Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel : “ On se demande bien qui pourrait remplacer Navin Ramgoolam. Je ne vois personne d’autre que lui-même “

Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel : “ On se demande bien qui pourrait remplacer Navin Ramgoolam. Je ne vois personne d’autre que lui-même “

  • « Je lance un défi à SAJ de dire « Alle occupe zaffaire Gorah Issac » en dehors du Parlement »

 

Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel, affirme qu’il y aura un problème interne au sein du MSM, vu l’âge du Premier ministre actuel, si la sentence contre Pravind Jugnauth est maintenue par  le Chef juge Keshoe Matadeen et le juge Asraf Caunhye. Dans une interview accordée au Sunday Times, l’avocat soutient également que le meilleur agent de Navin Ramgoolam pour  qu’il puisse remonter la pente c’est nul autre que sir Anerood Jugnauth. Il lance également un défi à SAJ de dire « Alle occupe zaffaire Gorah Issac » en dehors du Parlement. Me Yousuf Mohamed dira aussi que la communauté musulmane n’a jamais accepté le MSM en son sein et qu’elle ne fera jamais confiance à SAJ et sa bande. Il déclare aussi que la famille Mohamed attend de plain-pied Kathleen Austin.

Sanjay BIJLOLL

Q : Le Chef juge Keshoe  Parsad Matadeen  et le juge Asraf Caunhye ont écouté, mardi et mercredi, l’appel interjeté par Pravind Jugnauth dans l’affaire MedPoint. Comment prévoyez-vous les événements si la sentence est maintenue ou s’il est disculpé ?

R : J’étais présent lors de la plaidoirie de Clare Montgomery et aussi quand Me Rashid Amine, Assistant du Directeur des Poursuites publiques (DPP), lui a donné la réplique. Ma présence s’explique par le fait que j’occupe pas mal de dossiers concernant les conflits d’intérêts.

J’ai beaucoup apprécié les plaidoiries et l’art de plaider des deux avocats et j’ai pris bonne note des autorités citées par les juristes. Pour moi, Me Rashid Amine a été l’exemple d’un avocat qui, en concertation avec tous ses collègues du Parquet, a buché, travaillé très bien et peaufiné le dossier. Maintenant c’est aux juges de décider après avoir étudié tous les dossiers et les autorités citées par les avocats.

Or, si la sentence est maintenue, évidemment Pravind Jugnauth aurait l’occasion de saisir le Conseil privé de la Reine et s’il est disculpé, étant donné la façon dont Me Rashid Amine a plaidé et ayant été au fond de toute la question de conflit d’intérêts, je crois que le DPP ferait appel au même Conseil privé.

Politiquement parlant, si la sentence est maintenue éventuellement, à ce moment-là nous verrons un problème interne au sein de l’Alliance Lepep vu l’âge du Premier ministre actuel, qui compte beaucoup sur la dynastie Jugnauth. Dans cette conjoncture, je prévois des élections générales anticipées.

Si par contre Pravind Jugnauth est trouvé non coupable, je suis persuadé qu’il sera le futur Premier ministre. Je crois qu’en tant que Premier ministre, il va mettre de l’ordre au sein de cette alliance et se débarrasser de certains ministres qui ne valent pas leur poste.

Q : Le Parti travailliste semble être englué dans les problèmes de Navin Ramgoolam et tout est paralysé. Que faut-il faire, selon vous, pour pouvoir redorer le blason du PTr ?

R : Oui et j’admets ce que vous dites. Mais j’ai appris à travers les journaux que le PTr envisage de descendre sur le terrain, soit dans les différentes circonscriptions du pays. Etant donné que nous vivons à Maurice et connaissant le fait que chaque parti au pouvoir doit avoir un ‘vaish’ comme Premier ministre, cela  démontre que notre politique est non seulement communale, mais aussi sectaire et castéiste. On se demande bien qui pourrait remplacer Navin Ramgoolam. Je ne vois personne d’autre que lui.

