Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes : Le combat continue

Photo D'illustration violence

 

Ce 25 novembre a marqué la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Or, comme un pied-de-nez à cette journée, la mort atroce de la policière de l’ADSU, Dimple Raghoo, 38 ans, est survenue la veille même de cette Journée. Comme le fait remarquer la députée Stéphanie Anquetil, la violence à l’égard des femmes n’est pas seulement une question de violence domestique, mais peut revêtir plusieurs formes. Ce qu’il convient de constater, ce que malgré les efforts inlassables de la société civile et des gouvernements successifs, ce problème demeure préoccupant. Le point sur la situation.

La situation est toujours inquiétante à Maurice

La violence contre les femmes mauriciennes s’est enracinée depuis de nombreuses années chez nous.. Cela malgré les diverses lois et autres mesures répressives et le combat inlassable de ONG et de la société civile. Ainsi, chaque poste de police à travers l’île enregistre un minimum de cinq plaintes par jour par rapport à la violence domestique, au ‘Breach of Protection Order’, aux divers cas harcèlement ou aux viols.

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Un plan d’action lancé ce 25 novembre

Où en est-on sur les actions pour une meilleure protection de la femme mauricienne contre la violence ?

Une cérémonie avait eu lieu le mercredi 25 novembre au Trianon Convention Centre. La ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille, Kalpana Devi Konjoo Shah, avait lancé un plan d’action afin de combattre ce problème dans le pays. Les points saillants de ce plan d’action :

  • Lancement de l’application mobile connu comme ‘Espoir.’ Les victimes de violence domestique, en appuyant sur la touche ‘Panic Button’ pourront alerter les policiers et permettre leur prompte intervention.
  • Une thérapie visant à la réhabilitation des agresseurs sera mise en place.
  • Amélioration du cadre légal
  • Lancement d’une formation pour les gens vivant en situation difficile.

Petit historique de la ‘Journée orange’

La Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes a été observée pour la première fois en 1960, lorsqu’en République Dominicaine, les sœurs Mirabal furent assassinées parce qu’elles militaient pour leurs droits. Elles devinrent alors les symboles du combat pour éradiquer ce fléau.

Vu qu’elle arbore officiellement la couleur orange, cette journée est aussi connue comme la Journée orange (‘Orange Day’).

Ambal Jeanne, SOS Femmes

ambal jeanne« Il faut que les campagnes se fassent continuellement »

Quel est votre constat de la situation ?

Depuis le début de cette année-ci, jusqu’à octobre, SOS Femmes a hébergé 349 femmes et 452 enfants. Des chiffres impressionnants, mais qui, hélas, ne représente pas toute l’ampleur de la violence domestique.

Comment mettre un frein à la violence contre les femmes ?

Peu importe de quelle genre de violence s’agit-il, beaucoup de femmes gardent le silence et souffrent dans leur chair. Pour qu’elles viennent de l’avant pour dénoncer leur calvaire, il faut que les campagnes se fassent non seulement durant les journées spécifiques, mais continuellement. Tout le monde, y compris les médias, doit être partie prenante. Par exemple, les journaux pourraient insérer des annonces avec des messages et des numéros de téléphone, ce qui pourrait aider les victimes. Cela ne va pas prendre trop de place dans les journaux, donc les rédacteurs-en-chef ont un grand travail à faire. Il faut avoir les témoignages des femmes, non seulement les victimes, mais aussi celles qui se sont reconstruites, afin de donner le courage aux femmes qui ont peur de dénoncer leur calvaire.

Pourquoi plusieurs femmes gardent-elles le silence ?

Après l’acte de dénonciation, il est impératif que ces femmes quittent leurs bourreaux.  Les victimes n’ont pas honte mais elles ont plutôt peur de ce qui va se passer après.

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Stéphanie Anquetil, députée du PTr

« c’est toute une question de mentalité »

stephanie anquetilStéphanie Anquetil note que les cas de violence à l’égard des femmes prennent l’ascenseur. « C’est effrayant de constater ce genre de chose », dit-elle d’emblée.

Il ne faut pas seulement mettre l’emphase sur la violence domestique mais sur toutes les formes de violence qui peuvent exister à l’égard des femmes, souligne-t-elle. « Quand on parle de la violence à l’égard des femmes, ce n’est pas uniquement la violence domestique mais la violence tout court, car il y a toutes sortes de violence qui existent », souligne la députée. Ainsi, il y a la violence psychologique ou encore le harcèlement, voire même la violence économique.

Les femmes subissent les violences qui se font contre elle, car c’est difficile pour elles de s’en sortir, par peur qu’elles ne se retrouvent sans logement et sans moyens de subsistance. Il est vrai que les femmes sont encouragées à dénoncer leur calvaire, mais que fait-on après la dénonciation ?, se demande la députée rouge. La femme doit être accompagnée après, et non pas seulement être placée dans un abri pour les victimes.

Stéphanie Anquetil se dit satisfaite que le ministère de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille ait abordé ce 25 novembre à Trianon la réhabilitation des agresseurs, une proposition qu’elle avait elle-même faite au Parlement durant le confinement. « Que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, c’est toute une question de mentalité. Si cette mentalité et cette culture changent, il y aura de grands changements », dit-elle.

Qu’en est-il de la violence perpétrée par des femmes à l’encontre d’autres femmes ? C’est une réalité qui existe, surtout dans le monde du travail, admet la députée, mais pense que, relativement, on ne retrouve pas beaucoup ce genre de situation, car moins de femmes occupent des postes de responsabilité.

