Les maisons de jeux à Maurice : état des lieux

Dossier

Courses hippiques, matches de football, casinos, game house… Toutes les occasions et les moyens sont bons pour parier. Les casinos ou autres maisons de jeux continuent de pousser comme des champignons dans différentes partie de l’île. La dernière en date, c’est Empowering People Ltd, qui souhaite construire une maison de jeux dans la région de Vacoas-Phoenix, un projet qui est farouchement contesté par les habitants. Petit tour d’horizon des maisons des jeux.

 

Mécontentements des citoyens face à la proliférationdes maisons des jeux

  • La résistance s’organise face à Dollar Win

La reconversion de la maison de jeux Dollar Win à Saint-Paulen betting shop fait polémique. Plus d’une centaine d’habitantsde Vacoas-Phoenix ont adressé une pétition à la Gambling Regulatory Authority (GRA) pour faire part de leur mécontentement face à ce projet. Ces habitants ne souhaitent pas revivre l’expérience qu’ils ont vécue huit ans de cela. Soit l’insécurité, les insultes et les agressions verbales, aux alentours de certaines maisons de jeux opérant dans cette partie de l’île. À noter que ce complexe appartient à Yash Boygah, l’époux de la Secrétaire parlementaire privée (PPS) Sandhya Boygah. D’ailleurs, la famille Boygah a servi deux mises en demeure à la municipalité de Vacoas-Phoenix, pour refus d’octroyer de permis au projet.

Par ailleurs, il faut faire ressortir que le vice Premier ministre et député de cette circonscription, Showkutally Soodhun, est aussi contre ce projet.

Navin Ramsoondar, le maire de Vacoas-Phoenix, nousaffirme qu’il est contre tout projet de gambling dans les villes dont il a la charge : « Je vais rejeter toutes les applications concernant la construction ou l’octroi des permis d’opération de maisons de jeux, car cela apporte beaucoup plus de mal que de bien aux citadins. D’ailleurs, je souhaite à ce que les casinos soient centralisés dans un lieu unique ».

 

  • À Curepipe : « Pas de 6e maison de jeu » 

L’annonce en décembre 2016 de l’entrée en opération d’une nouvelle maison de jeux à Curepipe avait soulevé un tollé parmi les citadins de cette ville. En effet, ces derniers protestaient contre son éventuelle ouverture. La cause du courroux des habitants : la ville Lumière compte déjà cinq établissements de ce type. Notons que la demande est toujours à l’étude par les autorités municipales. Les habitants avaient la ferme intention de mener une croisade contre ce qu’ils appellent « la dégradation de leur environnement urbain et d’affaires ». Ils projettent de descendre dans la rue pour exprimer leurs ras-le-bol face à ce problème.

 

Nation zougadère

Lors de la présentation de son premier budget après les élections de décembre 2014, l’ex-ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, avait annoncé plusieurs mesures budgétaires pour éviter que Maurice ne devienne une « Nation zougadère ». Vishnu Lutchmeenaraidoo avait préconisé entre autres :

  • Une interdiction totale des publicités ayant trait aux jeux avec effet immédiat.
  • Une interdiction totale sur les cartes à gratter.
  • Une hausse des « gambling license fees » et taxes sur les jeux.
  • Une période de 3 ans pour les collectivités locales de relocaliser les maisons de jeux vers des régions spécifiées.
  • Des mesures concrètes de la Gambling Regulatory Authority (GRA) pour réduire le

« gambling » à l’île Maurice.

 

Paris illégaux : 88 personnes arrêtées  de 2010 à 2016

Les paris illégaux constituent un bon filon pour certains. Ainsi, 88 personnes ont été arrêtées entre 2010 et 2016 pour organisation de paris illégaux. C’est ce qu’indique une réponse écrite de Sir Aneerood Jugnauth, Premier ministre d’alors, suite à une question parlementaire en mai 2016. Outre ces arrestations, la police avait pu établir 51 cas oùdes paris illégaux ont été organisés. Parmi ceux dans la ligne de mire de la police, on compte un grand opérateur de l’organisation des paris. Dans sa réponse écrite, sir Anerood Jugnauth avait énuméré une série de mesures qui seraient prises par la Gambling Regulatory Authority, la Mauritius  Revenue Authority, la police des jeux et la Financial Intelligence Unit pour retracer ceux impliqués dans les paris illégaux.

