« Meurtre déguisé » de Khaleel Anarath : « Mo ena renseignement pe rode élimine moi »

C’est encore le flou autour de la mort de Khaleel Anarath, 38 ans, un habitant la rue Ghoon à Plaine-Verte. Ce dernier est mort dans des circonstances mystérieuses le vendredi 29 novembre 2019 alors qu’il faisait le va-et-vient entre le tristement célèbre Alcatraz aux Casernes centrales et l’hôpital Dr. Jeetoo. Il avait été arrêté depuis le 12 novembre pour un cas d’agression qu’il aurait commandité. Mais les blessures que ses proches ont constaté sur son visage, et les confidences qu’il leur aurait faites selon lesquelles on chercherait à l’éliminer, font que ces derniers croient dans la thèse de ‘foul play’ et où des policiers eux-mêmes seraient impliqués. Le DDP suppléant a institué une enquête judiciaire au niveau de la Cour de district de Port-Louis, qui débutera en janvier.

Le 12 novembre 2019, Khaleel est à Port-Louis en train de garer sa voiture quand des éléments, apparemment de CID, l’abordent pour l’arrêter. Il est conduit aux Casernes centrales pour un interrogatoire, suite à des allégations qu’il aurait commandité une agression.

Des membres de la famille Anarath, mis au courant de cette arrestation, tentent d’entrer en contact avec Khaleel, mais peine perdue car il était encore en train d’être interrogé. Khaleel n’aurait apparemment pas retenu les services d’un homme de loi, car les limiers de la CID lui auraient fait comprendre qu’il serait relâché après l’interrogatoire.

Le même jour, aux alentours de 22 h, sa mère nous confie qu’elle a reçu un appel de son fils l’enjoignant, « Vine get mwa. Mone admet lopital Dr Jeetoo ». Étant donné l’heure tardive, les proches de Khaleel ont préféré aller lui rendre visite le lendemain. Une fois à l’hôpital, la mère de Khaleel constate des traces de sang séchées sur le bras de ce dernier et sur ses paupières. « Ti ena disang caillé lor so lizier », selon elle. La sexagénaire questionne son fils. Khaleel lui aurait relaté que « Bane la police la ine atass mo la main, apres ine tap mwa koute matrak. » Il a aussi confié à son frère Zakir, « Dégazer, fer mo demarche pou tire moi ici. Mo ena renseignement pe rode élimine moi ! Ena banne membres ene la famille, zotte ine débourse gros l’argent pou élimine moi. »

Khaleel Anarath va rester pendant une semaine à l’hôpital. Ce n’est que le lundi 18 novembre qu’il a quitté l’hôpital pour retourner en détention policière.

Depuis que Khaleel avait quitté l’hôpital le 18 novembre, sa famille n’a plus eu de ses nouvelles pendant quatre jours. Les proches de Khaleel savaient qu’il était en détention, mais ne savaient pas où exactement. Mais le vendredi 22 novembre, aux alentours de 16 h 45, la mère de Khaleel reçoit un appel de ce dernier, à partir du téléphone d’un autre patient, l’informant qu’il a été de nouveau admis à l’hôpital, cette fois-ci pour une endoscopie.

Pendant les heures de visite, en conversation avec sa mère, Khaleel demande à cette dernière d’apporter des vêtements car il pense qu’il va rester à l’hôpital pendant quelques jours. Mais les choses vont prendre une autre tournure. Le lendemain, soit le samedi 23 novembre, vers 11 h, Khaleel téléphone a sa mère pour lui dire qu’il va quitter l’hôpital, sans que le test ne soit effectué, en ces termes : « Mo mem mo pas koner ki pe arriver. Banla fine donne moi decharge sans ki zot faire test. »

 « Ici Alcatraz ici, pena l’heure visite narnier ici »

