Dans l’interview qui suit, l’ancienne présidente de Media Watch Organisation et membre de l’organisation de Gender Links, Loga Virahsawmy revient sur les incidents où le ministre Showkutally Soodhun ainsi que le député de la majorité Ravi Rutna ont insulté respectivement Nirmal Maruthamuthu et la journaliste Laetitia Melidor. Elle traite le ministre Soodhun de vulgaire et pense que Ravi Rutna « caracole en tête du hit-parade des grossièretés ».
Ces derniers temps, les femmes ont été la cible surtout de nos politiques de la majorité. Qu’est-ce que qui se passe dans la tête de ces derniers ?
Il faut revenir à l’incident entre le ministre des Terres et du Logement Showkutally Soodhun et Nirmala Maruthamuthu et il faut bien écouter les propos du ministre. Car, à un moment il dit « si ou envi ale dormi ek Navin Ramgoolam, ou kapav ale dormi ek li ». En analysant ces propos, on déduit que Soodhun fait partie de cette société patriarcale qui veut que l’homme politique doive toujours dominer.
Vulgaire comme il est, je pense qu’il aurait agi de la même sorte avec un homme. Mais je me demande si la réaction de la population aurait été la même s’il avait insulté un homme. Il est important que la population réagisse de la même façon si c’était un homme. Le pays a besoin de plus de Nirmala, mais aussi des hommes qui lèvent la voix. Il est grand temps que les hommes et les femmes commencent à rappeler nos politiques à l’ordre.
Et Ravi Rutnah ?
On n’utilise pas un tel langage. Femel lisyen ! Est-ce que vous savez ce que cela veut dire ? Ce sont des propos très graves tenus par Ravi Rutna. Je pense qu’il caracole en tête du hit-parade des grossièretés et des insanités. Ravi Rutna est un malade et il est dirigé par des malades. Quand vous avez été élu, il faut savoir servir le peuple et lui parler convenablement. Quand un politicien de surcroit un avocat agi de la sorte, quel exemple est-il en train de donner à des enfants et à des familles. Si une personne le traite de chien, comment va-t-il réagir ? Je fais un appel aux femmes politiciens de faire très attention. Car, beaucoup sont entrées en politique et par la suite ont été impliquées dans des scandales.
Société patriarcale ou machiste ?
La façon à laquelle se comporte Showkutally Soodhun et Ravi Rutna, je dirai que c’est machiste. Mais elle est aussi patriarcale. Car, ce sont les hommes qui ont toujours été le soutien de la famille. Toutefois, petit à petit la femme est devenue de plus en plus indépendante. Certaines de ces femmes sont plus qualifiées que leurs maris. Psychologiquement, ils ne sont pas préparés à ça. D’où, ils deviennent agressifs.
Cela ne vous a pas choquée que personne n’ait pris la défense de Nirmala Maruthamuthu quand elle se faisait insulter par le ministre Soodhun ?
C’est choquant. Tout le monde aurait dû faire un walk out. La majorité des politiciens dans le gouvernement actuel pensent que le pays leur appartient et qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent. J’espère que d’autres vont emboiter les pas de Nirmala Maruthamuthu et que les gens vont la considérer comme un role model. Au Parlement, quand la présidente renvoie un membre de l’opposition, ses collègues, par solidarité, lev zot pake aller.
Sommes-nous entourés de moutons de panurge ?
Auparavant, les gens avaient peur de faire entendre leurs voix. Les ONG se taisaient, de peur ne plus recevoir de financement des fonds de la National CSR Foundation (NCSRF). La situation s’est tellement dégradée sous ce gouvernement que les gens commencent de plus en plus à faire entendre leurs voix. Je ne dirai pas que nous sommes des moutons de panurge bien que le pays soit complètement ruiné. Autant dire que le prochain gouvernement ne saura pas où commencer. Je dois aussi féliciter les médias qui ont toujours rappelé ce gouvernement à l’ordre.
En parlant des médias, est-ce qu’ils ont conscience qu’ils font partie du quatrième pouvoir ?
Malheureusement, les journalistes n’en sont pas assez conscients. Il n’y a pas de débats ou article qui donnent à réfléchir. La presse à Maurice est restée à un stade basique. C’est triste que cette presse soit en train d’inviter les lecteurs à devenir basiques eux aussi. De ce fait, de plus en plus de gens n’achètent des journaux que pour les palabres ou pour des faits divers.
Le Mauricien est donc masochiste ?
La presse a encouragé les lecteurs à devenir ainsi. La presse finn encouraz dimoun lire n’importe koi parski ena très peu d’article de qualité.
Le pays est actuellement secoué par l’affaire Bet365. Quelle lecture en faites- vous ?
Franchement, je n’ai pas suivi cette affaire en profondeur. Le Premier ministre Pravind Jugnauth a pris la bonne décision de demander à Ravi Yerrigagoo de se retirer. Mais quand j’ai appris dans quelle direction part cette affaire et qu’un journaliste a aidé à préparer un affidavit, je me pose des questions. Est-ce que les journalistes sont des détectives, des avocats, des policiers ou des médecins ? Il est grand temps que le Media Trust fasse la formation des journalistes.
Si le délateur est parti à l’Express avec ses documents et que ce journal a eu le courage d’éclater au grand jour cette affaire, je dis chapeau. C’est du vrai journalisme d’investigation. Les journalistes ont agi de bonne foi. Sauf que je ne comprends pas pourquoi un journaliste a aidé à la préparation d’un affidavit. Avec les rebondissements, il faut savoir qui dit vrai dans toute cette affaire.
ACCROCHE : « C’est choquant. Tout le monde aurait dû faire un walk out. La majorité des politiciens dans le gouvernement actuel pensent que le pays leur appartient et qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent. »
