Inondations à Port-Louis et situation des drains : Des gros investissements qui tombent à l’eau

90 minutes de pluie non-stop et tout le pays retient son haleine.  Port-Louis est constamment surveillé comme du lait sur le feu car les risques d’inondations à chaque fois que la pluie tombe abondamment sont réels.  Pourtant, ils sont nombreux qui diront que le gouvernement a investi beaucoup d’argent dans la construction et  maintenance des drains, mais force est de constater que la situation ne semble guère s’arranger pour les habitants de la capitale. Et une fois de plus, les drains sont les premiers pointés du doigt… C’est ainsi que l’affirmation suivante se confirme, en l’absence d’une planification bonne et durable, les investissements par milliards tombent à l’eau, au péril de la vie des Port-Louisiens.

Marwan Dawood

Le dimanche 17 février dernier tout le pays a retenu son souffle lorsque les premières images de la ville de Port-Louis sont apparues quelques minutes seulement après que la pluie s’est mise à tomber.  Immédiatement, les séquelles du 30 mars 2013 ont surgi et ces pluies de dimanche dernier ont permis de révéler une chosi, en dépit des investissements massifs du gouvernement actuel et de l’ancien gouvernement également, les drains posent encore et toujours problème. Trop étroits, pas profonds, obstrués… les drains de la capitale et ailleurs sont les premiers coupables des accumulations d’eau.  Par ailleurs, les investissements ne manquent pas… selon les chiffres obtenus auprès des institutions responsables, les investissements sur les cinq dernières années dépassent le milliard.

Rs 850 millions…c’est la somme que le gouvernement a investi depuis décembre 2014 uniquement dans des travaux entourant la construction et l’aménagement des nouveaux drains et la maintenance des drains existants.  Mais cela ne semble pas suffire pour contenir les forces de la nature car selon la National Emergency Operation Command, les pompiers sont intervenus au minimum une soixantaine de fois dans la journée de dimanche.  Et pour couronner le tout, on aurait tendance à oublier que Port-Louis n’est pas que le centre-ville. Port-Louis c’est aussi, Terre-Rouge, Vallée-des-Prêtres, Bell-Village, Pailles, Vallée-Pitôt, Ste-Croix, Plaine-Verte, Route Militaire, Cité Martial, Canal Dayot, Cité Vallijee, Pointe-aux-Sables…bref toutes ces régions de la capitale ont été grandement touchées par les inondations de dimanche dernier.

Paralysée…heureusement que…

En un peu plus de 90 minutes, les rues de la capitale étaient méconnaissables. L’autoroute, à hauteur de Cassis, inondée, fermée même sur la Place d’Armes, les maisons dans les faubourgs comme Terre-Rouge, Plaine-Verte, Vallée-Pitôt et autres inondées… Bref, la capitale était sous paralysie. La Special Mobile Force (SMF), les pompiers et même les garde-côtes ont dû se mettre en quatre pour venir en aide à la population en détresse. Le gouvernement a pourtant investi des milliards dans les drains pour éviter qu’une telle situation ne se répète. En vain, semble-t-il.

En chiffre les investissements…

Selon les données disponibles, de janvier 2015 à janvier 2019 soit en quatre ans le gouvernement MSM-ML a investi la somme de Rs 842,6 millions dans les travaux des drains visant à sécuriser les quatre circonscriptions qui forment la région de Port-Louis.

La circonscription numéro un (Grande Rivière Nord-Ouest/ Port-Louis Ouest)  a bénéficié de Rs 285 millions;

La circonscription numéro deux (Port-Louis Sud/ Port-Louis Central) Rs 302,3 millions ;

La circonscription numéro trois (Port-Louis Est/ Port-Louis Maritime) Rs 65,3 millions

Au numéro quatre, (Port-Louis Nord/ Montagne Longue) Rs 190,1 millions.

Comment arrive-t-on à la somme de Rs 1 milliard ?

Après les inondations du 30 mars 2013, le gouvernement de Navin Ramgoolam avait décaissé aux alentours de Rs 500 millions pour des travaux de drains afin qu’un tel scénario ne se reproduise plus. Le plus gros de ce budget avait été englouti par un drain de trois mètres de large sur le flanc de la montagne des Signaux qui se déverse à Sable Noir et dans le Ruisseau du Pouce. L’objectif de ce nouveau drain était d’empêcher que l’eau de pluie ne ruisselle de la montagne pour atteindre le centre-ville…Si on y ajoute les travaux effectués dans la capitale sous le présent gouvernement, de 2015 à janvier de cette année, on dépasse aisément le milliard de roupies.  Il faut compter également l’agrandissement du canal Saint-Louis à Canal Dayot et des drains capables d’évacuer 100 m3 d’eau sur la Place d’Armes. Et c’est sans compter les sommes que la municipalité de Port-Louis a dû injecter elle-même dans d’autres drains.
De 2015 à janvier 2019, l’investissement de l’actuel gouvernement pour les drains dans la capitale s’élève à Rs 842,6 millions. Cela donne un total de Rs 1,3 milliard investies dans les drains autour de Port-Louis sur les six dernières années.

