L’empire soleil frappé par la peur et le mal

EDITO

Par Zahirah RADHA

Quelle crédibilité accordée à un caïd de la drogue condamné à 34 ans d’emprisonnement? Doit-on prendre ses allégations pour argent comptant ou avec un grain de sel? Peroumal Veeren a-t-il dit toute la vérité ou était-ce un règlement de comptes visant en même temps à détourner l’attention de ses véritables complices? Ce sont des questions qui se bousculent dans la tête de tout le monde depuis que le parrain de la drogue a vidé son sac devant la commission Lam Shang Leen. À peine est-t-il revenu sur la terre ferme après son escapade en tyrolienne à Rodrigues que Pravind Jugnauth a été heurté à ces accusations ô combien dures à porter. Pour une fois, le Premier ministre a agi avec promptitude. Convoquant la MBC et Top FM (ses chaînes préférées d’informations sans doute puisqu’il n’a pas jugé bon d’appeler les autres médias), il a réfuté les allégations faites à son encontre tout en réitérant sa détermination à en finir avec le trafic de drogue.

Mais la perception étant ce qu’elle est, il sera extrêmement difficile à Pravind Jugnauth, voire quasiment impossible, de faire taire les mauvaises langues. D’autant que Peroumal Veeren a allégué qu’il est de mèche avec le “zenfan lakaz” Geanchand Dewdanee, arrêté dans le sillage de l’enquête sur les grosses saisies de drogues dans le port. La photo de cet agent du MSM enlaçant un Pravind Jugnauth souriant lors d’une fonction trahira pendant longtemps la proximité de ce présumé trafiquant avec le Premier ministre. Et que dire de cette virée nocturne à Saint Pierre où un candidat battu du MSM, en l’occurrence Raouf Gulbul, aurait récupéré un colis, soupçonné de contenir Rs 3 millions, chez un proche de Peroumal Veeren? Les allégations contre l’actuel président de la Gambling Regulatory Authority (GRA) et de la Law Reform Commission sont encore plus choquantes que les visites non sollicitées effectuées à la prison par la PPS Roubina Jadoo-Jaunboccus ou encore les échanges téléphoniques du Deputy Speaker Sanjeev Teeluckdharry avec des trafiquants incarcérés.

Nul besoin d’être devin pour voir que toutes ces allégations pointent vers le Sun Trust, un bâtiment que Harish Boodhoo a toujours allégué avoir été financé avec … l’argent de la drogue !  Doit-on ainsi croire que toute cette affaire n’est qu’une histoire montée de toutes pièces pour nuire au MSM et déstabiliser le gouvernement? Pas nécessairement. Même si on peine à croire que Pravind Jugnauth finance l’importation de drogues, ce dernier a quand même fauté en tolérant qu’un agent de la trempe de Geanchand Dewdanee fréquente assidûment le bureau du Premier ministre. En tant que chef du gouvernement, Pravind Jugnauth aurait dû avoir des informations sur les agissements de cet homme qui disposait pourtant d’un casier judiciaire. Sinon, à quoi ça sert d’avoir des services de renseignements ? À moins que le Premier ministre avait de solides raisons pour permettre les allées et venues de Dewdanee à l’hôtel du gouvernement. Ce qui expliquerait aussi pourquoi il n’a pas pris de sanctions contre les Gulbul, Jadoo-Jaunboccus et Teeluckdharry.

Les accusations de Peroumal resteront collées à la peau de Pravind Jugnauth pendant longtemps. Un peu à la manière dont les allégations dans l’affaire Roches-Noires ont entaché la réputation de Navin Ramgoolam. Il incombe maintenant à la commission d’enquête à rétablir les faits. Quoi qu’on puisse dire ou penser, aux yeux de la justice, tout le monde doit être égal, fut-il un condamné ou un Premier ministre. En tant qu’ancien juge, le commissaire Paul Lam Shang Leen doit certainement le savoir. On n’a donc pas l’ombre d’un doute qu’il saura approfondir son enquête de sorte à y faire la lumière.