Or, ces jours-ci, son meilleur agent qui pourrait l’aider à remonter la pente c’est nul autre que sir Anerood Jugnauth. Depuis les dernières élections de 2014, ce dernier a, tout au long de l’année 2015, prôné une politique de vengeance contre ses adversaires. Et SAJ a tenu ses promesses de campagne électorale en faisant emprisonner Navin Ramgoolam et d’autres politiciens du PTr.

SAJ a essayé de faire la même chose avec mon fils, car il ne faut pas oublier ce qu’il avait dit au Parlement à l’adresse de Shakeel Mohamed qui lui posait des questions difficiles à répondre. Il avait dit ceci : « Alle occupe zaffaire Gorah Issac ». C’était une accusation directe et de nature criminelle à l’égard de mon fils. Peu après, Mme Swaleha Joomun était accompagnée par un avocat, Me Vikash Teeluckdharry, frère du député qui est au Parlement et membre du MSM.

Je sais qui a fait venir Mme Swaleha Joomun à Maurice et qui lui a trouvé un logement pendant son séjour dans notre pays. Tout cela s’était fait pour pénaliser Shakeel Mohamed et le mettre au cachot, car Mme Swaleha Joomun avait fait une déclaration au Central CID et qui a, par la suite, déclenché tout un arsenal de la police pour effectuer une perquisition inutile et abusive chez mon fils et dans sa cour, comprenant une superficie de cinq arpents et ce avec des ‘metal detectives’ et en se basant sur aucune preuve et sans indices de culpabilité.

On l’a arrêté ensuite et escorté par des policiers et traduit en cour sous des accusations sévères, d’assassinat et d’avoir donné des instructions pour commettre des actes criminels à certaines personnes. La police avait emmené Shakeel Mohamed tardivement en cour de Port-Louis et la magistrate a dû rester fort tard pour écouter la motion de remise en liberté de Shakeel Mohamed. Cela eut lieu le même soir et le lendemain, on a fourni la caution.

La perception est qu’on voulait que Shakeel Mohamed passe  certaines nuits au cachot, mais les prières des parents, proches et partisans ont eu le dessus, et Shakeel Mohamed fut libéré malgré les objections de la police que la magistrate avait rejetées.

Quelques jours après, on a fait une demande de radiation de charge. Encore une fois, la police avait objecté et la motion de radiation devait être entendue par la magistrate. Les hommes du Parquet, dans leur sagesse, sont venus ‘disown’ le Central CID, dont le chef est Heman Jangi,  et le Commissaire de police. Ainsi, les avocats du Parquet n’allaient pas contester les objections de la radiation du CCID. Donc, il n’y avait aucune preuve contre Shakeel concernant les charges provisoires.

Après ce que SAJ avait dit au Parlement à l’encontre de Shakeel et des charges provisoires, qui pesaient sur lui, je ne peux que penser que tout était très bien organisé et planifié. Quoi qu’il en soit, l’accusation contre Shakeel par le PM, se cachant derrière son immunité parlementaire, a provoqué la colère de toute la famille Mohamed, dont je suis le chef. La famille Mohamed ne pardonnera jamais à SAJ ce qu’il a dit au Parlement contre Shakeel. Je lance un défi à SAJ de venir dire la même chose en dehors de l’hémicycle. Aussi, on ne peut oublier le langage vulgaire et brutal de SAJ dans ses meetings. A Vacoas, il avait dit, lors de la campagne électorale, que « du feu pé prend dans fesse Navin ». C’est un langage outrancier et indigne d’un aspirant Premier ministre.

Q : Ne croyez-vous pas qu’au niveau du Parti travailliste on ne laisse pas monter Shakeel Mohamed bien qu’il soit le chef de file du PTr ?

R : Shakeel Mohamed a fait ses preuves que ce soit pendant la campagne électorale et son 3e mandat. Il a été ministre pendant cinq ans et personne ne lui a reproché ce qu’il a accompli. Les gens apprécient son art oratoire. Et après la défaite du PTr, il est devenu logiquement le chef de file de ce parti au Parlement.

