Les zéros du gouvernement Les héros d’Avengers

Cette nouvelle année a débuté sur la même note que 2020 avait terminé, celle d’un mécontentement et d’une contestation presque généralisés envers le pouvoir en place. Ce même pouvoir qui se permet de faire comme bon lui semble quand il s’agit de défendre les siens. Peu importe à quel prix. Peu importe les moyens déployés pour y parvenir. Quitte à convertir notre état de droit en un état policier, voire militaire, uniquement pour protéger un ministre accusé d’emploi fictif par la veuve d’un de ses agents contre les huées du public et des manifestants aux abords de la cour intermédiaire, jeudi.

Un déploiement aussi important des forces de l’ordre, comprenant la SMF, le GIPM et des snipers, armées jusqu’aux dents a de quoi terroriser des civils inoffensifs hormis leurs occasionnelles vociférations tout à fait justifiées contre le régime actuel. Certes, les manifestants tenus quand même à être présents devant la Cathédrale close ne se sont pas laissés intimidés. Loin de là. Mais ce fort déploiement policier reste néanmoins condamnable. Il symbolise une police à la solde de l’hôtel du gouvernement et qui vise manifestement à angoisser la population au lieu de la rassurer, la protéger et la sécuriser. C’est du jamais vu.

Pourquoi le gouvernement, plus précisément le Premier ministre qui est aussi responsable de la sécurité intérieure, a-t-il jugé nécessaire d’utiliser la police pour assurer une telle protection du ministre Yogida Sawmynaden ? Quel risque encourait-il à part les « boure li dehors » scandés par une foule mécontente ? Face à l’indignation collective, le DCP Heman Jangi a tenté une vaine justification. Il fallait assurer la sécurité du public contre d’éventuels grabuges, a-t-il expliqué le lendemain. Risible quand on sait qu’il n’y avait eu point de désordre même quand 150 000 manifestants s’étaient réunis dans la capitale pour réclamer la tête du gouvernement !

Mais que peut-on attendre d’autre de la part d’un gouvernement où siègent au moins un ministre et un député qui traitent des manifestants d’insignifiants et d’ingrats ? Que dire de la petitesse d’esprit de ce député qui accuse des manifestants paisibles de ternir l’image du pays ? À croire que les nombreuses casseroles que traînent le gouvernement honorent le pays ! Mais l’attitude du gouvernement ne nous étonne plus. Car il a démontré à maintes reprises qu’il n’exécutera que son propre agenda en dépit des contestations de plus en plus vociférantes. C’est surtout le comportement de l’Opposition parlementaire qui nous interpelle davantage.

On arrive difficilement à comprendre pourquoi cette Opposition parlementaire, représentant 63% des votes de la population, soit toujours en mode vacances alors que le pays passe par des moments aussi difficiles. Faut-il qu’elle soit impérativement dans l’hémicycle pour faire entendre sa voix ? Est-il encore acceptable que le PTr, le MMM et le PMSD continuent à pratiquer une opposition de salon, dans le confort feutré des hôtels de luxe, alors que la population les attend à ses côtés dans la rue ? Le rôle de l’Opposition n’est-elle pas d’incarner l’alternance face au pouvoir en place ? Pourquoi laisse-t-elle alors le champ libre à d’autres regroupements de faire feu de tout bois tandis qu’il est de son devoir et de ses responsabilités constitutionnelles et démocratiques de dénoncer des maldonnes et de sensibiliser et mobiliser la population face aux dérives dictatoriales du gouvernement ?

Il est grand temps pour que l’Opposition se ressaisisse. Ce n’est pas en regroupant théoriquement ses forces que les choses bougeront. C’est dans la rue, aux côtés du peuple, qu’il lui faut faire ses preuves. Si les trois partis ne veulent pas s’afficher ensemble sans l’officialisation d’une alliance ou s’il y a d’autres couacs, qu’ils descendent alors sur le terrain chacun de son côté ! La population veut voir l’émergence d’une alternance forte qui est présente, visible et compatissante dans les moments cruciaux. Une alternance qui défendra ses intérêts et qui revendiquera ses droits. Une alternance qui reste mobilisée en permanence. Ce que fait systématiquement Bruneau Laurette depuis le naufrage du Wakashio. Ce que font aussi les Avengers depuis l’affaire Kistnen.

D’ailleurs, ces derniers annoncent déjà la tenue prochaine d’un grand rassemblement. La façon dont ils ont monopolisé l’actualité ces derniers temps ne laisse aucun doute quant à son éventuel succès. Ce qui leur donnera légitimement du galon, d’autant que les ambitions politiques de certains d’entre eux sont connues de tous. Les Avengers pourraient alors incarner cette alternance souhaitée et réclamée par la population. Espérons que d’ici là, l’Opposition, le PTr surtout, se réveille de sa torpeur. Elle ne peut plus se permettre d’être simple spectatrice. Elle doit désormais passer à l’action, au risque de perdre du terrain. Il y va de la popularité, la crédibilité et surtout la survie de l’Opposition. Il y a les zéros, comme ceux du gouvernement d’un côté, et les héros, représentés à ce stade par les Avengers, de l’autre. Il incombe maintenant à l’Opposition de se repositionner du bon côté de la scène, soit celle des héros, comme elle l’avait été au départ avec ses révélations sur de nombreux scandales.