L’Histoire retiendra l’âpre combat des travailleurs à Maurice !

Fête du Travail

Bien avant l’Indépendance, au début des années 40, plusieurs tribuns historiques vont livrer un âpre combat pour améliorer le sort de la classe ouvrière à Maurice. Cette lutte pour la classe travailleuse est insérée dans un contexte politique et social compliqué, avec la loi répressive de 1922 concernant la règlementation des travailleurs de l’industrie sucrière sur toile de fond. Les années vont passer sans que la situation ne s’améliore. Ce n’est que dans les années 40, avec la mort d’Anjalay Coopen comme martyre et symbole de cette lutte, que des changements vont graduellement se mettre en place, et la première fête du Travail sera observée le 1er mai 1950. L’Histoire retiendra que le 1er mai n’a jamais été une journée politique, du moins pas à ses origines, mais une journée consacrée  à la mémoire des travailleurs de différents secteurs qui ont contribué de loin ou de près au progrès économique du pays.

Marwan Dawood

Anjalay Coopen, le symbole

En 1943, soit le 13 septembre, une grève eut lieu sur la plantation sucrière de Belle-Vue Harel. Quelques jours plus tard, soit le 27 du même mois, des travailleurs organisèrent une cérémonie religieuse sur ladite propriété, où l’atmosphère devint vite tendue, nécessitant l’intervention de la police. Malgré une présence musclée des ‘garde bâtons’, de nombreux hommes, femmes et enfants, qui luttaient pour leurs droits et leur dignité, refusèrent de se disperser.

Alors âgée de 32 ans et enceinte, Anjalay Coopen prit part aux hostilités de septembre 1943. La foule se mit à lancer des projectiles sur les policiers, qui commencèrent alors à tirer à balles réelles.  Trois personnes tombent, atteintes par les balles, dont Anjalay Coopen, Kistnasamy Mooneesamy et Moonsamy Moonien. 9 jours après, une quatrième victime se joignit à la funeste liste, notamment Marday Panapen.  La mort d’Anjalay Coopen provoqua une onde de choc parmi la classe laborieuse et devint, malgré la disparition de cette dernière, l’élément déclencheur d’une grande mobilisation au sein du mouvement des travailleurs.

Les années passèrent alors mais la condition des travailleurs ne s’améliorait guère.  Le 5 mai 1946, pendant une manifestation, un manifeste en cinq points fut présenté aux autorités, réclamant la proclamation du 1er mai comme jour férié, le suffrage universel, l’éducation obligatoire, la révision de la Constitution et le combat contre l’alcoolisme.  C’est alors que Guy Rozemont, président du Parti travailliste, élu au Conseil législatif, devint le chantre de la lutte pour améliorer le sort de la classe ouvrière. En conformité avec la vision socialiste de son parti, il proposa 69 ans de cela, soit le 29 avril 1949, une motion au Conseil pour que « That the 1st of May be declared a public holiday to allow the workers of this Colony a day’s rest to celebrate Labour ideals.»

La motion de Guy Rozemont fait s’aligner les parlementaires pro-travailleurs, fraichement élus en 1948, dont Raymond Rault, Sookdeo Bissondoyal et le Dr Seewoosagur Ramgoolam.  De leur côté, Arthur de Chazal et André Nairac vont s’opposer à la motion. Il a fallu attendre l’amendement proposé par Renganaden Seeneevassen, qui fut voté, et que le gouverneur d’alors, Sir Hilary Blood ne décréta le 1er mai 1950 jour férié.

Les célébrations du 1er mai à travers le temps

Le 1er mai 1950, la première fête du Travail fut  célébrée à Maurice avec faste et ferveur. Au matin du 1er mai 1950, un hommage fut rendu à Emmanuel Anquetil au cimetière de Saint-Jean avant le grand meeting public, qui avait réuni environ 15 000 personnes, selon les articles des journaux de l’époque et les célébrations avaient été conclues par un match de football.

Dans les années 70, la fête du Travail prit une nouvelle tournure avec la naissance de la General Workers Federation (GWF). Le 1er mai devint à l’époque la journée des revendications de la classe ouvrière, qui ont vu leur concrétisation après une lutte acharnée des syndicalistes, ces derniers ayant grandement contribué à redonner aux travailleurs leur dignité.  En 1975, le Mouvement militant mauricien (MMM) tint son premier meeting après la levée de l’interdiction des rassemblements.  C’est ainsi que naquit alors la tradition des meetings politiques du Premier mai à Maurice.

Aujourd’hui encore, les partis politiques de Maurice perpétuent la tradition, si ce n’est que le Parti Travailliste n’a pas organisé de meetings du 1er mai depuis quelques années déjà. Mais dans le fond, la tradition est là, avec les traditionnels dépôts de gerbes sur les tombeaux des grands tribuns qui ont mené la lutte pour rendre ce jour férié.