Il fait son travail consciencieusement et sans peur. Pour devenir le chef de file du PTr et en dehors du Parlement, ce serait ignoré la réalité mauricienne parce qu’un non hindou, malgré ses compétences, serait accepté de par sa propre force comme un éventuel Premier ministre du pays. Il sera toujours un hindou et de surcroît un ‘vaish’. J’accepte cette réalité. Je le fais comprendre à mon fils, qui est d’ailleurs réaliste face à cette situation typiquement mauricienne. Donc, tout ce qu’il peut aspirer à devenir c’est d’être le no 2 du PTr.

Q : Est-ce que Shakeel Mohamed est une menace pour  d’autres au sein du Parti travailliste ?

R : Je ne le crois pas. Vous devez vous en souvenir qu’à un moment donné, Shakeel  n’allait même pas obtenir un ticket pour être candidat aux élections générales de 2014. Malgré tout, il était de bonne humeur et il avait promis quand même d’aider le PTr et ses candidats choisis.

Mais quand les agents du no 3 avaient jeté les armes en déclarant qu’ils ne voulaient pas travailler et lorsque ces derniers n’ont pas  approuvé les candidats choisis par le parti,  c’est là qu’on a demandé à Shakeel de revenir. Et il a accepté de retourner. Il était le seul rouge à être élu au no 3 et ce en tête de liste.

Q : Selon vous, à quel parti politique la communauté musulmane doit-elle faire confiance ?

R : La communauté musulmane n’a jamais accepté le MSM en son sein et cette communauté ne fera jamais confiance à SAJ et sa bande. Il ne faut pas oublier que les hadjees, revenant de la Mecque, avaient été fouillés et leurs bijoux saisis, les dames déshabillées par les officiers (dames) de la douane pour chercher des objets soi-disant de contrebande. C’était sous le régime Jugnauth. Il ne faut toujours pas oublier ses critiques contre le Coran et l’abolition d’un trait de plume de la Muslim Personal Law (MPL) ainsi que la déportation manu militari de l’ambassadeur de la Libye, sa femme et ses enfants.

Toujours sous l’ère Jugnauth, on a constaté le démantèlement de l’empire BAI, dont le chef est Dawood Rawat, l’arrestation de ses filles, le gel de leur compte en banque et l’approbation par SAJ comme Premier ministre de la vente des biens appartenant à la Bramer Bank pour une roupie pendant que les biens valaient des milliards. Tout cela, ni la communauté musulmane ni la population dans son intégralité ne pourront oublier.

Or, la majorité des employés du groupe BAI étaient des non musulmans, et qui en grande partie sont aujourd’hui au chômage. Ce démantèlement a fait tache d’huile. Ce n’est pas pour demain que cette affaire va se terminer et surtout quand l’Etat mauricien est poursuivi en France par Dawood Rawat. Toute l’affaire est maintenant devant la Cour d’arbitrage pour une réclamation de Rs 34 milliards. Et si jamais il gagne son procès, l’Etat, c’est-à-dire les Mauriciens, aura à payer cette somme. Tout cela ne fait pas honneur au MSM et à l’Alliance Lepep.

Si le Bon Dieu me prête toujours vie, je ferai campagne, malgré mon âge, à travers l’île Maurice contre sir Anerood Jugnauth s’il est toujours là et contre cette alliance de ramassis. Je souhaite que SAJ  m’entende.

Ayant dit tout cela,  je vois que son fils, Pravind Jugnauth,  a beaucoup plus d’élégance par rapport à son père. C’est définitivement une nouvelle école. Il n’est pas vulgaire ou brutal.

Q : Qui possède les qualités requises pour se positionner comme porte-parole et défenseur de la communauté musulmane ?

R : Permettez-moi de vous dire qu’il n’est pas facile de se positionner comme leader de la communauté musulmane. Jusqu’à maintenant personne ne mérite ce poste à part le défunt sir Abdool Razack Mohamed. En général, SARM a été accepté non seulement par les musulmans, mais aussi par toutes les communautés du pays.

Je me rappelle très bien ce que sir Seewoosagur Ramgoolam  avait dit à la mort de mon père. Le Père de la nation  affirmait  qu’il n’y aurait pas un autre leader pour les musulmans comme  sir Abdool Razack Mohamed.

