La malbouffe : La plupart des Mauriciens vulnérables

  • La cause principale des maladies cardiovasculaires et du diabète à Maurice

De la bonne nourriture rapide à chaque coin de rue, on en voit tous les jours, matin et soir. Des plats chauds, des plats froids, de différentes variétés, il n’en manque pas. Il y a eu une évolution du côté de la restauration rapide, qui est maintenant solidement ancrée dans les mœurs mauriciennes. Malgré la concurrence, c’est une activité toujours rentable. Or, ces préparations alimentaires à la sauvette sont la base même du phénomène de la malbouffe. D’après de chiffres de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus de 1,9 milliard de personnes dans le monde sont touchées par l’obésité causée par la malbouffe. À Maurice, plus de 300 000 consommateurs souffrent du surpoids ou de l’obésité, soit une hausse de 3,1 % de 2009 à 2015. Il est temps de se ressaisir et de prendre en considération les impacts sur la santé.

La malbouffe désigne manger n’importe quoi et n’importe quand. La malbouffe apporte essentiellement une faible valeur nutritive tandis que les risques de santé s’accroissent.

C’est la consommation ou surconsommation de mets qui ont tendance à employer dans leur composition toujours plus d’additifs tels que les épaississants, les raffermissants, les agents de rétention d’eau, les arômes, les colorants, les émulsifiants, les acidifiants et les édulcorants. En même temps, moins de produits de base sont utilisés.

Bien que ces repas soient attirants pour les yeux et les goûts, ils auront certainement des répercussions nutritives néfastes pour l’organisme. Contrairement à ce l’on peut penser, la malnutrition ne concerne pas uniquement une déficience en termes de quantité de nourriture avalée. Ainsi, la surconsommation de la malbouffe peut entraîner une importante malnutrition.

Les Mauriciens accros à la malbouffe

À Maurice, nombreux sont ceux qui optent pour desprêts-à-manger plutôt que l’originalité des repas préparés chez soi. Les petits snacks, les resto-rapides, les gâteaux frits, nous les aimons tous. En effet, ils offrent un joli coup d’œil et ils sont savoureux, mais n’empêche que chaque bonne chose a un aspect caché.

La cuisine traditionnelle devient de plus en plus rare. Elle est presque dépassée par le prêt-à-manger. On peut retrouver plusieurs stands de vente de nourriture rapide dans la même rue. Des centres-villes jusqu’aux ruelles des quartiers, sans oublier les zones rurales, la nourriture rapide est omniprésente.

« La malbouffe est aujourd’hui ancrée dans notre quotidien », selon Catherine Boudet, socio-politologue. Nous ne pouvons pas s’en passer dès que l’occasion se présente. Concernant l’obésité, elle affirme que cela prend de graves proportions à Maurice. « De nos jours, on peut voir que les silhouette des gens ont changé et qu’ils s’adonnent aux fast-foods. Ce n’est que le ‘tip of the iceberg’.» 

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Les rotis et les dholl puris, une habitude tenace !

À Maurice, les traditionnels roti et dholl puri sont inévitables. On a fait la rencontre de plusieurs marchands de ces aliments. Ils nous font part qu’ils préparent environ 200 à 300 de ces denrées par jour. Les Mauriciens en raffolent, trop sans doute. La hausse récente des prix récent de certains produits tels que l’huile et les grains secs n’entraîneront qu’un changement moindre dans les habitudes alimentaires, selon les associations de consommateurs que nous avons interrogés.

En deuxième position à Maurice, le kebab est le plus consommé. C’est de la viande de volaille ou d’agneau préparée à l’aide d’une rôtissoire, mangée dans une baguette de pain. En bord de rue, sur les trottoirs, le kebab attire les foules. On a sillonné la ville de Port-Louis et on remarque que de 11 h à 13 h, la file d’attente est longue chez les vendeurs de kebabs. Une cliente nous partage ses impressions : « Ça donne envie d’y goîter et il faut dire que c’est vraiment bon ». Par ailleurs, elle ne voit aucun inconvénient à attendre son tour devant une dizaine de personnes.

D’autres habitudes tenaces des Mauriciens qu’il faudrait mentionner ici : nous raffolons des gâteaux frits, sucrés comme salés, et cela au détriment des fruits. Les pâtisseries et les boissons gazeuses sont aussi bien ancrées dans nos mœurs. Cela commence dès le plus jeune âgé, à l’école primaire, bien qu’il faudrait ici saluer l’initiative d’interdire les marchands de ‘gonaz’ dans la cour de l’école.

