L’utilisation du pesticide à Maurice

Alarmante !

Le pesticide est une substance chimique qui est utilisée par des planteurs pour protéger leurs plantations contre des vermines, des micro-organismes et des maladies qui ravagent des plantes. Ce terme générique comprend les insecticides, les herbicides, les parasiticides ou encore les fongicides qui ont pour fonction d’attaquer les organismes qui constituent un danger pour la survie des plantes. Considéré comme nocif à la santé et à l’environnement, le pesticide continue à se manifester dans notre vie au quotidien. Dans l’air que l’on respire, dans notre assiette, dans la terre sur laquelle on marche, le pesticide infeste tout, en rendant ce que nous mangeons, impropre à la consommation. Une réalité que les gens réalisent peu à peu à travers le monde. La preuve : la naissance des produits bio. Un vent de conscientisation souffle sur tout l’univers ! Mais qu’en est-il de notre pays, qui se proclame être Maurice, Ile Durable ?

Le rapport du Food Tech Laboratory, publié l’année dernière, indique qu’en quatre ans, le taux de pesticides présent dans les fruits et légumes a connu une hausse considérable avec 10 %  contre 2,3%. Un  chiffre qui dépasse largement le Maximum Residue Level (la quantité autorisée de pesticide dans les fruits et légumes, qui est calculée selon des normes internationales). Un résultat qui a de quoi nous inquiéter même si cela ne semble pas inquiéter les autorités.

« Basket survey »

V.A Punchoo, Chief Agricultural Officer, nous explique qu’au niveau du ministère de l’Agro-Industrie, des exercices de contrôle sont effectués chaque semaine. Des officiers se rendent dans des foires à travers le pays pour une ‘basket survey’. Après les analyses du Food Tech lab, ils publient un rapport qui est ensuite remis au ministère. Des échantillonnages d’une centaine de fruits et légumes sont récupérés auprès des planteurs annuellement pour être analysés. Outre ces exercices de contrôle, des campagnes de sensibilisation sont organisées dans plusieurs régions afin de conscientiser les planteurs sur l’utilisation du pesticide dans leurs cultures. Pour le dosage du pesticide, les planteurs sont tenus de suivre les méthodes d’utilisation qui indiquent la quantité exacte. Mais l’officier nous confie que malgré les efforts qu’ils fournissent de leur côté, des planteurs persistent à en utiliser plus que la moyenne autorisée. « La situation ne s’améliorera pas tant qu’il n’y aura pas de loi contrôlant cette pratique », ajoute-il. De plus, il soutient que les coûts de ces analyses sont élevés. Pour un échantillon de banane, il faut compter Rs 7 500. L’Etat dépense donc des millions de roupies pour procéder à ces exercices. Ne serait-il pas plus bénéfique pour l’Etat ainsi que pour toute la population si des lois sévères contre les abus du pesticide seraient adoptées ?

Selon le secrétaire de la Small Planters’ Association (SPA), Kreepalloo Sunghoon,  la situation à Maurice n’est pas alarmante. « Comparé à bann lezot pays, nous encore below limit là », soutient-il. Il nous explique la raison pour laquelle les planteurs se sentent obligés d’utiliser des pesticides à Maurice. Le fait que nous vivons dans un pays tropical, nous rend plus vulnérables aux maladies et aux pestes. Les planteurs ont ainsi recours au pesticide, une substance qui leur revient cher : « Bizin compte Rs 2 000 par arpent sak semaine ». Une somme colossale pour un petit planteur qui a investi toutes ses économies dans une plantation de légumes.  Le secrétaire de la SPA ajoute qu’aucun planteur n’aime investir dans du pesticide mais qu’ils n’ont pas le choix. Selon ses dires, les insecticides organiques sont moins accessibles sur le marché mauricien que ceux commercialisés.

 Cocktail de pesticides

Le nombre de ravageurs résistants aux insecticides ne cesse d’augmenter. Cependant les planteurs augmentent eux aussi le volume de pesticides utilisés, afin de protéger leurs cultures. Il leur arrive aussi de faire un ‘cocktail’ de pesticides. « Zotte mélanz tout pesticides pou essaye rann li plis puissant afin ki kapav combatte bann insectes là », déclare-t-il. N’ayant pas le soutien et le guide nécessaires, ces derniers demandent des conseils à leurs amis et finissent par rajouter plusieurs types de pesticides pour former un cocktail.

