Koomadha Sawmynaden : « Très embarrassant et honteux puisque Yogida est quand même mon frère ! »

Il a vidé son sac et a tout révélé, durant l’enquête judiciaire, concernant des maldonnes dont ferait partie son frère, le ministre Yogida Sawmynaden. Koomadha Sawmynaden se dit très embarrassé par toute cette affaire, mais il ne compte pas reculer pour autant…

 

Propos recueillis par Zahirah RADHA

 

Q : Quand et dans quelle circonstance aviez-vous fait la connaissance de Soopramanien Kistnen ?

J’ai fait sa connaissance en 2005 à travers la politique.

Q : Quel genre de relation entreteniez-vous avec lui ?

Nous étions amis.

Q : Depuis quand était-il un activiste du MSM ?

Depuis l’élection partielle au no. 8 (ndlr : en 2009) quand Pravind Jugnauth y avait posé sa candidature pour la première fois.

Q : Est-ce au même moment qu’il s’était rapproché de votre frère Yogida Sawmynaden ?

Ils se connaissaient bien avant puisque qu’ils faisaient tous les deux partie du MMM, Yogida comme membre et Kistnen comme activiste.

Q : Quand et comment la relation entre les deux hommes s’était-elle envenimée ?

Leurs relations avaient commencé à se détériorer à partir du début de juillet. À cette époque, il ne m’en avait pas fait état. Ce n’est que vers le 29 septembre qu’il m’avait confié que Yogida lui avait demandé d’envoyer une cotation suivant un appel d’offres de la STC pour le nettoyage des bureaux. Il lui avait dit de le coter à Rs 39 le m2 alors qu’Appanah (ndlr : Rudy Appanah, beau-frère du directeur de la STC) allait, lui, le coter à Rs 33 le m2. Une fois que ce dernier obtiendrait le contrat, la moitié du travail aurait été confié à Kistnen à un prix de Rs 20 le m2.

Mais à sa grande surprise, il devait par la suite apprendre à travers la presse que Jonathan Ramsamy, le directeur de la STC, a payé Rs 330 millions à son beau-frère Rudy Appanah suivant l’octroi de ce contrat alors qu’il n’a, lui, jamais rien eu contrairement à ce qu’il lui avait été promis.

Q :  Était-ce la seule fois qu’il était déçu ?

Il m’avait aussi confié cette affaire d’emploi fictif au poste de « constituency clerk » de son épouse. Il avait aussi fait état d’une grosse magouille concernant le contrat de Pomponette bien qu’il ne m’eût pas révélé les détails.

Q : Était-ce la raison pour laquelle il cherchait à rencontrer le Premier ministre ?

Il était très déçu après l’affaire STC. Il avait donc rencontré Yogida à son bureau pour lui en faire part, d’autant qu’il comptait beaucoup sur ce revenu pour qu’il puisse honorer ses dettes. Mais ce dernier lui a dit qu’il ne devrait pas le rencontrer ‘parski ena trop bocou dimoune ki pe veiller lor sa travail la’. Bien que Yogida lui avait promis son aide, il s’est mis à ignorer ses appels. Malade, Kistnen a dû alors être hospitalisé. C’est après qu’il ait eu sa décharge, vers la fin de juillet, qu’il s’est mis en tête de dénoncer ces maldonnes. Il en a alors évoqué avec certaines personnes, y compris moi-même. Il m’avait confié que le bodyguard de Yogida l’avait menacé pour qu’il ne dise rien à son sujet et que ‘li pou gagne problème’.

Q : Cela l’avait-il rendu craintif ?

Non, il n’avait donné aucun signe qu’il était craintif. Il était au contraire très content parce que Yogida s’était rendu à son chevet lors d’une autre hospitalisation, peu après, suivant une opération chirurgicale. Il m’avait même dit de ne pas me tracasser et me remboursera l’argent qu’il me devait parce que Yogida ‘ine promet ki li pou occupe li’.

Q : Est-ce ce qu’il a cru jusqu’au moment où il s’était rendu à ce rendez-vous fatidique ?

Oui, il en était convaincu au moment où il s’y rendait.

Q : Il n’avait donc montré aucun signe de détresse ?