La société mauricienne pousse à la malbouffe

Le mode de vie des Mauriciens pousse à la malbouffe et ce depuis les années 1970, suite à l’industrialisation rapide de notre pays : beaucoup parmi nous n’ont pas le temps de cuisiner tandis que la nourriture facile offre une facilité certaine. Pour satisfaire cette demande de plus en plus croissante, nous constatons que de plus en plus de stands de fast-foods s’installent à Maurice tandis que les plats équilibrés sont consommés de moins en moins. Après les grandes franchises internationales telles que McDonald, KFC, Subway, et Steers, les petits commerçants locaux s’investissent davantage dans l’alimentation rapide. Ainsi, la vente des gâteaux frits, des rotis et des kebabs commence à prendre une ampleur importante.

Notons qu’il n’y a pas d’âge pour la malbouffe : petits comme grands s’y adonnent. Des plats rapides végétariens ont fait leur apparition il y a belle lurette, dans le but de faire croire que c’est plus sain. Certains mets sont préparés sur place, sous le regard des clients pour offrir l’illusion d’une certaine hygiène.

Le président de l’Association pour la Protection de l’Environnement et des Consommateurs (APEC), Suttyhudeo Tengur affirme que les Mauriciens sont accros à la nourriture rapide. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle les snacks et les chaînes de restauration rapide poussent comme des champignons un peu partout à travers l’île.

Tengur avance aussi que c’est un phénomène qui affecte principalement les gens issus de la classe moyenne. « D’après une enquête que notre organisation a effectuée, on note que la plupart des couples qui travaillent optent pour la nourriture rapide », poursuit le président de l’APEC. Toutefois, il ne faut pas pointer du doigt les Mauriciens pour la malbouffe, car c’est un phénomène mondial.

Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), abonde dans le même sens. Selon lui, les Mauriciens dépensent une grande partie de leurs salaires dans les fast-foods. Réagissant sur le nombre grandissant des commerces qui vendent de la nourriture rapide à Maurice, pour lui, c’est une question d’offre qui entraîne la demande et vice-versa.

Catherine Boudet, socio-politologue, nous explique qu’il y a tout un ‘build-up’ commercial pour que les gens se dirigent vers les revendeurs de fast-foods. « Il y a plusieurs publicités qui poussent de plus en plus de jeunes vers la nourriture préparée à la minute. Il faudra mieux éduquer les jeunes sur la bonne nutrition », conclut-elle.

Manque d’hygiène dans les snacks locaux

Suttyhudeo Tengur déplore toutefois le manque d’hygiène qui prévaut chez bon nombre de vendeurs de fast-foods. Entre les rats qui parcourent le sol des commerces, un service de drainage qui laisse à désirer, les déchets qui sont éparpillés un peu partout, la vaisselle mal lavée, la question sur la qualité des repas se pose.

Le président de l’APEC égratigne les officiers du ministère de la Sante et ceux du ministère de l’Environnement, de même que les préposés municipaux au service sanitaire, pour leur laxisme. « C’est écœurant de voir des gens consommer de la nourriture dans des endroits pareils. Que font les officiers du gouvernement ? Pourquoi ne sévissent-ils pas ? », s’interroge-t-il.

« À Maurice, il y a un laisser-aller de la part des autorités face aux commerçants qui ne respectent pas la loi », s’insurge Jayen Chellum. Il prend comme exemple l’utilisation des œufs et de l’huile dans des produits. « L’utilisation des œufs s’avère être très délicate dans certains produits, de même que l’utilisation répétitive de l’huile pour les fritures. Ce qui peut entraîner des risques d’allergies, voire l’empoisonnement. »    

Le secrétaire général de l’ACIM exhorte le consommateur à privilégier les repas faits maison ou vérifier si les commerçants respectent le cadre juridique concernant la vente de nourriture et la propreté (notamment les dispositions de la Food Act, promulguée il y a quelques années de cela, qui ne sont pas enforced with severity ou qui sont carrément ignorées par les vendeurs).

Catherine Boudet : « Mieux éduquer les jeunes sur la bonne nutrition » 

Catherine Boudet, socio-politologue, nous livre ses impressions sur la malbouffe. Pour elle, la malbouffe est un système alimentaire basé sur la grande consommation par un grand nombre de gens, et qui est imposé sur les gens pour faire du profit et non pas du bien à ces derniers.

Elle précise qu’il y a trois aspects en ce qui concerne la malbouffe en général. « Il y a les aspects psychologique, sociologique et politique. » Selon elle, les personnes ayant des troubles affectifs sont plus vulnérables pour devenir victimes de la malbouffe ou les maladies relatives, comme l’anorexie ou la boulimie.

