Invasion de méduses Réchauffement climatique, pollution et surpêche sur le banc des accusés

Malgré son rôle important dans le développement écologique des océans, la méduse est méfiée de tous. Cette créature, présente dans les sept mers ressemble à un sac en plastique flottant, voire à un parapluie transparent.  Cependant, si la méduse semble inoffensive et anodine, cette créature est loin d’être gentille. Elle pique pour se défendre et pour se nourrir… Et les piqûres de méduse peuvent être dangereuses pour l’homme. Cette prédatrice marine est aussi une source de nourricière pour les poissons… mais pourquoi y a-t-il parfois des invasions de cette espèce marine ? Si les études scientifiques concernant la propagation des méduses n’en sont qu’à leurs débuts, les résultats sont déjà bien effrayants. En effet, les récentes recherches sur le sujet montrent bien que ces maxima ne sont pas dus qu’à la biologie : nous aidons largement les méduses à notre insu ! 

Marwan Dawood

Medusozoa… La méduse, l’une des plus vieilles habitantes des océans. Cet animal, qui ressemble bizarrement à un parapluie avec des tentacules, sera ‘l’invité’ de notre dossier cette semaine en raison de sa présence récurrente le long des côtes mauriciennes. Un parapluie à l’apparence inoffensive, qui, lorsqu’il vous pique, entraîne une sensation de brûlure.  Cette prédatrice de l’ombre a une arme fatale, sa transparence. Eh oui, dans l’eau vous ne la verrez pas venir, puisqu’elle est comme un sac en plastique transparent. Si pendant l’été, une baignade en mer est toujours la bienvenue, il faudra néanmoins compter avec ces bestioles, qui ne sont pas toujours dangereuses.

En dépit de cela, les méduses sont la bête noire des touristes. La piqûre de leurs filaments vénimeux, si elle est rarement mortelle, est très douloureuse. Elles mettent donc en péril les activités touristiques et économiques dans de nombreuses régions du monde. En particulier dans les pays qui dépendent de ces ressources, comme de nombreux pays en développement, à l’instar de l’île Maurice.

La méduse au menu des prédateurs

Beaucoup de poissons (comme le poisson-lune), les grands cétacés, les tortues (comme l’énorme tortue luth) et les oiseaux de mer incluent les méduses à leur menu, y compris les plus toxiques ! Les méduses sont aussi cannibalisées par d’autres méduses, plus grosses qu’elles, ou par d’autres animaux gélatineux.

La pollution et la surpêche pointées du doigt

Les sacs en plastique, abandonnés en mer, constituent un grand danger pour les prédateurs de méduses : s’ils les avalent, ils étouffent ! Les méduses se reproduisent alors parfois massivement, formant de gigantesques essaims sur des dizaines de kilomètres carrés ! Ces pullulations sont des phénomènes naturels mais depuis quelques années, elles deviennent de plus en plus fréquentes. Les scientifiques cherchent à en comprendre les raisons. La surpêche pourrait être l’une d’elles. Si trop de poissons mangeurs de plancton sont pêchés, le plancton disponible devient plus nombreux et les méduses s’en nourrissent abondamment.

Elles donnent naissance à plus de méduses qui, elles-mêmes, mangent de grandes quantités de plancton et de larves de poissons. Beaucoup de prédateurs de méduses disparaissent aujourd’hui parce qu’ils sont trop pêchés (comme les thons) ou parce que leurs lieux de ponte sont détruits (comme les tortues marines). Du fait de la disparition de ces derniers, les méduses prolifèrent.

Le réchauffement des mers serait également un facteur responsable de ces phénomènes de prolifération : il rend plus rapide la croissance des méduses qui arrivent plus vite à maturité et se reproduisent davantage. Les pollutions et les engrais agricoles qui se déversent dans l’eau favorisent le développement du plancton, dont se nourrissent les méduses.

Mais l’observation la plus inquiétante sur l’augmentation des méduses est relative à l’habitat des polypes, qui a considérablement changé au fil des siècles. Autrefois, quand les larves de méduses cherchaient des surfaces sur lesquelles s’accrocher, elles mettaient beaucoup de temps à ne trouver ne serait-ce qu’un rocher marin escarpé ou une coquille d’huître. Il arrivait qu’elles se fassent dévorer avant d’avoir pu trouver leur « maison ».

Mais, au fil des ans, les humains ont augmenté les chances de survie de ces larves en construisant des surfaces lisse comme des ponts, des ports ou encore des plateformes de forage. L’année dernière, une recherche rapportait que des polypes de nombreuses espèces avaient pour habitude de s’installer sur des surfaces comme des bouées ou des paquets de cigarettes flottant entre deux eaux.

Entretien

Vassen Kauppaymuthoo, océanographe, nous parle des invasions

  • Quelles sont selon vous les causes principales de ces invasions ?

Les méduses sont des organismes marins qui sont composés presque totalement d’eau et qui dérivent au fil des courants marins, contrairement aux poissons qui peuvent nager contre les courants et se déplacer à leur gré. Les mesures se développent souvent quand les conditions de température et de composition de l’eau de mer sont favorables : eau chaude et beaucoup de nutriments dans l’eau. Leur multiplication est aussi liée à la chute des stocks de poissons qui sont leurs prédateurs naturels : moins de prédateurs, donc plus de méduses.

  • Quel est le rôle du réchauffement climatique dans ce phénomène ?

Le réchauffement climatique joue un rôle important dans la température de l’eau de mer et sa composition chimique. Plus l’eau est chaude, moins elle contient d’oxygène dissous utilisé par les poissons, et plus les méduses se multiplient. On estime même que les méduses seront les derniers survivants de la catastrophe écologique que nous connaissons aujourd’hui car ce sont des organismes marins qui ont une structure très simple et qui résistent bien à la pollution et aux températures élevées.

