L’enfer quotidien des habitants

Nuisance causée par la fonderie de Tradeway International à La Tour Koenig

Le quotidien de quelques centaines d’habitants est chamboulé depuis que cette usine a commencé ses opérations de fonte de vieille ferraille à La Tour Koenig il y a deux ans.  Avant cela, cette usine ne faisait qu’en acheter et revendre. Mais avec le monopole créé par le gouvernement et la compagnie Samlo Coyenco de Midlands, l’entreprise a dû se lancer dans le recyclage pour survivre ; mais cela aux dépens de la santé et le bien-être des habitants de cette région.

Marwan Dawood

17 h 15. Sur quelques bancs installés dans la cour de l’église Ste Marie-Madeleine, quelques habitants des Morcellements Ray et Petit-Verger attendent. Parmi, on retrouve Lysianne Bräu, Gila Peeroo, Jean-Maurice Prospère et Nicolas Juhel.  Ces quatre personnes habitent non loin de Tradeway International Ltd à la Tour Koenig. Seulement quelques petits mètres séparent leurs maisons de cet enfer. Nos quatre interlocuteurs ne peuvent plus vivre dans une situation dangereuse et nuisible à leur vie et à celle de leurs enfants. Le problème n’est pas souvent visible à l’œil nu mais il est là pour autant. Les habitants disent être incommodés par une forte odeur de soufre en permanence, et encore plus la nuit lorsque la fonderie commence ses opérations.

« C’est une grosse erreur, dès le départ même, des autorités d’installer une zone industrielle à proximité des maisons », explique Gilla. « Seule une rue nous sépare de cette zone et nous étions là avant », poursuit Lysiane.  « Nous sommes perturbés depuis longtemps. Cette odeur est parfois très forte et nous n’arrivons pas à dormir même si nos fenêtres sont fermées », affirme Lysiane. Les habitants sont aidés dans leur mouvement de contestation par George Brelu-Brelu de la Plateforme citoyenne, celle-là même qui avait milité contre le projet CT Power dans le passé.

« Ils brulent de la ferraille et des objets en aluminium mais également d’autres matières comme du caoutchouc et du plastique », s’insurge Nicolas Juel. Même son de cloche pour Jean Maurice, « Il y avait un temps où les habitants pouvaient s’adonner à un jogging matinal, salutaire pour la santé, mais aujourd’hui c’est impossible. Il y a tous les jours une épaisse fumée qui circule, c’est puant et suffocant. Cela affecte les habitants de tout âge ». Gilla Peeroo exprime son ras-le-bol et insiste : « Il faut qu’une solution soit trouvée. On ne peut continuer à vivre ainsi au péril de notre vie. On n’a nulle part où aller ». Pour sa part, Lysiane est d’avis que la meilleure solution est que la fonderie aille s’installer dans une zone purement industrielle.

Les habitants multiplient les démarches, sans succès

Depuis quelques mois, ce groupe d’habitants  multiplie les démarches auprès des autorités pour trouver une solution. Des lettres ont été envoyées aux ministères de la Santé et de l’Environnement mais elles demeurent pour l’instant sans réponses. « On a envoyé des lettres et une déposition a été faite au poste de police de Petite-Rivière et lorsqu’Alain Wong était ministre de l’Environnement, il avait effectué une visite surprise. Des tests avaient trouvé des traces de mercure dans l’air que nous respirons. Si cela continue, on va tous crever », martèlent les habitants.

Tradeway International essaie de rassurer les habitants

Le responsable mauricien de Tradeway International, Rakesh Pursem a rencontré une première fois les habitants en juin dernier après une première levée de boucliers. Il avait à l’époque expliqué que son entreprise opère depuis cinq ans et qu’elle n’avait pas besoin d’un certificat Environmental Impact Assessment (EIA) en raison de sa petite taille mais qu’elle détient un Pre-Environmental Report (PER). En juin, il s’était engagé auprès des habitants qu’il allait prendre des mesures correctives pour remédier à la situation. « Il n’a que fait barricader la cour de la fonderie », disent Gilla et Lysiane.

Il commence alors à faire nuit à Pointe-aux-Sables lorsque nous nous dirigeons vers cette controversée fonderie. Coup de chance, la voiture du responsable mauricien est aperçue sur place.  On rencontre alors nous-même Rakesh Pursem, qui nous explique calmement les faits. « J’ai une licence PER. J’ai rencontré les habitants une fois et j’ai demandé du temps pour trouver une solution. J’ai reçu la visite des officiers du ministère de la Santé et de l’Environnement récemment. Ils font leur suivi, vous pouvez le leur demander. Je vais faire dans les normes, d’après leurs directives. Il y a un problème, nous allons trouver une solution », rassure Rakesh Pursem.

Du côté des deux ministères concernés, des sources confirment être en présence du dossier, sans pour autant en dire plus.

Une deuxième fonderie ?

Rien de rassurant pour les habitants de cette localité. Il se pourrait qu’une deuxième fonderie s’installe non loin de Tradeway International« Si je bouge ma fonderie, une autre viendra. Déjà nous aurons des compétiteurs », avait dit Pursem aux habitants.

L’entreprise respecte-t-elle vraiment ses engagements sous sa licence ?

La section 3.0 de la Pre-Environmental Report intitulé, « Guidelines on the Contents of a PER » est pertinent. À la sous-section 3.7, on peut lire, « Assessment and Mitigation of Direct and Indirect Environmental Impacts. This section should describe all the direct and indirect environmental impacts during the construction, operation and decommissioning (if any) phases of the project. For each impact, the PER should state the steps to be taken to avoid/reduce and or eliminate the impacts, and the likely effectiveness and adequacy of the mitigation measures proposed. The impacts and mitigating measures should be included in terms of solid waste, wastewater, noise, odour, air emissions, traffic, etc.  Some examples are as follows: • Impacts on the physical environment associated with the implementation of the proposed development such as site preparation, construction impacts such as noise, dust nuisances, traffic implication and mitigating measures against these impacts. »

Plus loin dans ces “Guidelines”,  on peut noter « source of odour and precautionary measures;  Source, type, concentrations of air pollutants emitted and mitigating measures to be taken to reduce the concentration ».

Mais à voir les photos et lorsqu’on respire sur place, une question que se posent les habitants :   Tradeway International respecte-t-elle vraiment ses engagements ?

Tradeway International, recycleur de vieille ferraille ou de batteries ?

Sur le site du ministère des Collectivités locales, il y une liste de fonderies enregistrées. Tradeway International s’y trouve mais une chose nous interpelle. Dans la catégorie des fonderies de vieille ferraille, il y a trois entreprises, dont Samlo Coyenko, Runghen G. & Co et Steel Scrap. Tradeway International, elle se trouve dans la catégorie de « List of recyclers : Batteries ».

Des dangers graves pour la santé !

L’exposition permanente des habitants à des métaux ou composés métalliques sous forme de fumées, de particules ou de poussière, est responsable de pathologies respiratoires aigües ou chroniques. Pour certains métaux lourds tels que le cadmium, le mercure ou le plomb, il y a même un risque de certaines maladies neurologiques et cardiovasculaires. Par ailleurs, la relation entre le cancer du poumon et l’exposition à divers composés métalliques (béryllium, chrome, cadmium, nickel…) a été établi depuis longtemps.