Non. Une semaine auparavant, il s’était même rendu à la Cargo Handling Corporation où il m’a confié avoir rencontré Sanjeeven Permall. Il devait faire une application pour obtenir une cantine qui y était libre. D’ailleurs, deux jours avant sa disparition, il avait rencontré Yogida et celui-ci lui avait dit qu’Appanah et Bonomally le contacteraient le lendemain pour lui expliquer comment ils allaient graduellement rembourser ses dettes. Il était soulagé quand il m’en avait parlé dans la soirée de ce mercredi.

Q : Que s’est-il passé par la suite ?

Le jour de sa disparition, ‘li ti pe attane pou ki zot vine remettre li l’argent la mais ti fini midi et zot ti dire ki zot pou donne li avant midi’. Je l’ai conseillé de voir un homme de loi pour l’assister à déposer à l’ICAC. Il m’a répondu par un SMS disant que « mo pena choix. Mo bizin soucer ». Mais il était quand même confiant qu’il allait récupérer son argent. Ce qui m’avait également mis en confiance. D’ailleurs, à 1h26 pm, il m’a envoyé un SMS pour me dire que ‘line call la, li pe vini la’. Mais par la suite, je n’ai reçu aucune communication de lui en dépit de mes messages et appels.

Q : Quand vous dîtes « li pe vini la », c’est qui ?

Jeudi, il avait rencontré un dénommé M. Ravi qui avait été envoyé par M. Appanah dans un 4×4 blanc. Ce M. Ravi lui avait fait comprendre qu’il allait lui remettre chaque semaine ou chaque quinzaine, une somme variant entre Rs 50 000 et Rs 200 000 et qu’il devrait en retour signer des reçus pour des travaux fictifs effectués par sa compagnie Rainbow Constructions ou sa compagnie de nettoyage. Il m’avait aussi avoué qu’il n’aurait pas de copies de ces reçus.

Q : Quelle a été votre première réaction quand vous avez appris la nouvelle du décès de Kistnen ?

J’étais bien triste. Quand j’ai appris à travers un ami qu’il s’est suicidé et que son corps en partie calciné avait été retrouvé dans un champ de canne, j’ai été étonné car Kistnen n’a jamais été suicidaire. ‘Mone dire li be si line suicidé et si so le corps en partie calciné, be champ de canne la pane prend difé’.

Q : Vous avez donc eu des doutes sur les circonstances de sa mort ?

Pas vraiment, mais j’étais très surpris. En dépit de tous ses soucis et ses dettes, ‘li pa ti pe casse latet’.

Q : Pensez-vous qu’il a été victime d’un ‘foul play’ ?

Quand le sergent Rostom m’avait convoqué à la CID pour avoir des informations à propos de ce drame, je lui ai dit tout de ce je savais. Mais il n’a même pas pris une enquête. Il m’a demandé pourquoi je ne m’étais pas rendu à l’enterrement de Kistnen et si je conduis une voiture rouge. Il m’avait posé cette question une semaine après l’incinération de Kistnen. D’ailleurs, je lui avais dit ‘pou moi ou koné c’est pas ene cas suicide sa sergent et non plus ene mort naturelle’. Je ne suis pas un expert dans le domaine mais il y a trop de circonstances pour que ce soit un cas de suicide.

Q : Pensez-vous que ceux qui avaient promis de lui remettre de l’argent sont liés d’une façon ou d’une autre à sa mort ?

J’ai bien sûr mon opinion personnelle sur le sujet, mais je préfère ne pas me prononcer dessus puisqu’il y a une enquête judiciaire en cours.

Q : Une question personnelle, cela ne vous embarrasse-t-il pas de révéler des informations qui sont liées à votre frère Yogida ?

Tout le monde sait que Yogida et moi ne sommes pas en bons termes et que nous ne nous parlons pas. Mais il est quand même mon frère. C’était évidemment très embarrassant pour moi quand Kistnen m’avait fait part de toutes ces maldonnes dont il était lui-même partie prenante. C’est vraiment honteux ! Je suis triste, déçu et c’est très gênant, surtout quand j’entends tous ces palabres.

Q : Vous les avez quand même alimentés ces palabres…

Même si Yogida et moi étions en bons termes, ‘si ti ena kitsoz, surtout si ti ena mort d’homme, jamais mo ti pou reste trankil, garde le silence ou casiette kitsoz’.

Q : Vous reste-t-il d’autres révélations à faire ?

Non, j’ai tout dit à la MCIT et durant l’enquête judiciaire. Mais je reste à la disposition des autorités.