Stéphanie Anquetil devait aussi aborder  la mort atroce de la policière Raghoo. « Cet acte doit être considéré comme étant un acte de violence envers la femme », maintient la députée. « Je suis révoltée, car à la veille de cette journée, des trafiquants de drogue se sont livrés à toute cette violence sur  cette policière », dit-elle.

wpc_raghoo‘The future is She’

Le parti Travailliste (PTr) a organisé un atelier de travail ce 25 novembre, ayant pour thème ‘The future is She’.

Cette journée a ainsi été consacrée à la réflexion, avec les femmes et les hommes. Des femmes et des hommes de plusieurs secteurs ont discuté sur la réalité et les lois en vigueur, qui sont, selon Stéphanie Anquetil, députée du PTr, « archaïques ».

Cet atelier a été aussi consacré sur le futur de la femme dans notre société.

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Rubina Daureeawoo, avocate

Rubina Daureeawoo«  Que les hommes soient aussi inclus dans ce combat »

L’avocate Rubina Daureeawoo constate que les gouvernements qui se sont succédé ont mis en place diverses loi pour protéger les femmes. Mais malgré cela, il est chagrinant de constater que la violence et la discrimination envers les femmes ne prennent pas fin. « Il faut surtout se poser la question : pourquoi les cas s’aggravent ces derniers temps ? », se demande-t-elle. Le chômage est-il en cause ? Ou bien est-ce la dégradation des mœurs dans le pays qu’il faut pointer du doigt ?

Rubina Daureeawoo explique que des amendements peuvent être apportés pour améliorer davantage les lois mais « il faut primordialement assurer que le mécanisme qui a été mis en place marche comme il se doit », dit-elle.

Elle propose que les hommes soient aussi inclus dans les campagnes de sensibilisation, en commençant notamment par un mouvement ‘He for She’.

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Récit d’une victime

Battue pendant presque un quart de siécle

violence femmePriyumvadha (prénom fictif), 24 ans, est une habitante des hautes Plaines-Wilhems. La jeune femme a grandi dans une maison avec un père violent. Sa mère, son petit frère et elle-même ont été ses victimes pendant plusieurs années. Sous le couvert de l’anonymat, elle nous raconte son calvaire, qui a maintenant heureusement pris fin.

Alors que Priyumvadha avait 2 ans, sa mère, qui avait à cette époque 27 ans, s’est séparée de son mari, pour cause de violence. Cette séparation a duré trois ans mais, à mesure que Priyumvadha grandissait, les proches de sa mère ont pu convaincre cette dernière à se réconcilier avec son mari

Mais hélas, les mauvais traitements avaient repris de plus belle. Priyumvadha voyait ainsi sa mère être rouée de coups par son père. « Ma mère et moi-même subissions les coups de mon père. Le jour que ma mère lui avait annoncé être enceinte, mon père, le soir même, avait essayé de la tuer en l’étouffant avec un oreiller. J’ai essayé de crier, mais il m’a crié dessus. Depuis, je n’ai jamais eu le courage d’intervenir quand mon père frappait ma mère. Quand il me frappait, moi, je ne faisais que pleurer et uriner dans ma culotte », raconte cette jeune femme.

Après la naissance du frère de Priyumvadha, elle gardait espoir que les choses allaient changer, mais encore une fois, non. Elle revient sur un incident où sa mère avait dû subir une opération à la main droite, et où on lui a mis des points de suture au ventre : « J’étais en SC. Un dimanche, après des leçons particulières, je rentrais chez moi. Ma mère était sous la douche, elle tenait un vêtement serré contre son ventre. La salle de bain était remplie de sang. Elle devait expliquer que mon père lui avait infligé un coup de couteau au ventre. J’étais en proie à une panique effroyable. La veille de mes examens du SC, j’ai dû accompagner ma mère à l’hôpital ». Mais heureusement, on avait pu suturer la plaie.

Malgré tous les coups que subissait sa mère, ce n’est qu’au début qu’elle avait dénoncé son époux mais après, elle s’est soumise, pour éviter que les gens ne parlent d’eux.

Depuis l’âge de 18 ans, Priyumvadha n’est plus battue par son père. En outre, le frère de la jeune femme a grandi, et ce dernier et elle-même font de leur mieux pour que leur père ne puisse pas continuer de frapper leur mère, qui aura bientôt 50 ans.

Au niveau international : pas de grand changement depuis 1960…

La première Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes remonte à 1960. 60 ans plus tard, malgré une certaine prise de conscience au niveau international, la situation demeure toujours aussi préoccupante.

Les sévices et tortures infligés à des millions de femmes sont bien réels et les colonnes de tous les journaux de la planète ne suffiraient pas si l’on voulait recenser la totalité de ces crimes.

Ainsi, aux États-Unis, une femme est battue par son partenaire toutes les 15 secondes. En Afrique du Sud, une femme est violée toutes les 23 secondes. Au Bangladesh, près de la moitié des femmes ont subi des abus physiques de la part de leurs conjoints. Une liste funeste de pays qui est très longue, trop longue même.

Mais le combat continue. Plusieurs organisations humanitaires, dont Amnesty International, ont uni leurs forces pour que la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes constitue l’occasion d’attirer l’attention de l’opinion publique sur les violences perpétrées quotidiennement à l’encontre des femmes.

Ce qui retient aussi l’attention : l’ONU propose actuellement 16 journées d’action contre les violences faites aux femmes.

Neevedita Nundowah