Pour remédier à la situation, Kreepalloo Sunghoon propose de prendre une série de mesures sécuritaires afin qu’il y ait plus de contrôle.  Il est d’avis qu’il faut les encourager à adopter l’agriculture raisonnée, une méthode d’agriculture qui prend en considération la protection de l’environnement. Il pense qu’une organisation doit être mise en place pour « vérifier l’efficacité bann insecticides, et enn lott pour vérifier le type d’insectes qui résister. Bann l’autorité bizin montrer plis vigilances lor bann activités dans le port, kan bann bateaux vinn Maurice zot amène ban pestes et maladies… »

Les consommateurs peuvent déjà se réjouir car le secrétaire de la SPA affirme qu’une loi permettant la traçabilité des fruits et légumes devrait bientôt être mise en place. Cette loi donnera la possibilité aux autorités de retracer  la provenance des aliments.

Deelanee Doreemeeah : « Bien tremper les fruits et légumes » 

Le pesticide dans nos assiettes peut causer de nombreuses maladies et d’ailleurs des recherches scientifiques ont attribué une des causes du cancer de la bouche, de l’estomac et de la langue à la présence du pesticide se trouvant dans une grosse partie des aliments que nous consommons. Selon le nutritionniste Dooreemeah, le problème c’est que les gens sont mal informés sur la façon dont ils doivent laver et cuire leurs aliments.  Il y a une grande différence entre laver et rincer ses aliments. « Les fruits et légumes doivent être trempés dans de l’eau pendant au moins 2h de temps », un geste qui nous aidera à réduire le risque d’avoir certaines maladies graves. Il nous explique que le pesticide est présent dans la peau uniquement. Cependant avant la cuisson, il précise qu’on ne doit pas enlever la peau des aliments qu’on laisse tremper dans de l’eau. « Le pH du pesticide est acidique. Ce qui fait que cela brûle nos ‘’soft tissues and they become necrotic’’ », dit-il. Ce dernier a attire notre attention sur certains cas où des légumes et fruits changent de couleur. « Des fois, vous aurez observé par exemple, en épluchant la peau de certains aliments comme la pomme de terre, il  y a des nuances de couleur verte. C’est la preuve que l’aliment est déjà infecté par le pesticide, des cas qui peuvent causer la diarrhée chez une personne »,  soutient-il.

« Géraldine d’Unienville, « La nature nous a offert plein de ressources, il faut en utiliser »

Géraldine d’Unienvielle qui s’est inspirée des AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) de France et a formé le concept Vélo Vert, basé à Curepipe. Cette Belge, qui a vécu en France pendant des années, a voulu créer un moyen qui permettra aux gens de consommer les légumes et fruits issus de l’agriculture biologique. Elle a donc pensé à mettre en place un mode de distribution des fruits et légumes sous forme de paniers livrés à domicile. Les consommateurs n’ont donc aucun mal à se faire, car les planteurs présentent à eux un panier de fraîcheur cultivée sans pesticides ni aucun engrais chimique. Une idée qui semble séduire de nombreux Mauriciens à travers le pays puisque Géraldine nous confie qu’outre les 250 paniers qu’elle livre sur une base hebdomadaire, elle reçoit des commandes additionnelles.

Pour elle, les planteurs n’y sont pour rien. Par manque d’informations, de savoir-faire et de soutien, ils n’arrivent pas à sortir de l’agriculture traditionnelle. Selon elle, le ministère de l’Agro-Industrie remplit également ses fonctions comme telles et qu’il affirme sa volonté d’apporter des changements positifs à l’agriculture conventionnelle. « La nature nous a offert plein de ressources, il faut en utiliser. À la place des engrais chimiques, on utilise des engrais organiques à savoir des fumiers de vaches, la plante de neem comme insecticide et de la consoude pour faire fuir les ravageurs de nos plantations », a-t-elle fait ressortir.