Tous ceux qui sont au Parlement et même en dehors et qui aspirent à servir la communauté musulmane sont les bienvenus.

En ce qui concerne mon fils, je dirais que Shakeel est un bon serviteur du peuple. Il a refusé la politique ethnique et le communautarisme. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il parle et n’œuvre pas seulement dans l’intérêt des musulmans, mais aussi pour le bien-être de tous les Mauriciens.

Q : Est-il souhaitable qu’il y ait un parti politique musulman à l’instar du Comité d’Action Musulman (CAM) de votre père ?

R : Non. Ce serait une régression parce que je suis moi-même  contre la politique de communautarisme et je souhaite qu’un non hindou devienne Premier ministre du pays.

Paul Bérenger l’est devenu par la force d’une alliance entre lui et SAJ, mais non pas par des votes populaires de l’ensemble des Mauriciens.

On ne peut oublier que l’alliance entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger n’a pas marché. Cela a entraîné la défaite de Navin Ramgoolam et du Parti travailliste. Plusieurs candidats du PTr et du MMM ont laissé des plumes et Paul Bérenger est même sorti en 3e position.

Q : Le gouvernement de l’Alliance Lepep a dirigé le pays pendant un an. Comment jugez-vous son bilan ?

R : Un bilan très négatif. Pendant toute l’année 2015, on n’a entendu que des slogans. Aussi, il a fallu deux interventions avec le secteur privé par le Premier ministre pour redorer le blason du gouvernement de l’Alliance Lepep. Mais cela ne marche toujours pas. Le gouvernement a fait de grandes promesses pour transformer notre pays en un grand chantier. Or, plusieurs pays européens et même la Chine font face à des difficultés économiques.

La roupie  continue à dévaluer et nos exportations ne cessent de diminuer. Il y a aussi une grande baisse dans le domaine de la construction. Il n’y a point de création d’emplois, le taux du chômage continue à augmenter et on a noté des pertes d’emplois. On ne peut aussi oublier le démantèlement sauvage du groupe BAI. Rien qui encourage et qui provoque le décollage de l’économie mauricienne. Tous les secteurs semblent être paralysés. La taxe de non double imposition avec l’Inde a été mal gérée. Paul Bérenger a raison de dire qu’il n’y aura pas de décollage économique en 2016. Seul le secteur du tourisme  réussit à Maurice.

Q : Quel scénario prévoyez-vous après Jugnauth ?

R : Ce sera la débandade. Déjà le gouvernement de l’Alliance Lepep  ne va pas dans une seule direction, mais dans plusieurs directions. Et après SAJ, nous n’irons nulle part.

Q : Comment voyez-vous l’avenir du MMM ?

R : Le MMM a beaucoup souffert avec la concrétisation de l’alliance PTr-MMM, qui a été rejetée par la population. Actuellement, il semble que le MMM a repris le poil de la bête quand on note la performance du leader du MMM, dont les questions et discours sont pertinents au Parlement.

Q : Quelle est votre impression sur le projet de loi concernant le Good Governance and Integrity Reporting Bill,  qui a fait beaucoup de bruit chez les  politiciens et au sein de la population ?

R : Ce projet de loi a été voté au Parlement. Je suis toujours contre le fait que certains postes, provenant de cette loi, soient remplis par le Premier ministre. J’aurais  préféré que ces postes soient remplis par la Judicial and Legal Service Commission. Je suis convaincu que cette loi va servir pour attaquer les adversaires politiques du gouvernement.

Q : Comment se porte Kathleen Austin ?

R : On a poursuivi Kathleen Austin pour diffamation en lui réclamant des millions pour son rapport que je considère diffamatoire à l’égard de mon fils. Jusqu’à maintenant, malgré les démarches que cette affaire soit entendue au plus vite possible en Cour suprême, Kathleen Austin déclare qu’elle n’a pas le temps de venir de sitôt à Maurice pour être jugée au civil.

Donc nous l’attendons de pied ferme. J’espère que cette affaire sera entendue cette année. Je souhaite que ce soit ainsi tout en faisant une requête au Chef juge de donner une date rapprochée.