Intentions vs. actions

Par Zahirah RADHA

Pravind Jugnauth martèle sans arrêt sa détermination à libérer le pays du trafic de la drogue. Il sera sans pitié, dit-il, envers les trafiquants qui ont des complices au sein des institutions. « Nou pa pou laisse zotte sappé. Ki li étranzé, ki li connaissance, ki li camarade, mo pou azir sans pitié », a réitéré le Premier ministre lors d’une marche contre la drogue à Saint-Pierre, jeudi. Mais encore faut-il que ses actions rejoignent ses bonnes intentions. Crier haut et fort qu’on veut nettoyer le pays du joug de ce fléau mortel à chaque fois que l’occasion s’y prête ne changera en aucune façon la situation. Pire, il laisse transparaître quelqu’un qui n’a pas vraiment le courage de passer à l’action au moment voulu. Alors que les dernières auditions à la commission Lam Shang Leen semblent être incriminantes contre certains élus et proches du gouvernement, l’on est en droit de s’interroger sur la volonté réelle, et surtout la capacité, du pouvoir de venir à bout du commerce de la mort.

La tâche de Pravind Jugnauth s’avère d’autant plus périlleuse puisque la perception veut qu’à chaque fois que le MSM est au pouvoir, il y a une prolifération de la drogue. Les récentes révélations sur Sanjeev Teeluckdharry et Raouf Gulbul – sans oublier celles, pas si lointaines, contre la PPS Roubina Jadoo-Jaunboccus – n’ont fait qu’alimenter cette perception. Si la proximité du « zenfan lakaz » Geanchand Dewdanee, arrêté dans le cadre de l’enquête sur l’importation des 135 kilos d’héroïne valant plus de Rs 2 milliards dans le port en mars dernier, avec les dirigeants du pouvoir avait choqué la population, les connexions de ces élus et nominés du gouvernement avec des trafiquants, et non des moindres, ont de quoi nous interpeller. D’autant qu’un de ces élus n’est autre que le Deputy Speaker de l’Assemblée nationale. Que dire de Raouf Gulbul, candidat battu de la défunte alliance Lepep lors des élections de décembre 2014 ? Malgré les graves allégations de deux témoins, en l’occurrence Parwiza Jeeva et Jackarie Bottesoie, devant la commission d’enquête sur la drogue contre cet avocat, le président de la Gambling Regulations Authority (GRA) et de la Law Reform Commission (LRC) demeure toujours en poste. Sans aucun scrupule. Sans aucune gêne.

À moins que le Premier ministre ne décide d’intervenir, tout laisse croire que le Senior Counsel restera agrippé à ses fauteuils même si une troisième personne, une jeune avocate cette fois-ci, pourrait l’incriminer devant la commission dans les jours à venir. Pourra-t-on cependant attendre à ce que Pravind Jugnauth adopte une attitude ferme et révoque ce nominé politique sur qui circule d’autres informations troublantes ? Rien n’est moins sûr. Le Premier ministre aura-t-il le courage de prendre une telle sanction contre Raouf Gulbul tandis qu’il se retrouve lui-même embourbé dans l’affaire Medpoint ? Comment peut-il révoquer un nominé sur qui pèse des allégations alors qu’il fera bientôt face à un procès en appel devant le Privy Council ? Voyez-vous la complexité et l’incongruité de toute l’affaire ? Le Premier ministre étant lui-même pris au piège, il ne pourra bouger de pion contre Gulbul sans y laisser des plumes. « Mo pou azir sans pitié », a-t-il dit. Avant qu’il n’agisse contre les trafiquants, il faudra d’abord que Pravind Jugnauth balaie devant sa porte. Il serait ainsi intéressant de voir comment il s’y prendra contre les Gulbul, Teeluckdharry et Jadoo-Jaunboccus. Ces derniers accepteront-ils une quelconque sanction d’un leader et chef de gouvernement qui est loin d’être aussi ‘clean’ qu’il prétend être ?