 

Le gambling et l’économie mauricienne

Chaque année, de nombreux Mauriciens s’adonnent aux paris et aux jeux d’argent. Le ‘gambling’, une habitude, voire une addiction, de plusieurs Mauriciens, n’est pas une activité anodine mais a un impact bien réel sur le pays. Cet impact est présent dans les sphères familiales, relationnelles, sociales, financières et économiques. Nous avons tenté d’avoir l’avis de deux experts en économie, notamment Pierre Dinan et Eric Ng.

 

Une activité économique florissante

Pierre Dinan nous parle des enjeux positifs du gambling pour la nation mauricienne. Pour lui, la question des bénéfices au niveau de l’économie doit être le point de départ de tout débatsur le sujet. Pour lui, il faudra commencer par voir les paris et les maisons de jeux comme une activité économique. « Toute activité économique peut contribuer à l’économie par le fait qu’elle emploie des personnes. Les maisons des jeux constituent une activité économique car ellesfont un profit et dégagent des salaires. Cela contribue à la production économique du pays. Comme les autres loisirs tels le cinéma, les matches de foot et autre activitésrécréatives, les maisons des jeux et les paris sont considérés comme une activité économique du pays», nous explique-t-il.

 

Le gambling peut conduire à l’appauvrissement

« Jouer avec modération ». C’est le principe que l’économiste Eric Ng préconise quand nous lui demandons son avis sur les impacts négatifs du gambling à Maurice. « Les gens sacrifient leur budget de consommation courante en pariant, ce qui a un impact sur la famille et les enfants du parieur. » Les paris, selon lui, s’il n’y a pas de contrôle, peuvent favoriser l’appauvrissement des familles. « Il y a ceux qui mettent en jeu leurs actifs, comme leurs maisons et les biens de la famille. En faisant ainsi, ils n’assument plus leurs responsabilités, ce qui peut affecter la productivité de la personne car ils n’ont plus un état d’esprit libre et clair», conclut-il.

 

Eddy Benoît : « Les pertes expliquées par l’ingérence gouvernementale »

Selon le président de Casino Employees Union (CEU), Eddy Benoît, il y aurait plusieurs facteurs qui expliquent le fait que les casinos à Maurice ne font pas de profit. Il nous confie que les casinos réalisent un pourcentage de profit assez conséquent à la fin de la soirée. Cependant, il déplore une mauvaise gestion des casinos et cela, surtout depuis que l’Etat s’est impliqué dans la gérance des maisons de jeux. « Chaque gouvernement qui vient embauche les gens qui leur ont été fidèles. Des agents politiques sont privilégiés de diverses façons. On leur donne des emplois, et on les rémunère de façon exagérée », dénonce-t-il. Dans les casinos, cette pratique serait courante. Par conséquent, le nombre d’employés dans ces maisons de jeux aurait augmenté.

Il y aurait un surplus d’employés dans les casinos. Le salaire des protégés politiques est bien plus élevé que les autres employés. Il faut souligner qu’un employé de casino travaille sept jours sur sept et sacrifie son temps libre et sa famille en même temps. Autre facteur, la location à des prix élevés des bâtiments. Le président de la CEU déclare que le gouvernement loue des bâtiments, appartenant aux agents politiques en guise de montrer sa gratitude pour services rendus.

Dans certains casinos, il y a des bars où les habitués ont droit à des boissons alcoolisées. Eddy Benoît nous explique que dans certains cas, le contrat du bar est alloué à un protégé politique.

Il a évoqué une troisième cause probable qui expliquerait la perte qu’engendrent les casinos à Maurice. « À l’époque, environ 40 ans de cela, les casinos étaient les seules maisons de jeux à Maurice. Mais de nos jours, les casinos privés poussent comme des champignons. De plus, avec la diversification des maisons de jeux,à savoir SMS Pariaz, Football betting, Online Betting et autres, les gens se tournent plutôt vers des lieux plus accessibles », avance-t-il.

En ce qui concerne le blanchiment d’argent dans les casinos, le président de CEU affirme ne pas savoir si cela se produit. Cependant, il précise que les usagers ne peuvent pas jouer plus de Rs 500 000. Mais il admet que beaucoup d’argent est en circulation dans des maisons de jeux.