Insécurité Persistante

Les scènes d’horreur à Chemin-Grenier et à Petit-Raffray sont venues mettre en exergue les crimes qui font, ponctuellement, l’actualité.  Un cas de plus et un cas de trop.  Les coups pleuvent et peuvent même aller jusqu’à l’irréparable…le meurtre.  Pourquoi connaît-on cette recrudescence de la violence ? Nous avons cherché à obtenir auprès de la police des éléments de réponse et des statistiques, mais au moment de mettre sous presse, nous étions toujours dans l’attente. Cependant, d’autres questions se posent. Assistons-nous à une dégradation des valeurs morales ? Vivons-nous dans un monde où tuer est devenu plus facile que pardonner?

Marwan Dawood/ Christelle Gourdin

Une onde de choc traverse le pays actuellement.  Rien qu’en une semaine, une femme démembrée a été retrouvée sur un terrain en friche, et seulement quelques jours après, une jeune femme de 20 ans a été retrouvée poignardée dans sa maison, sur toile de fond une affaire de cœur.  Pendant ce temps, les cas de vol se sont multipliés et plusieurs cas ont été mentionnés dans la presse. De tels actes de violence gratuits, lourds de conséquences, très souvent irréfléchis, sont quasi hebdomadaires et peuvent frapper n’importe qui. N’importe où.  Le constat est simple, les Mauriciens vivent dans la peur et avec méfiance, que ce soit dans le cercle familial ou au travail.

Le nombre de cas rapportés dans la presse semble être de mauvais augure pour les statistiques. Cependant, nous ne pouvons faire état du nombre de meurtres enregistrés pour la période janvier 2015- juin 2016. En effet après vérification au niveau de Statistics Mauritius,  les derniers chiffres disponibles datent de 2014 (voir hors-texte).  Du côté du Crime Records Office, on apprend que les chiffres sont en train d’être compilés et ne seront disponibles que le 12 août prochain.  En dernier recours, nous avons cherché auprès du Police Press Office, mais à l’heure où nous mettions sous presse, nous étions toujours dans l’attente d’une réponse.

Selon Me Neilkanth Dulloo, nous pouvons départager en plusieurs catégories un cas d’homicide.  Les deux principales définitions d’homicide sont : homicide involontaire et homicide volontaire. Cependant, le Criminal Code de l’île Maurice est encore plus explicite en ce qui concerne les cas d’homicide volontaire et il n’existe pas de loi spécifique pour cela. « Nous avons au moins cinq ou six définitions dans la loi pour catégoriser les homicides », l’homme de loi nous fait alors une liste. Meurtre avec préméditation, Assassinat sans préméditation, Wounds and Blows pouvant conduire à mort d’homme, Wounds and blows causant mort d’homme sans intention de tuer, agression mortelle avec préméditation, agression mortelle sans préméditation, sont parmi les cas qui sont souvent présentés en cour (voir hors-texte pour les peines).

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D’où vient le problème ?

Une absence de valeurs est certainement le premier à se présenter dans le box des accusés.  Y a-t-il un problème que personne n’arrive à cerner ? Une chose est sûre, c’est que nous nous éduquons, mais est-ce que sommes-nous formés suffisamment pour vivre une vie sans se mettre en danger ou sans être un danger pour les personnes dans notre entourage ?  Pour en savoir plus, nous avons cherché l’avis d’un sociologue en la personne d’Ibrahim Koodoruth.

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Ibrahim Koodoruth 

« Il faut rééduquer la population sur les valeurs morales ».  Pour le sociologue, il y a plusieurs facteurs qui poussent une personne à commettre un meurtre. Cela peut être pour des raisons personnelles ou émotionnelles. Il estime que par moments, certaines personnes ne peuvent gérer leurs émotions.  Quand on parle d’émotion dans un cas de meurtre, le plus souvent on a affaire à des crises de jalousie ou de colère ou même la frustration. Ce qui se passe, c’est que la personne souffrant de ces troubles émotionnels cherche alors une proie, un souffre-douleur.  « L’alcool, les drogues, les problèmes de couple, les problèmes familiaux sont aussi d’autres facteurs à considérer ». Ibrahim Koodoruth est d’avis que les films portant des scènes de violence extrême peuvent aussi être un facteur à risque, car les réalisateurs ont tendance à banaliser ces actes de violence.  Il ajoute que cela dépend aussi des antécédents et du milieu de la personne, car tous ceux qui regardent les films violents ne commettent pas de crime. « L’État n’est pas à blâmer car c’est un acte individuel qui est caractérisé  par des problèmes personnels ». Aussi dans cette optique, il suggère que le gouvernement aide les gens à mieux gérer leurs problèmes quelle que soit la nature. Le sociologue avance aussi que les Mauriciens, plus particulièrement les jeunes, ont été beaucoup confrontés ces dernières années à des valeurs « importées » à travers l’internet.

À Maurice, les crimes augmentent de plus en plus d’année en année. Quels sont les facteurs qui poussent un individu à commettre un crime ? Quelles sont les mesures envisageables ?  Alors que certaines personnes demandent de l’aide auprès des spécialistes, d’autres se laissent envahir par les émotions et finissent par commettre des actes monstrueux. Véronique Wan Hok Chee, psychologue, donne son avis.