Politisation du 1er mai… la tradition se perd

La journée de la fête du Travail est depuis des décennies marquée par des rassemblements des différents partis politiques du pays.  Pendant des années, cette journée fut placée sous le signe de la propagande ; d’un côté, l’équipe dirigeante et de l’autre les partis de l’opposition. Cependant, il faut noter un changement dans la célébration de la Journée de travail à Maurice.  Les mouvements syndicaux réunissent les travailleurs à Beau-Bassin et les partis politiques, eux s’entredéchirent sur les estrades dans les différentes villes clés du pays, notamment à Vacoas, à Rose-Hill ou à Port-Louis.

Sur les dernières cinq années, on note un déclin des partis de l’opposition à tenir des grands meetings pour cette journée.  Le Parti travailliste n’a plus tenu de meeting du 1er mai depuis 2012. En 2013, les rouges alors au gouvernement avaient affirmé qu’ils ne tenaient pas de meeting par respect aux victimes des inondations du 30 mars à Port-Louis. Depuis, la direction du parti affirme vouloir retourner cette journée à la classe travailleuse.

Le MMM de Paul Bérenger n’organise presque plus de meeting du 1er mai également. En 2014, c’est à Quatre-Bornes que les mauves avaient tenu une Assemblée des délégués. En 2015 et en 2016, les mauves ont tenu des journées de réflexion au Hennessy Park, à Ébène. Cependant, le MMM est revenu à la rue Edward VII à Rose-Hill en 2017 pour un meeting du 1er mai. Cette année, les mauves seront au Plaza, toujours à Rose-Hill, pour une nouvelle Assemblée des délégués.

Le PMSD a cependant pris part au 1er mai du gouvernement en 2015 et 2016 à Vacoas. Depuis son départ du gouvernement, les Bleus n’ont pas réuni leurs partisans pour un meeting, se contentant l’année dernière de tenir un congrès.  Cette année, ils tiendront un meeting en salle à Réduit. En ce qui concerne le Mouvement patriotique, après deux escapades à La Louise en 2016 et 2017 respectivement, le parti ne tiendra pas de meeting en 2018, faute de moyens.

Reste alors le gouvernement MSM-ML, qui sera au rendez-vous à Vacoas ce mardi.

Le Saviez-vous ?

La fête du Travail trouve son origine aux États-Unis. Le 1er mai 1886, une grève généralisée est organisée, suivie par près de 350 000 travailleurs. Cette action concertée paralyse un nombre important d’usines au pays de l’oncle Sam. Les salariés réclamaient alors une journée de travail de 8 heures. La contestation est particulièrement vive à Chicago, dans l’Illinois. Le 3 mai de la même année, environ 10 000 ouvriers grévistes se massent devant les usines McCormick pour protester contre les briseurs de grève (des milices armées, qui ont souvent recours à la violence) et conspuer ces derniers. La police charge alors la foule avant l’intervention de l’armée. 6 morts et de nombreux blessés sont à déplorer. Le lendemain, un meeting de protestation réunit près de 150 000 personnes et la ville est en état de siège. Une bombe explose alors, tuant 15 policiers, mais les manifestants obtiennent gain de cause, laissant quand même plus de dix morts du côté des ouvriers.

Le programme politique et syndical en ce 1er mai 2018

À Vacoas : Les partisans du MSM et du ML ont rendez-vous à la place Bazar à partir de 9 h pour écouter les différents messages des dirigeants du gouvernement. Parmi les orateurs, Pravind Jugnauth, leader du MSM et Premier ministre, Ivan Collendavelloo, le leader du ML, quelques ministres de deux partis, ainsi qu’un message du ministre Mentor, sir Anerood Jugnauth.

À Rose-Hill : Les militants du MMM ont rendez-vous au Plaza pour une Assemblée des délégués, que tiendra le parti pour se pencher sur la stratégie que devrait adopter les mauves sur le plan politique.

À Réduit : C’est à l’auditorium Octave Wiéhé que les Bleus du PMSD se réuniront ce 1er mai 2018 pour leur congrès annuel à partir de 10 h.

À Beau-Bassin : C’est un collectif syndical qui se réunira à partir de 9 h. Le collectif Premier mai est composé de plusieurs instances syndicales, dont le CTSP, la FTU, la FPU et le Mouvement Premier mai.  Le rassemblement sera marqué par un meeting et une animation culturelle.

À Pomponette : Rezistans ek Alternative, le collectif Aret Kokin Nu Laplaz, la GWF et l’association Cares donnent rendez-vous aux travailleurs et à leurs familles pour une action conjointe à l’occasion de la fête du Travail. Ashok Subron, un des principaux animateurs de cette plateforme, veut mettre de l’avant l’idée de l’émancipation écologique pour les travailleurs et mener bataille contre la privatisation de la plage de Pomponette.