Lewis Dick sauvé par la sculpture

Il a vécu la période de crise des années 70 où on avait du mal à trouver du travail à Maurice. Lewis Dick, 64 ans était à bout de ses forces. Il voulait mettre un terme à sa vie la veille d’une fête de Noel, en se pendant à un arbre. Mais, ce septuagénaire ne savait pas que cet acte allait changer sa vie pour toujours. Aujourd’hui, cet homme qui a connu la pauvreté absolue, est devenu sculpteur professionnel dont les œuvres sont appréciés non seulement par les Mauriciens mais aussi par des gens à travers le monde. Récit de cette success story.

Cet habitant de Bambous mène une vie simple et modeste. Vêtu d’un pantalon gris et d’une chemise noire, Lewis fait de son mieux pour cacher son identité de sculpteur professionnel. Pour cause ! Cet homme a connu la pauvreté absolue. Il a erré dans les rues à la recherche d’un emploi dans l’espoir de nourrir sa famille. « A cette époque-là, l’Arabie Saoudite recrutait des maçons étrangers. Mais je n’avais pas de qualification. J’allais chercher du travail sur des chantiers, ‘saryer block’, remémore-t-il. La situation ne s’est pas améliorée. La famille de Lewis n’avait plus quoi se nourrir. « Mes enfants se nourrissait d’eau…Cela faisait la troisième année consécutives que mes enfants n’avaient pas reçu de cadeaux pour la Noel », se lamente-t-il.  Désespéré, cet habitant de Bambou décide de mettre fin à sa vie en se pendant à un arbre, la veille de Noël. Cependant, en accrochant la corde à l’arbre, il se rend compte que le tronc de l’arbre a une forme très particulière, celle d’un bébé endormi.

Il décide alors de la travailler. Muni d’un tournevis et d’une pierre, le sculpteur essaie de lui donner la forme d’une poupée endormie. Lorsqu’il a fini, Lewis a posé l’objet sur le lit de ses filles, pour qu’à leur réveil, elles reçoivent leur cadeau de Noel. La poupée a vite été repérée par les autres personnes dont un touriste  et collectionneur anglais. Ce dernier a été tellement fasciné par cet objet d’art qu’il a décidé de l’acheter. Finalement, la poupée a lui été vendue au prix de Rs 4 000. Cette somme qui valait beaucoup à cette époque, a permis à cet habitant de Bambou de payer ses dettes ainsi que de s’acheter un lopin de terre. « Sa lepok là premier lot lotterie ti Rs 5 000. Pou moi sa casse la ti vaut enn lotterie meme sa. Mo ale aster ration comment fou sa zour la dans démi-gros Rose-Hill. Mo ti pe ress Trèfles lerla », confie-t-il, les larmes aux yeux. Il fera une autre poupée qui sera achetée par sa cousine pour la somme de Rs 3 000.

Lewis Dick  emménage à Bambous. Il réussit à inviter des habitants de cet endroit vers la sculpture. Le sculpteur organise sa première exposition dans le village hall de Bambous et encourage des habitants d’y exposer leurs œuvres. « Je tenais cette exposition pour récupérer une partie d’argent pour sauver une équipe de foot. On m’a mis au défi que si j’arrivais à faire venir au moins 300 personnes dans le village hall, on m’offrirait un billet pour la Réunion. Mais on a réussi à attirer plus de 3 000 personnes uniquement le premier jour de l’exposition », relate-t-il. Le destin allait prendre une tout autre tournure ce jour-là. Un journaliste Suisse était lui aussi venu assister à l’expovente. Il a pris des photos. Quelques jours plus tard, Lewis, son fils et deux autres sculpteurs dont les œuvres y étaient exposés, ont reçu l’invitation pour partir en Suisse. Depuis, les invitations ont commencé à pleuvoir des quatre coins du monde. Au total Lewis et ses apprentis ont exposé leur sculpture dans une quarantaine de pays dont la France, le Népal, et la Malaysie. « Les journalistes voulaient m’interviewer à mon arrivée de l’aéroport. C’est une expérience qu’on ne peut pas décrire », affirme-t-il.

Sa première exposition a fait le tour de monde. Elle a duré 7 ans. Il a tenu plusieurs expositions dont une à la gallerie Max Boullé. Lewis avait sculpté une pièce qui fut primé par la Municipalité de Rose-Hill. L’intitulé de l’objet était Les 4 coriaces de l’île Maurice, sur les quatre politiciens du pays.

Sa popularité n’a pas cessé d’augmenter et un jour il reçoit une invitation d’Arnold Schwarzenegger de Californie. L’acteur lui explique qu’il est tombé sur lui par hasard et cela l’a interpellé. « Il m’a dit que la U C Davis University avait besoin d’aide. Les élèves ne recevaient pas la bonne formation », déclare le sexagénaire. Lorsqu’il est arrivé aux Etats-Unis, Lewis affirme qu’il a tout de suite cerné le problème. On n’exploitait pas le potentiel des élèves. Trois mois plus tard, Lewis décide de retourner au bercail.

Ces expériences ont fait de lui, un doyen et professionnel du domaine. Aujourd’hui, il gère son propre école à Bambous, où les gens perfectionnent leur formation en sculpture. Le bois, les rochers, le ciment, la glace, toutes les matières sont exploitées. « L’art n’est pas quelque chose d’abstrait. On a tendance à le mettre en arrière plan. Mais c’est grâce à cela qu’aujourd’hui je suis devenu ce que je suis. Cela peut nourrir une famille entière », nous confie-t-il. Les élèves doivent apprendre à bien mesurer pour lui donner forme. Aujourd’hui grâce à la formation obtenue par Lewis Dick, plusieurs jeunes ont réussi à se faire connaître dans des autres pays.