Les ‘crimes crapuleux’, selon Véronique Wan Hok Chee, sont  inévitables. Elle nous fait part qu’une bonne éducation de base serait la seule solution à ce problème. La société se presse trop. « Dans la vie, il faut être patient », souligne-t-elle.  Le  seuil de tolérance est quasiment  bas à Maurice. Par ailleurs, elle nous relate les différents facteurs qui peuvent entraîner certaines personnes à commettre des actes horribles : le manque de patience, un caractère incontrôlable et l’accumulation de stress. Néanmoins, la fragilité psychologique est présente dans la société, soit en raison d’un événement ou  d’une mauvaise éducation et cela reflète la réalité. Or, les crimes passionnels sont très fréquents à Maurice, commis surtout par la gent masculine. La jalousie maladive, le manque de communication, la dépendance affective, l’amour obsessionnel  et bien d’autres encore sont les éléments qui  les poussent à agir violemment.  Selon la psychologue, les femmes sont aussi impulsives que les hommes, mais ces derniers ont du mal à contrôler leur colère et ont tendance à être plus agressifs. Or, il y a aussi des personnes qui sont psychologiquement malades, par exemple l’acte terroriste à Nice. Ils doivent être soignés car ils risquent d’influencer les autres.

«Eliminer quelqu’un, c’est de mettre fin à ses souffrances », explique-t-elle. La vie est faite de pluies et de beau temps, mais beaucoup de personnes n’arrivent pas à gérer un excès d’émotions lors des mauvaises expériences de la vie. La souffrance est la clé de ces actes odieux. La société perd de ses valeurs. Des actions doivent être prises pour les aider ou même prévenir d’autres cas.

Qu’en est-il de la formation ?

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Binela Venkatasawmy

Nous avons fait mention plus haut d’un manque de formation qui rend nos jeunes principalement susceptibles d’être violents.  Avoir un manque ne veut certainement pas dire une absence totale.

À Maurice nous avons une association au nom de Men Against Violence (MAV) qui existe depuis 2011.  Cette association mène des campagnes de formation auprès des jeunes pour mieux les conscientiser contre la violence et ainsi éviter qu’ils ne se transforment dans l’avenir en meurtriers. Binela Venkatasawmy, champion* de MAV, nous explique que c’est à la suite d’une initiative de Women In Networking (WIN) que cette association a vu le jour.  Pour Binela Venkatasawmy, le nombre de meurtres perpétrés à Maurice n’est que le «tip of the iceberg ».  Elle estime que le problème est plus profond que cela.

« Pour arriver à un meurtre, il faut prendre en compte que la personne a souvent été elle-même victime dans le passé. Soit à l’école, soit dans son environnement familial. Aujourd’hui, nous sommes arrivés dans une phase de la vie où tout le monde est stressé avec le manque de temps. » Binela Venkatasawmy est d’avis que le manque de conversation, de dialogue entre parents et enfants peut aussi être un facteur qui forcera quelqu’un à commettre un délit meurtrier.  Il nous faut bien comprendre ce que c’est que la violence.

Comme nous, l’association MAV ne dispose pas de dernières statistiques. Mais pour Binela Venkatasawmy, certains faits sont là. « Sur 10 femmes, trois sont victimes de violences physiques. Sur 100 femmes, 95% des cas de violences sont perpétrés par des hommes. Et l’État mauricien débourse plus de Rs1,4 milliard par an pour combattre le problème de violence domestique. »

Pour conclure, nous avons demandé à la champion* de MAV ce que son association pense sur l’introduction de la peine de mort pour combattre les crimes, et elle nous a répondu de façon catégorique ; «  Vous pouvez mettre toutes les lois que vous voulez, mais le problème restera entier. Il faut commencer à combattre ce mal à la racine, soit par une bonne éducation de la société et une bonne formation des jeunes. »

Comment remédier à la situation ?    

Beaucoup de pays, notamment les plus développés, font aussi face à ce genre d’atrocité, mais en tant qu’une petite île, les atrocités de ce genre sont trop élevées.

Véronique Wan Hok Chee suggère de faire une approche dans l’immédiat. Les parents doivent être plus attentifs, plus éducatifs et plus à l’écoute de leurs enfants. En d’autres mots, les parents doivent être formés afin de pouvoir gérer la nouvelle génération qui s’avère plus active. « J’ai eu récemment un jeune patient, psychologiquement maladif. Il s’est permis de frapper sa mère au point de laisser des bleus sur ses bras en raison de son échec aux examens », ajoute-t-elle. Une autre solution serait d’intégrer une filière académique spécifique, par exemple les ‘emotional values’ à l’école, pour aider les jeunes à se contrôler émotionnellement, voire le stress et la colère.

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Section 222 du Criminal Code: – Penalty for murder and infanticide

Any person who is convicted of – (a) murder or murder of a newly born child, shall be sentenced to penal servitude for 45 years; (b) attempt at murder or attempt at murder of a newly born child, shall be liable to penal servitude for 45 years. (2) Any woman guilty of infanticide shall be liable to penal servitude for life or for a term not exceeding 15 years. (3) Any woman guilty of attempt at infanticide shall be liable to penal servitude.

Section 223 du Criminal Code: – Penalty for manslaughter

Any person guilty of manslaughter preceding, accompanying or following another crime shall be liable to penal servitude for life. (2) Any person who attempts to commit manslaughter in the cases mentioned in this section shall be liable to penal servitude. (3) In every other case, a person guilty of manslaughter shall be liable to penal servitude for life or for a term not exceeding 20 years.

Section 228 du Criminal Code Article 3:- Assault with aggravating circumstance

Si les coups portés ou les blessures faites volontairement mais sans intention de donner la mort, l’ont pourtant occasionnée, le coupable sera puni de servitude pénale n’excédant pas 10 ans.

Section 229 du Criminal Code: – Assault with premeditation

Where there has been premeditation or lying in wait, the punishment, if death has ensued, shall be penal servitude, and if death has not ensued, shall be penal servitude for a term not exceeding 10 years.

Champion *- Appellation utilisée pour qualifier la personne à la tête de l’association Men Against Violence.