Ishtiyaq Caunhye, porte-parole de la « Mauritian Young Brotherhood » : « Le redécoupage et le BLS sont les deux faces d’une seule pièce »

Il se passionne de l’histoire et de la politique. Ishtiyaq Caunhye, jeune professionnel détenant un BSc en Actuarial Science et un MSc en Managerial Psychology, est le porte-parole de la « Mauritian Young Brotherhood ». Ce mouvement, qui existe depuis trois ans déjà, a formulé des propositions devant l’« Electoral Boundaries Commission » la semaine dernière. Dans l’entretien qui suit, il nous explique ses motivations…

 

Q : Pourquoi la « Mauritian Young Brotherhood » a-t-elle jugé nécessaire de déposer devant l’« Electoral Boundaries Commission » ?

On parle toujours d’inégalités numériques quand il s’agit des circonscriptions 2 et 3. Pourquoi y a-t-il une si grande disparité entre ces deux circonscriptions et les autres ? En remontant vers l’histoire, nous avons constaté que ces découpages avaient été faites pour une raison bien spécifique, celle de garantir les droits des minorités. Cela après qu’aucun candidat musulman en lice pour les élections ne fut élu en 1948. Il fallait trouver, à l’époque, une formule pour assurer une meilleure représentativité des minorités pour préserver la stabilité sociale. Le découpage des circonscriptions 2 et 3 visait ainsi à ce que les minorités puissent remporter au moins six sièges. Il ne s’agissait pas uniquement de la représentativité des Musulmans, mais aussi celle des Chinois. Le MMM alignait d’ailleurs toujours un Chinois au no. 2 et même au no. 3 il en avait déjà eu.

Quand on parle de redécoupage, il y a toujours cette crainte que les minorités ne soient plus adéquatement représentées à l’Assemblée nationale. Le débat que les circonscriptions doivent être numériquement égales est faussé puisque les minorités perdront automatiquement leur représentativité dans un tel cas de figure. D’où notre démarche de déposer devant l’« Electoral Boundaries Commission » (EBC). En tant que jeunes Mauriciens réalistes et pragmatiques, nous avons cru bon de proposer une solution qui soit acceptable à tous tout en préservant la balance ethnique, la paix et la stabilité sociale.

 

Q : De quoi s’agit-il exactement ?

Après consultation avec des chefs religieux, des « ring leaders » de différents mouvements ainsi qu’avec un groupe de réflexion, nous avons proposé qu’au no. 3, Paul Taureau, Caro Lalo et Chitrakoot soient inclus dans la circonscription no. 3. Ce qui résoudra le problème. Au no. 2, il suffit que la Place d’Armes, la rue Moka, Bell Village jusqu’à Sorèze en passant par les Guibies et Pailles soient ramenés dans cette circonscription. Cette solution n’entraînera aucune instabilité au niveau de la représentation ethnique aux nos 2 et 3. Cela assurera, à notre avis, la représentativité des Musulmans à l’Assemblée nationale. Nous avons aussi formulé d’autres propositions. À titre d’exemple, nous avons suggéré que Souillac et Chemin Grenier fassent partie du no. 13 au lieu du no. 14, d’autant que ces deux régions tombent déjà sous l’administration du conseil de district de Savanne.

Nous avons, par ailleurs, tenu à nous dissocier de certaines attaques contre l’EBC. Certaines personnes osent s’attaquer au gerrymandering tout en réclamant un recensement ethnique. Cela n’a pas de sens.

 

Q : Êtes-vous donc contre un recensement ethnique ?

À mon avis, cela ne changera rien pour les minorités. S’il y a un recensement ethnique, les exercices de recrutements, de nominations et de promotions se résumeront à un calcul de mathématiques. Le mauricianisme et la méritocratie n’auront plus de sens. Tout sera communalisé ou ethnicisé, comme à Madagascar. Nous ne voulons pas que Maurice en devienne ainsi.

 

Q : Pensez-vous qu’un redécoupage électoral est réalisable d’ici la tenue des prochaines élections ?

Il serait souhaitable qu’il en soit ainsi. Nous apprécions d’ailleurs le travail que l’EBC avait fait en 2009. Mais nous ne comprenons pas pourquoi le rapport n’a pas été présenté au Parlement. C’est inacceptable. C’est un gaspillage de ressources et de fonds publics. Nous espérons que tel ne soit pas le cas cette fois-ci. D’ailleurs, s’il n’y a pas de redécoupage en vue, c’est un retard de 30 ans qu’on accumulera, car rien n’a été fait depuis 1999 alors que les prochaines consultations, après celles-ci, ne devront se tenir qu’en 2019. D’ici là, les donnes risquent de changer encore plus. Il est donc très important que le redécoupage se fasse dans les plus brefs délais.

 

Q : Mais le redécoupage que vous préconisez pour garantir la représentativité ethnique tient-il la route dans la mesure où le « Best Loser System » sera remplacé par des « Best Loser Seats » ?  

En fait, le redécoupage et le BLS sont les deux faces d’une seule pièce, car les deux nous amènent au Parlement. Nous attendons de voir quelles propositions seront faites pour que la stabilité sociale soit préservée. S’il n’y a pas de propositions quant à la sauvegarde des droits des minorités, il vaudra mieux ne pas parler de réforme.

Un passionné avant tout…

Agé de 28 ans, Ishtiyaq Caunhye a fait ses études secondaires au collège Royal de Port-Louis avant d’entamer un diplôme en « Actuarial Science » et en « Managerial Psychology » à l’Université des Technologies. Marié et père d’un petit garçon, le jeune homme est un passionné de la géopolitique. Il suit ainsi de très près les développements politiques ou autres au niveau international. « Nous vivons dans un monde globalisé. Tout ce qui se passe ailleurs aura inévitablement des répercussions sur Maurice », souligne-t-il. Il se dit, par ailleurs, conscient qu’on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs. « Dans la vie, il nous faut prendre des risques calculés afin d’atteindre nos objectifs. Nanrien pas pou sappe dépi le ciel sans faire zefforts et sacrifices », lance le jeune homme.

MYB : Militer pour la bonne cause

La « Mauritian Young Brotherhood » a été fondée par des jeunes de différentes régions de Rose-Hill et compte aujourd’hui des adhérents à travers l’île. Son objectif : faire du social tout en œuvrant pour une meilleure île Maurice. Le MYB se veut d’être la voix des sans voix et mène un combat sans relâche, à travers des campagnes de sensibilisation, contre la drogue et le communalisme. Les membres sont très actifs sur Facebook, à travers leur page MYB-Mauritian Young Brotherhood, où ils évoquent souvent des sujets sensibles. « Nous ne prenons jamais des risques non-calculés. Toutes nos décisions sont prises après consultations avec des chefs religieux et des anciens expérimentés », précise Ishtiyaq Caunhye. La MYB organise aussi des activités à l’intention des plus jeunes, à l’instar du « Fun Day » tenu récemment à Plaisance, Rose-Hill.