Prêt d’un million de roupies à Soodhun
L’homme d’affaires indien Kedar Chapekar se dit disposé à collaborer avec les enquêteurs de l’ICAC concernant le prêt d’un million de roupies qu’il aurait accordé au vice-Premier ministre Showkutally Soodhun. C’est ce qu’il a soutenu dans un ‘written statement’ qu’il a fait parvenir à la commission anti-corruption lundi dernier. Le CEO de Garware Infra Projects Ltd souhaite néanmoins que l’enquête se fasse soit au Haut-Commissariat de Maurice à New Delhi soit dans un ‘neutral country’, cela après la démission de Showkutally Soodhun comme vice-Premier ministre …
Zahirah RADHA
Rebondissement dans l’affaire de prêt d’un million de roupies à Showkutally Soodhun par Kedar Chapekar. Deux mois après que la commission anti-corruption ait ouvert une enquête sur les allégations formulées par l’homme d’affaires indien et publiées dans l’édition du 4 juin 2017 de Sunday Times, les hommes de Navin Beekarry ont finalement fait parvenir un courriel, en date du 18 août 2017, à Kedar Chapekar pour lui demander de confirmer la véracité de l’article paru dans notre hebdomadaire, tout en cherchant sa version des faits, jugée cruciale pour la suite de l’enquête. L’auteure de ces lignes avait d’ailleurs été la première à être interrogée à titre de témoin dans cette affaire.
Dans la déclaration écrite qu’il a envoyée au directeur des enquêtes le 21 août dernier, Kedar Chapekar a réaffirmé tout ce qu’il nous avait dit dans notre livraison du 4 juin. Croyant d’abord que le VPM avait des problèmes financiers et que celui-ci allait lui rembourser en l’espace de trois mois, il lui avait remis Rs 500 000 en deux occasions. Cependant, lors d’une rencontre avec Showkutally Soodhun à Dubaï, ce dernier devait « hinted that I needed to be financially more active if I wanted to bag the project for the construction of social houses in Mauritius. This is when I realized that the amount which I had paid to the Minister as a ‘loan’ was actually supposed to be a bribe and in fact he was expecting more ». Poussant le bouchon plus loi, le CEO de Garware Infra Projects Ltd a expliqué n’avoir pas fait mention de ce ‘loan’ dans une correspondance qu’il avait envoyée à l’ancien Premier ministre étant donné que « it was not intended to be a bribe ».
Kedar Chapekar a affirmé n’avoir rien à cacher aux autorités mauriciennes et que les messages et appels téléphoniques qu’il a échangés avec Showkutally Soodhun et Siddick Khodabux peuvent être retracés et vérifiés par les autorités compétentes. Bien que l’homme d’affaires indien ait assuré l’ICAC de sa collaboration, il s’est montré réticent à l’idée que l’enquête se fasse à Maurice. « I do not believe that a fair and unbiased investigation can take place as long as Showkat is occupying a position of power », devait-il laissé entendre aux limiers de la commission anti-corruption. Si Showkutally Soodhun veut rétablir sa réputation, il devra d’abord démissionner de son poste ministériel et d’accepter ensuite qu’une enquête soit menée dans un pays neutre ou au Haut-Commissariat de Maurice à New Delhi. Ce n’est qu’alors que Kedar Chapekar compterait remettre les preuves qu’il dit détenir contre Soodhun aux enquêteurs.
Sans scrupules et moralité douteuse
Kedar Chapekar n’a pas mâché ses mots envers Showkutally Soodhun dans son ‘written statement’ à l’ICAC. Il y a qualifié le no 4 du gouvernement comme étant « unscrupulous » et « of dubious character ». « During the later stages of my interaction with him, I realized that he had absolutely no loyalty towards his country or its citizens. His only focus was to make money for himself and his every action had a malafide intention behind it », a renchéri l’homme d’affaires indien qui ne souhaite toutefois pas récupérer son argent. « If Showkat has any shame left, let him donate this amount to any charity of my choice in Mauritius and I will thereafter give him a clean chit », a-t-il poursuivi.
Siddick Khodabux, MSK, membre du MSM siégeant aussi sur le conseil d’administration de la ‘Local Government Service Commission’ (LGCS) et qui a agi comme intermédiaire entre Soodhun et Chapekar, y a aussi pris pour son grade. « He seemed to be just a small time politician trying to please his political master », dit Kedar Chapekar, en révélant que S. Khodabux avait également tenté de « cut a separate deal for himself ». Une demande que Chapekar n’aurait pas acceptée.
Un “loan” aux allures de pot-de-vin
Cette affaire remonte à janvier 2015. Après que le gouvernement fraîchement élu ait projeté son intention de construire 10 000 logements sociaux, le CEO de Garware Infra Projects Ltd, une filiale de Garware Building Contracting LLC de Dubaï et dont la maison mère se trouve à Mumbai, décide d’approcher le VPM et ministre du Logement et des terres, Showkutally Soodhun, pour lui présenter un projet. Après avoir initialement montré un vif intérêt pour le projet du promoteur indien, le VPM devait par la suite ignorer les appels et courriels de Kedar Chapekar qui avait, à ce stade, déjà déboursé une grosse somme d’argent pour la présentation de son projet, en présence des cadres de la NHDC, mais aussi sur ses voyages fréquents à Maurice afin de faire aboutir ce projet. Un des amis mauriciens de l’homme d’affaires indien devait alors lui suggérer de rencontrer Siddick Khodabux. C’est d’ailleurs par l’entremise de celui-ci que la requête d’un ‘loan’ d’un million de roupies pour soulager les soucis financiers du VPM devait être faite. Et c’est en présence de ce membre du MSM et du board de la LGSC que la première tranche de Rs 500 000 avait été remise à Showkutally Soodhun dans son bureau à Ebène le 5 novembre 2015 et ce peu après qu’il ait atterri à l’aéroport SSR et dont nous reproduisons le billet d’avion pour ce trajet Mumbai-Dubaï-Maurice. Kedar Chapekar avait effectué un retrait bancaire d’INR 900 000 la veille, soit le 4 novembre 2015, comme en atteste le relevé de compte ci-contre, pour le besoin de ce prêt à Soodhun. Le paiement de la deuxième tranche de Rs 500 000 devait également se faire au bureau de Showkutally Soodhun à Ebène, toujours en présence de Siddick Khodabux. Mais l’affaire devait prendre une autre tournure lors d’une rencontre que Chapekar aurait eue avec Soodhun à Dubaï le 27 janvier 2016, l’homme d’affaires indien ayant finalement réalisé qu’il se faisait mener en bateau. Il adressera ainsi une lettre à l’ancien Premier ministre sir Anerood Jugnauth pour lui faire part de ses déboires, mais il n’y mentionne pas le prêt d’un million de roupies accordé à Soodhun. Sa correspondance est jusqu’ici restée sans réponse. De même que ses sms adressés à Soodhun pour lui réclamer le remboursement du loan d’un million de roupies…