Il sera alors reconduit à Alcatraz sans que ces proches n’en soient au courant. « Foder mo papa ine ale prend so bane zaffer station Plaine-Verte ki nou fin koner li Alkatraz », nous dit Zakir. La maman de Khaleel et Zakir sont allés rendre visite à Khaleel à Alcatraz le lundi 25 novembre à 11 h, et lui ont apporté de la nourriture. Mais les policiers ont refusé de les laisser rencontrer Khaleel. La raison évoquée par un policier : « Ici Alcatraz ici, pena l’heure visite narnier ici. » Pour être sûr que Khaleel est bien détenu à Alcatraz, la mère de ce dernier demande au policier, « Dire mo garson tire so linz sale ek met sa linz la. » Ce que le policier a fait mais il a pris environ 25 minute pour faire cela, ce qui semble louche selon sa mère, mais elle devait être rassurée que son fils est bel et bien détenu a Alcatraz.

Aux petites heures du mardi 26 novembre, les policiers sont venus voir les parents de Khaleel pour les informer que ce dernier est souffrant : « Khaleel bien malad, li dan ICU. » Les parents du boucher se précipitent à l’hôpital, où ils apprendront que Khaleel est dans le coma depuis la veille, vers les 3 h 10, suite à une veine qui aurait subi une rupture dans sa tête. « Docteur la ine dir nou ki ene la veine principal ine kasser dans so latet, ki relier ek so lizier. Docteur la ine dire tension fort kine faire sa.Mais kan nou ine ale get li, ce pa sa ki nou ine trouver », relate Zakir. Selon les dires de ce dernier, les deux yeux de son frère Khaleel étaient recouverts avec des bandages. « Mone deman docteur la be kine ariver mo frere, line faire operation ? Lerla docteur la dir non, sa la veine kasser la kine faire sa. »

Le 28 novembre, soit la veille de sa mort, lorsque les bandages ont été enlevés, alors qu’il se trouvait dans un état critique, les proches devaient remarquer une blessure sur la paupière droite de Khaleel Anarath. C’est alors que leur reviennent en tête les confidences qu’il avait faites à son frère Zakir, quelques jours après son arrestation. Mais le vendredi 29 novembre, Khaleel Anarath devait rendre l’âme à 4 h 15, suite à une hémorragie cérébrale.

Brutalité policière ou complot pour l’éliminer, ce sera l’enquête judiciaire instituée par le DPP suppléant, Rashid Ahmine, qui devra déterminer les circonstances dans lesquelles est mort le boucher. Les proches comptent d’ailleurs aller déposer devant le magistrat qui présidera cette enquête avec les photos prises du défunt sur son lit d’hôpital.

La famille a saisi l’Independent Police Complaints Commission (IPCC)

Après la mort de Khaleel Anarath, ses proches ont retenu les services de Me Sanjeev Teeluckdharry, qui a alerté le Commissaire de police et l’Independent Police Complaints Commission (IPCC) pour initier une enquête policière. Mais c’est le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) adjoint, Me Rashid Ahmine, qui a réagi en premier, en initiant une enquête judiciaire devant la quatrième instance de la cour de district de Port-Louis. C’est ce que réclamaient d’ailleurs les proches du défunt, qui ont animé une conférence de presse jeudi dernier, en présence de leur homme de loi, à Pamplemousses.

Le fils de Khaleel Anarath, 12 ans, traumatisé par la mort de son père

Chez les Anarath, c’est la désolation. La mère de Khaleel Anarath, Mimah Anarath, âgée de 60 ans, ne digère toujours pas le fait qu’elle a perdu son fils cadet. Il était un garçon très timide, généreux, et avec un grand cœur, nous relate la maman du défunt. Le benjamin, Zakir, nous confie pour sa part que son neveu, soit le fils de Khaleel, est très affecté par la mort de son père. Depuis qu’il a su que son père ne serait pas mort de cause naturelle, le garçonnet de 12 ans a dû se faire consulter à deux reprises. Le père de Khaleel, septuagénaire, souffre d’asthme. « La fami net pe souffert avek sa. Pou nou, li ene grand perte », nous dit Zakir. Malgré tout, la famille Anarath ne baisse pas les bras. Elle veut tout simplement savoir comment Khaleel a perdu la vie.

 

Neevedita Nundowah