Metro Express

Volte-face et double langage du tandem père et fils Jugnauth

Le Metro Express est bel et bien sur les rails. Mauricio est déjà là et d’autres le suivront bientôt. Le premier « tram », et non métro comme le gouvernement s’acharne à nous le répéter ad nauseam, opérera bel et bien à partir de septembre prochain. Et il sera gratuit pour tout le monde durant une période indéterminée. C’est l’assurance qu’a donnée le Premier ministre, Pravind Jugnauth, jeudi, alors que le premier wagon a débarqué chez nous. La présence du Mentor aux côtés de son fils durant cet événement, qualifié de « historique », n’est pas passé inaperçue.

Il convient de souligner que ce projet, qui est aujourd’hui « vendu » comme l’une des plus grandes réalisations de ce gouvernement, avait été dénoncé, bec et ongles, par ses dirigeants durant la dernière campagne électorale. « Il faut faire bloc contre le métro-léger », disaient-ils à l’époque. Étrangement, le projet, après quelques modifications et après avoir été rebaptisé Metro Express, est subitement devenu l’un des projets phares du régime en place, au point de devenir sa carte maîtresse pour les prochaines élections générales.

Nous revenons dans la présente édition sur la position adoptée initialement par le tandem père et fils Jugnauth, soit durant la campagne électorale de 2014, et celle qu’elle adopte aujourd’hui. Histoire de rafraîchir la mémoire de ceux qui semblent l’avoir oublié…

 Sir Anerood Jugnauth

De « pas rentable » en 2014 à « guarantee of affordability » en 2016

  • 2014

Il était président de la République quand il a décidé de venir à la rescousse de la population, estimant que le gouvernement d’alors avait failli à ses responsabilités. Mais les événements successifs devaient prouver qu’il ne visait, en réalité, que placer son fils à la tête du pays. Mais revenons sur le Metro Express. Durant toute la campagne électorale de 2014, sir Anerood Jugnauth a décrié le métro-léger. Ce projet, disait-il à l’époque, n’était pas viable et il ne comprenait pas pourquoi l’ancien gouvernement en avait fait sa priorité.

L’on se souviendra aussi d’un entretien qu’il avait accordé à une radio privée quelques jours avant les élections générales de décembre 2014 et durant lequel il avait soutenu catégoriquement que le métro-léger sera « out » si jamais la défunte Alliance Lepep venait au pouvoir : « Sa couyonade métro léger la pas pou profitab. Mone dire out ! ». « Métro léger pas pou rentable. Li pou coûte au moins Rs 50 milliards », avait-il renchéri, arguant que la solution au problème de congestion routière résidait dans la construction des fly-overs.

  • 2016

C’est durant son discours dans le cadre des débats sur le budget 2016-17, soit le 16 août 2016, que SAJ devait avouer que son gouvernement ira finalement de l’avant avec le projet Metro Express. « …when this Government came to power, we decided to freeze it on a question of affordability. It is only when I had been made aware in March this year of certain information and new elements as regards the cost of the project that I gave the green light for the project to be revisited. I draw attention to the word AFFORDABLE mentioned in the Budget Speech. The Metro Express project, I insist, have been revived and will be implemented as we now have guarantee on affordability », avait-il affirmé avant d’ajouter plus loin : « The Metro Express will become reality under this Government. That is more important than anything else ».

En décembre 2016, SAJ devait annoncer le lancement du Metro Express pour le 12 mars 2017. Dès lors, il s’est mis à s’en prendre à ceux qui s’opposaient au projet. « Certains sont même en train de promettre qu’ils jeûneront jusqu’à en mourir. Je ne m’inquiète pas du décès de ce genre de personnes. Si elles veulent se suicider, je ne peux être tenu responsable », avait-il d’ailleurs lancé en faisant référence à la menace de Jayen Chellum de faire une grève de la faim pour empêcher le lancement du projet Metro Express.

Pravind Jugnauth

 Narendra Modi en arbitre

  • 2014

Pravind Jugnauth était tellement opposé au projet du métro léger qu’il avait même adressé une lettre au Premier ministre indien, Narendra Modi, le 28 octobre 2014 pour lui demander de ne pas discuter de ce projet avec l’ancien gouvernement, prétextant que le pays était en campagne électorale alors qu’en réalité, le « writ of election » n’avait pas encore été émis. Une correspondance que le gouvernement indien ne semble d’ailleurs pas avoir prise en considération puisque la ministre indienne des Affaires étrangères, Sushma Swaraj, devait annoncer, durant sa visite officielle à Maurice en novembre 2014, que l’Inde accorderait une ligne de crédit de Rs 6 milliards ainsi que son soutien pour l’octroi d’un prêt de Rs 13,5 milliards par l’EXIM Bank à Maurice pour la réalisation du projet métro léger.

Le leader du MSM avait même soutenu à l’époque que c’est sur son insistance que le métro léger avait été inséré dans le programme gouvernemental de 2010, et ce alors que le PTr était en alliance avec le MSM. « Le métro léger faisait partie d’une approche holistique, incluant la vision de faire de Maurice une île hors-taxe. Pour cela, il fallait un système de transport public moderne, développer des centres commerciaux et attirer un nombre d’étrangers suffisant pour atteindre une masse critique », avait-il déclaré, déplorant que le projet tel que conçu par l’ancien gouvernement se faisait en « isolation » et en « opacité ».

  • 2016

Ayant accédé au poste de Premier ministre au début de 2017, c’est Pravind Jugnauth, et non son père, qui a procédé à la pose de première pierre du Metro Express au Caudan en mars 2017. L’actuel chef du gouvernement semble désormais avoir oublié « l’approche holistique incluant la vision d’une île hors taxe » et se concentre désormais uniquement sur la concrétisation du projet qui inscrira Maurice dans une nouvelle ère de modernité.

Le Premier ministre mise tellement sur la concrétisation de ce projet qu’il songerait même à inviter nul autre que son homologue indien, Narendra Modi, pour le lancement du Metro Express prévu en principe pour septembre prochain. Cerise sur le gâteau : le trajet sera gratuit durant une période indéterminée. Et là, il n’est plus question de la viabilité du projet. Quitte à ce que les contribuables n’en fassent les frais après les prochaines élections générales.