  • Quels sont les types de méduses que nous pouvons trouver dans nos eaux ?

À Maurice, nous sommes situés au milieu de l’océan, et en tant qu’île, nous retrouvons la majorité des types de méduses, comme la Cassiopea. Le genre Cassiopea, aussi appelé Cassiopeia, est un genre de méduses de la famille des Cassiopeidae, de l’ordre Rhizostomeae et de la classe des Scyphozoa. C’est une méduse que l’on retrouve régulièrement dans les lagons peu profonds et les barachois.

Mais on retrouve aussi des méduses plus dangereuses comme le ‘box jellyfish’ qui peut infliger des brûlures mortelles pour l’homme. Les Cubozoaires, appelés aussi méduses-boîtes, constituent une classe de cnidaires, des invertébrés qui se distinguent des autres méduses par la forme de leur ombrelle en forme de cube.

  • Quels sont les risques à venir et comment contrôler les invasions ? 

Les méduses les plus dangereuses sont souvent transparentes car elles sont composées majoritairement d’eau. Leurs tentacules pouvant atteindre un mètre, il est souvent trop tard quand on voit la méduse. Il est prévu qu’avec l’augmentation de la pollution dans les océans, la chute des stocks de poissons qui sont leurs prédateurs et l’augmentation de la température de l’eau de mer qui appauvrit les couches supérieures des océans en oxygène, les méduses devraient être visibles de plus en plus souvent dans notre région. La seule façon de se protéger est d’être vigilant et de mettre en place un système de surveillance et d’information basé sur les observations ainsi que les instructions en cas de piqûre. Cela sera de plus en plus important à Maurice en tant que destination touristique.

Rencontre avec une méduse boîte

La méduse-boîte est reconnue comme étant l’un des animaux les plus dangereux au monde. Son arme : un venin à l’effet fulgurant. Avec leur tête transparente et leurs fins tentacules, elles ne paraissent pas particulièrement redoutables. Pourtant, un simple contact avec elles peut être fatal à un être humain. Les méduses-boîtes, parfois surnommées « guêpes de mer », font partie des animaux les plus dangereux. Leur secret réside dans le venin qu’elles produisent.

Cette substance, parmi les plus nocives au monde, contient des toxines qui vont attaquer le cœur, le système nerveux ainsi que les cellules de la peau. Un contact prolongé avec une méduse peut ainsi facilement conduire à un arrêt cardiaque en quelques minutes. La piqûre est aussi tellement douloureuse qu’il n’est pas rare que les victimes perdent connaissance et se noient. La méduse Cubuzoa, communément appelée méduse-boîte en raison de la forme de son ombrelle, possède des tentacules pouvant mesurer jusqu’à 3 mètres. Caractéristique unique : elle dispose de 24 yeux. La plupart des espèces de Cubuzoa ne présentent pas de menaces sérieuses pour l’homme, mais certaines peuvent être mortelles. Ces dernières vivent principalement dans l’océan Indien et dans l’océan Pacifique.

Conseils médicaux

Le Dr Ritesh Gujadhur : « Ne jamais uriner sur les piqûres de méduses » 

Il se pourrait que lors d’une de vos prochaines baignades, vous vous faites piquer par une méduse. Ne paniquez pas ! Certains premiers soins sont applicables, qui peuvent vous sauver jusqu’à l’arrivée des secours. En premier lieu, lorsque vous vous faites piquer, il faut bien reconnaître l’animal. Cette identification est importante pour déterminer le type de méduse qui vous a piqué et de là apporter les traitements adéquats.

Notre invité cette semaine, le Dr Ritesh Gujadhur, pratiquant en médecine générale, nous parle des piqures de méduses et des premiers soins à apporter. « Lorsque votre peau entre en contact avec une des tentacules de la méduse, les bulles d’air autour de celle-ci éclatent causant les épines à pénétrer la peau causant ainsi une sensation d’électrocution, comme une forte brûlure », explique le Dr Ritesh Gujadhur. Ce dernier énumère ainsi les nombreux symptômes suivant une ou plusieurs piqûres de méduse. Suivant la sensation de brûlure, le Dr Ritesh Gujadhur explique qu’une personne peut, inter alia, souffrir de démangeaisons, de douleurs, de formation des bulles d’eau sur la peau, des spasmes, des troubles respiratoires, de troubles de la vision et de vertige. Cependant, le médecin précise que ces symptômes diffèrent d’une personne à une autre

Le Dr Ritesh Gujadhur met fin également à une légende. « Non, l’urine ne guérit pas les piqûres de médusé. L’urine contient des bactéries qui pourront causer une infection. C’est scientifiquement prouvé que l’urine ne peut être utilisé en cas de piqûre », dit-il. Ce dernier explique alors comment s’y prendre. « Il faut que les tentacules soient enlevées de la peau de la personne mais attention de ne pas se faire piquer soit même. Pour cela, il faut utiliser un bâton ou du sable pour se protéger. Par la suite, avec de l’eau distillée, il faut rincer abondamment la partie touchée et ne jamais utiliser une aiguille ou de l’alcool, qui risque également d’infecter la plaie », explique le médecin.

Le Dr Ritesh Gujadhur explique également qu’il ne faut jamais sucer le venin. « Il faut appliquer une crème pour garder humide la partie touchée et se rendre illico presto à l’hôpital. Une piqûre de méduse ne tue pas, mais son venin déclenche des réactions allergiques qui apportent des complications et si cela n’est pas traité, on peut en mourir », dit-il.