Le gouvernement en alerte, l’opposition craintive

POTA au Parlement

Les débats sur le Prevention of Terrorism (Amendment) Bill 2016 ont débuté mardi.  14 des 15 intervenants se sont déjà prononcés sur le sujet.  Il ne reste que Reza Uteem qui prendra la parole avant le summing up du Premier ministre mardi. Pour rappel, c’est sir Anerood Jugnauth qui avait lancé les débats au Parlement. 

Marwan Dawood

 

Sir Anerood Jugnauth : «Je m’engage à protéger toute la population ».

À l’ouverture des débats, le Premier ministre a rappelé l’importance de cette loi dans la lutte contre le terrorisme, et aussi revenu sur l’avènement de cette loi en 2002. « Nous avons été témoins ces dernières années des attaques terroristes perpétrées à travers le monde depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Les chiffres ne mentent pas. Dans le rapport du  World Economic Forum, il est fait mention de quelque 31 000 personnes qui ont traversé le monde pour rejoindre l’État Islamique en Syrie et ces personnes viennent principalement des pays du nord de l’Afrique, du sud de l’Asie et du Moyen-Orient. » Sir Anerood Jugnauth considère que personne n’est à l’abri de l’émergence d’une nouvelle forme de terrorisme. « Nous avons été jusqu’ici épargnés par les attaques, mais il nous faut nous protéger. Ce qui explique que nous renforçons la loi pour mieux être préparés. »

Dans son discours, sir Anerood Jugnauth a aussi fait mention de la mise sur pied d’une cellule antiterroriste sous l’égide du bureau du Premier ministre et aussi d’un Counter Terrorism Committee qui sera constituée, notamment du Commissaire de Police, du Secretary for Home Affairs et du directeur de la cellule antiterroriste, entres autres.  Le Premier ministre estime aussi que la sécurité nationale et les droits humains sont tous  deux très importants, c’est pour cela, dit-il, que « cette loi a été minutieusement rédigée pour être au diapason avec notre Constitution. Nous avions dit dans notre programme électoral que nous comptons redynamiser le combat contre le terrorisme. »

 

Paul Bérenger, leader de l’opposition : « La performance de la police joue contre l’idée d’amender la POTA » 

Prenant la parole après le Premier ministre, le leader de l’opposition est revenu sur les exigences de la communauté internationale en 2002, qui avait fait que Maurice vote la POTA et s’engage dans la lutte contre le terrorisme.  « 15 ans après les attentats de New York, nous pouvons dire que les choses ont évolué. Les menaces ont changé et il est plus difficile de lutter contre le terrorisme. On se rappelle qu’en 2001, les Nations Unies avaient rendu obligatoire la loi sur la lutte contre le terrorisme. » Faisant référence aux requêtes internationales à l’époque, Paul Bérenger veut que le Premier ministre réponde cette fois-ci à quelques questions : «Je souhaite que le Premier ministre vienne nous dire qui lui a conseillé et sur l’avis de qui sommes-nous en train d’amender la POTA 15 ans après ? » Le leader de l’opposition est aussi intervenu sur le rôle de la police. Pour Paul Bérenger, la performance de la police ces derniers temps joue contre l’idée d’amender la POTA. « La maladresse de la Police ne plaide pas en faveur qu’on amende cette loi. Je suis très mal à l’aise avec.  De plus je ne crois pas que cette loi nécessite des amendements. Elle est déjà suffisamment équipée pour nous aider à lutter contre le terrorisme. » Paul Bérenger estime aussi que cette loi donne l’impression de prendre pour cible «une communauté en particulier. » Dans cette optique, Paul Bérenger insiste que les amendements n’ont pas leur raison d’être et que le MMM trouve «malsains » ces amendements pour le pays.

 

Roshi Bhadain :- « Les investisseurs étrangers seront mieux rassurés ! » 

Le ministre de la Bonne gouvernance et des Services financiers estime que les amendements apportés à la POTA sont d’une importance cruciale et doivent être renforcés de temps à autre. «Depuis 2002, il n’y a pas eu de progrès dans cette loi qui nous aiderait à contrer une attaque terroriste. Le temps est venu de renforcer la POTA. Il nous faut aligner nos lois sur les lois internationales. Et ainsi les investisseurs étrangers seront mieux rassurés. »  Roshi Bhadain s’est attardé sur des chiffres et a fait mention des 30 000 personnes de 80 pays différents dont l’île Maurice, qui ont rejoint l’ISIS ces dernières années. «L’Islam est une religion qui prône la paix et l’harmonie. Il ne faut pas oublier le cas de Yogen Soondrum en décembre 2015 qui avait choqué le pays tout entier. Je supplie alors au leader de l’opposition de ne pas prendre de décision hâtive en ce qui concerne les amendements. Il faut désormais nous concentrer sur le financement des activités terroristes.»

