Maurice en récession : Manisha Dookhony, économiste : « Un plan de relance ciblé est nécessaire »

Avec l’inclusion de Maurice sur la liste noire depuis le jeudi 1er octobre, voilà un autre coup de massue pour le pays : en effet, l’ile Maurice subit actuellement une récession, avec une contraction de 32,9 % du PIB, selon une information de ‘Statistics Mauritius’ en date du 30 septembre. Les analyses démontrent ainsi plusieurs arrêts d’activités. Le tourisme a enregistré une baisse de 98,1 % ; pour le secteur de la construction, il y a eu une baisse de 89,4 % ; pour le secteur manufacturier, une baisse de 43,6 %, ; et pour le secteur du textile, une baisse de plus de 65 %, entre autres. Le point avec Manisha Dookhony, économiste.

Maurice est actuellement en récession avec une baisse de 32,9 % du PIB. Votre analyse…

Ce qu’il faut savoir, c’est que ce sont les chiffres pour le 2e trimestre de 2020, c’est-à-dire d’avril à juin 2020.  Donc, ce sont les chiffres qui couvrent le moment où notre économie était en arrêt, complet ou partiel. Cette contraction suit une contraction de l’activité économique de 2,0 % pour le premier trimestre de 2020.  Sur toute l’année, c’est-à-dire englobant les 4 trimestres, il est prévu qu’il y aura une contraction de 13 %, mais ensuite une reprise pour l’année prochaine.

 Les chiffres font-ils peur ?

Effectivement, cela donne le tournis mais ce n’est pas étonnant, vu que pour prévenir une crise sanitaire, nous étions tous confinés à la maison, sauf les services essentiels fonctionnaient.  Ainsi, entre avril a juin 2020, les hôtels sont restés fermés, les chantiers étaient clos ou encore le secteur manufacturier était en difficulté.  Mais depuis, les activités ont repris. Ainsi, il faut prévoir que de juillet à septembre, nous allons avoir une croissance dans ces mêmes secteurs, sauf sans doute pour le tourisme. Il faut aussi noter qu’il y a des signes positifs, comme les achats dans le secteur immobilier, qui a repris avec les taux d’intérêt bas, ou encore la vente de véhicules.

 Le GM aurait-il pu éviter cela ?

La covid-19 a été un coup de massue pour tout le monde.  Qui aurait pu prévoir en janvier que le tourisme serait à l’arrêt, que nous serions à la maison pendant des semaines, que les chaines d’approvisionnement seraient bloquées ? Non, je ne pense pas que le gouvernement aurait pu éviter cela. Par contre, je pense qu’on aurait pu éviter les problèmes qui sont venus après, tel le ‘blacklisting’ de Maurice par l’UE, car il y avait des signes avant-coureurs et des mises en garde au préalable.

 Quelles sont les mesures économiques que Maurice doit adopter pour sortir de là ?

La réouverture de nos frontières est définitivement une première étape. Un allègement du système de quatorzaine pourrait aider encore notre économie.  Le ‘business travel’ ne peut pas se faire avec deux semaines de quatorzaine au retour.  Il faudrait la mise en place d’un plan de relance ciblé et adapté aux problèmes auxquels nous faisons face. Il faudrait une agilité pour une révision des mesures économiques, pour plus d’adaptabilité aux conjonctures économiques.

Verrons-nous d’autres problèmes de nature économique dans les jours qui viennent ?

L’économie est toujours sous perfusion.  Il est fort possible qu’on soit témoin des entreprises, petites comme grandes, qui seront forcées à mettre la clé sous le paillasson. Faute de commandes pour leurs produits, certaines usines ont déjà commencé à réduire leur effectif. Cela amènera sans doute à d’autres problèmes économiques, dont le taux de chômage qui risque de croitre. 

Quelles sont  vos prévisions en termes d’inflation, de chômage, et de croissance ?

La croissance finira par se remettre de l’épidémie de covid-19 et des verrouillages associés. Avec de nombreux goulots d’étranglement dans l’offre, certains pics dans les prix sont très probables. À Maurice, nous avons une décroissance, un taux de chômage élevé, mais tout de même moins que l’on craignait grâce au ‘Wage Assistance Scheme’ et des mesures du MIC.   L’inflation reste jusqu’ici maitrisée. Ce qu’il faut craindre : que notre monnaie continue à perdre de la valeur, et que l’économie n’arrive pas à créer d’emplois.