Il y a tout un travail à faire pour conscientiser les gens sur ce problème. » Cette dernière questionne l’efficacité des matières concernant la nutrition au programme dans le cursus scolaire.

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Le  Dr. Wasseem Ballam, médecin, Président de la MHOA, nous donne son avis

Que pensez-vous du phénomène de la malbouffe à Maurice ?

C’est extrêmement dangereux pour la santé et provoque de nombreuses complications non transmissibles.  À Maurice, nous avons un réel problème au niveau de l’alimentation.

Quel genre de complications ?

Notons en premier lieu l’hypertension, les dysfonctionnements rénaux,  le diabète de type 2, un fort taux de cholestérol, de nombreux problèmes cardiovasculaires et les problèmes gastriques, entre autres.

Les aliments non sains sont cancérigènes, êtes-vous du même avis ?

La surconsommation de la nourriture graisseuse, sucrée ou épicée entraîne des cancers de l’estomac, de l’intestin, du côlon et bien d’autres encore.

Quels sont vos conseils en tant que médecin ?

Avec la modernisation et le manque de temps, les gens cherchent la facilité certes, mais il ne faut pas oublier que notre santé est primordiale. Il faudra consommer plus d’aliments sains.

Les ravages de la malbouffe

Les fast-foods sont en général :

  • Trop riches en graisses.
  • Trop riches en sucre et en sel.
  • Trop riches en produits chimiques.
  • Pauvres en fibres végétales.
  • Pauvres en vitamines.

Prenons par exemple un menu typique de fast-foods : rounder, frites, coca-cola et ketchup. Ce type d’alimentation ne contient que trois saveurs sur six : sucré, salé et acide. Parmi les produits chimiques, on trouve parfois de l’acrylamide dans les frites. Cette substance est reconnue comme cancéreuse. On retrouve aussi du suif de bœuf, du dextrose et du gluten dans ces frites.

Mais cette nourriture n’est pas bonne pour la santé, car elle est déséquilibrée et difficile à digérer. Les effets de cette nourriture à court terme : une léthargie, une lourdeur d’esprit ou le phénomène dit de l’avidité.

Les dangers potentiels des mets rapides à plus ou moins long terme pour la santé :

  • Le surpoids, les maladies cardiovasculaires, l’hypertension artérielle.
  • Certains cancers comme par exemple celui de la prostate, du pancréas, des ovaires, des seins, de l’utérus, des poumons et des intestins.
  • Le diabète.
  • L’obésité.
  • La dépression nerveuse.

Conseils d’une diététicienne

Lavanya Sunassy, nutritionniste et diététicienne, nous donne son point de vue sur la malbouffe. Selon elle, les facteurs qui influencent la consommation de fast-foods sont l’impact de la télévision et des publicités, le fait que bon nombre de personnes travaillent et n’ont pas le temps de cuisiner ainsi que le prix abordable de ces denrées.

En ce qui concerne des aliments les plus prisés des Mauriciens, la diététicienne pense que les Mauriciens ont un penchant pour les burgers, les pizzas et les plats chinois, comme le riz frit.

« Je conseille à la population de consommer beaucoup de fruits et de légumes, des fruits secs et des noix, de remplacer le riz et les pâtes par du quinoa et de réduire la consommation des charcuteries. Cela éviterait des problèmes de surpoids et d’obésité, de même que des maladies non-transmissibles telles que le diabète, l’hypertension et les maladies cardiovasculaires », avance Lavanya  Sunassy

La malbouffe et l’exercice physique

La société britannique Buddy Loans a publié une infographie apportant des informations concrètes sur le rapport calories/sport :

  • Pour une portion de frites, soit près de 300 kcals ingurgitées, les hommes ont besoin de 40 minutes de cardio et les femmes 48 minutes.
  • Pour trois portions de poulet frit, qui représentent environ 730 kcals, il faudra compter 63 minutes d’exercice pour les hommes et 75 pour les femmes.
  • Pour une barre de chocolat au lait de 45 grammes, soit 240 kcals, il faut 21 minutes de cardio pour les hommes et 25 minutes pour les femmes.

 

Le saviez-vous ?

  • La consommation de la malbouffe est aussi incontrôlable qu’une drogue addictive, telle que l’héroïne et la cocaïne, selon une étude de l’Institut de recherche Scripps en 2008.
  • Les besoins diététiques de chaque personne sont différents, par rapport à l’âge et à l’activité. Les fast-foods offrent une homogénéité au mépris de cette différence.
  • La nourriture rapide est très appréciée car elle aide à calmer les problèmes émotionnels comme par exemple le stress mais cela seulement à court terme.