 

Osman Mahomed : « Ces amendements auraient pu être utilisés contre les marchands ambulants » 

Son intervention a été l’une des plus explosives. En effet le député rouge s’est attiré les foudres des membres de la majorité gouvernementale tout au long de son discours. Osman Mahomed a en vain essayé de relier le projet de loi aux incidents de Plaine-Verte entre le ministre Husnoo et les marchands ambulants. Le député Mahomed dit craindre que cette loi puisse être utilisée de façon abusive avec les pouvoirs accrus de la police, surtout que celle-ci est plus que jamais accusée d’abus de pouvoir.

 

Pravind Jugnauth : « Nous avons un devoir sacré de protéger notre pays » 

Le ministre des Finances a, lui aussi, discouru sur les amendements à la POTA qu’il considère d’«extrêmement importants ».  Pravind Jugnauth trouve que nous ne pouvons rester «indifférents » aux attaques terroristes dans le monde. «Il ne faut pas sous-estimer la montée du terrorisme. Il nous faut amender la loi pour protéger notre société multiraciale. Ces amendements sont ce dont nous avons besoin dans un pays pour barrer la route à la terreur.  Ces amendements sont dans les normes et nous aideront à gérer une crise s’il y en a.  Mais j’espère que nous n’allons jamais devoir nous en servir.  Pour le moment, nous pouvons dire que Maurice a été épargné, mais nous devons nous concentrer pour garder le plus loin possible les groupes terroristes de nos terres.  On se rappelle qu’il n’y a pas longtemps, un colis avait été laissé dans les toilettes d’un avion d’Air France par un plaisantin, mais cela aurait pu avoir des conséquences très graves.  C’est pour cela que nous avons un devoir sacré de protéger notre pays. » Cependant, l’intervention de Pravind Jugnauth a été maintes fois interrompue par son portable qui vibrait sans cesse !

 

Sangeet Fowdar : «Je voterais pour… » 

Le député du Mouvement Liberater, Sangeet Fowdar, succédait à Pravind Jugnauth  à l’heure des débats.  «J’étais très indécis à un moment donné, je ne savais pas si je devais voter pour ou contre, mais je me suis décidé.  Nous vivons dans un monde où les menaces terroristes se font entendre tous les jours.  Je suis conscient qu’il faut respecter les libertés civiles mais il faut aussi s’assurer de la sécurité du pays. Il ne devrait pas y avoir de débats à ce sujet. Il est clair que nos lois doivent être renforcées. C’est pour cela que j’ai décidé de voter pour et je voterais pour toutes les lois qui visent à renforcer la sécurité du pays. »

 

Shakeel Mohamed : « Il est dangereux de jouer avec la liberté civile » 

fb119b65f05fcf1389e88ce470b51979

L’intervention du député Shakeel Mohamed a été très explosive. En effet, la Speaker a dû intervenir plusieurs fois pour ramener l’ordre au sein de l’hémicycle vu les multiples accrochages entre l’intervenant et Ivan Collendavelloo modérés par Showkutally Soodhun.  «Depuis son introduction en 2002, la police a utilisé la POTA en quatre occasions et non pas une comme l’a dit le leader de l’opposition et la police a un taux d’échec de 100 % car à chaque fois qu’ils ont eu recours à la POTA, ils n’ont pas pu prouver les faits. »  Shakeel Mohamed critique par la même occasion les failles de la police mauricienne et s’interroge sur leur «capacité » à comprendre ce que c’est qu’un «reasonable suspicion ».  Le député rouge a aussi rembarré le ministre Roshi Bhadain qui avait fait allusion dans son discours à des «Daesh flags ».  Shakeel Mohamed lui a alors demandé de ne pas faire d’amalgame car les drapeaux que nous trouvons sur les toits des maisons « n’appartiennent pas au Daesh. Les musulmans utilisent des drapeaux noirs avec des écrits arabes en blanc sur lesquels on peut lire,  « La Illaha Illahu Muhammadul Rasullullah, qui signifie qu’il n’y a qu’un seul Dieu et le prophète  Mohammed est le dernier messager. »  Le porte-drapeau du Parti travailliste au Parlement s’en est aussi pris au Commissaire de Police dans l’affaire d’installation de caméras CCTV sur le campus de Réduit. «On s’attaque aux  libertés civiles et c’est très dangereux ! J’insiste qu’il n’y a pas lieu d’amender la POTA. »