en train de diminuer le nombre de recrutements dans le secteur public pour privilégier l’emploi dans le secteur privé. Au même moment, il vise à garantir la sécurité d’emploi pour ces travailleurs, avec des investissements conséquents.

Faisant le tour d’horizon à Maurice, Nasser note que les opportunités, comme en France, ne sont pas présentes. « On doit d’abord éduquer nos jeunes à propos des ouvertures qu’offre le secteur privé. Ce secteur nous fait grandir et développe nos potentiels. En même temps, le secteur privé contribue énormément à l’économie d’un pays. Ces investissements nous sont très utiles. Une fois que nos jeunes aient compris cela, ils iront eux-mêmes vers un secteur qui leur apportera encore plus de bénéfices », conclut notre interlocuteur.

Toutefois, Nasser fustige le fait que de nombreux de jeunes ne font pas face à la réalité. Ils délaissent souvent la politique pour autre chose. Mais, selon lui, la politique restera toujours là. « Prenons Emmanuel Macron comme exemple. Il avait à ses côtés une équipe très solide des jeunes aux moments de la campagne. Ces jeunes ont su saisir l’occasion pour faire entendre leurs voix. À Maurice aussi, j’aurais aimé voir un groupe de jeunes prendre en main le pays et casser une fois pour toutes les dynasties qui y règnent », nous dit-il, avant de faire ressortir que malgré que la France soit un grand pays, il est « ouvert » tandis que Maurice, bien qu’elle soit une petite île, reste « renfermé ». Nasser fait ici référence aux relations entre les administrations et la population : il pense qu’il y a trop de paperasse à Maurice et que les démarches administratives prennent trop de temps. « Cette léthargie est néfaste pour l’avancement du pays », selon lui.

Est-ce qu’il veut retourner au bercail pour implémenter ces changements dont il parle ? Un sourire apparaît et Nasser laisse entendre « Pourquoi pas ? L’avenir nous dira ! » Entretemps, espérons que le parcours de ce compatriote intéresse siffisamment nos jeunes pour que des émules prennent la relève de Nasser à Maurice.