Le rapport des consultants singapouriens

Le rapport des consultants singapouriens après les inondations de 2013 avait déjà prévenu que « it would be difficult to predict and design any viable flood management system to deal with such rain events  ». Complique de gérer 152 mm de pluie en 90 minutes, peu importe l’état des infrastructures. Pourtant le gouvernement ne s’est pas empêché d’investir plus de Rs 450 millions dans un nouveau réseau de drains, sans compter les autres petits travaux adjacents.

 

 

Rs 495 millions. C’est le montant total déboursé par la National Development Unit, la Road Development Authority et les collectivités locales pour la construction de drains. C’est ce qui ressort d’un rapport déposé à l’Assemblée nationale en février 2018 qui révèlent que des constructions de drains seront entreprises dans différentes parties de l’île. Et pour mener à bien ce projet, un comité ministériel avait été constitué et avait établi une liste prioritaire des régions qui nécessitent des drains.

Par ailleurs, pour les deux prochaines années, les autorités ont assigné Rs 304 millions pour la construction des drains.

Les coûts pour la construction de drains par les mairies et District Council : 

  • Port-Louis (Circonscriptions 1 à 4) : Rs 90 525 000
  • Pamplemousses (Circonscriptions 5 à 7) : Rs 37 960 000
  • Rivière-du-Rempart : (Circonscription 6) : Rs 1 200 000
  • Moka : (Circonscriptions 8, 10 et 17) : Rs 40 500 000
  • Flacq : (Circonscriptions 9 et 10) : Rs 10 000 000
  • Grand-Port : (Circonscriptions 11, 12 et 17) : Rs 30 029 000
  • Savanne (Circonscriptions 13 et 14) : Rs 1 420 000
  • Vacoas-Phoenix (Circonscriptions 15 et 16) : Rs 31 450 000
  • Curepipe (Circonscriptions 16 et 17) : Rs 28 138 600
  • Quatre Bornes (Circonscriptions 14 et 18) : Rs 31 720 000
  • Beau Bassin/Rose-Hill (Circonscriptions 19 et 20): Rs 16 275 000
  • Rivière-Noire (Circonscriptions 14 et 20) : Rs 15 600 000

Dépenses additionnelles par la municipalité de Port-Louis

La National Development Unit (NDU) a déboursé Rs 49 millions pour construire des drains dans la région de Port-Louis depuis 2016.  Les ouvriers municipaux construisent ces conduits d’évacuation sur trois kilomètres, dans les circonscriptions nos 1, 2 et 4.  Une cinquantaine de handyworkers de la mairie de Port-Louis bâtiront ces trois kilomètres de drains en béton.

Toujours en 2016, la municipalité de Port-Louis avait alloué une enveloppe de Rs 70,8 millions pour la construction de drains dans les zones inondables de la capitale. À cette époque la mairie de Port-Louis mettait les bouchées doubles pour mettre en œuvre des travaux de construction de drains dans les quatre circonscriptions de la capitale. Un budget de Rs 70,8 millions a été obtenu en ce sens, dont Rs 13,6 millions pour la circonscription Grande-Rivière-Nord-Ouest/Port-Louis Ouest (no 1), Rs 16,5 millions pour Port-Louis Sud/Port-Louis Central (no 2), Rs 22,3 millions et Rs 19,4 millions respectivement pour Port-Louis Maritime/Port-Louis Est et Port-Louis Nord/Montagne-Longue  (nos 3 et 4).

Pas moins d’une vingtaine de sites, notamment Résidences La Tourelle à Pointe-aux-Sables, River Side à Pailles, la rue Chalet à Vallée-Pitot, rue La Poudrière, rue Magon, Quartier Shell et Ligne 5 à Roche-Bois, l’angle des rues Victor Ducasse et Militaire, School Lane à Vallée-des-Prêtres, Chitrakoot, Cité Briquetterie et Canal Anglais étaient parmi les priorités de la municipalité.

Les types de drains posent problèmes

Depuis quelque temps, les autorités ont pris la décision  de remplacer les drains en pierre, datant de la période coloniale, par ceux en béton et cela fait  tiquer plusieurs Portlouisiens. Ces drains qui étaient les vestiges d’une période historique donnaient à la Capitale son originalité.

 

«Nous avons un bon réseau de canalisation. C’est la culture de maintenance qu’il faut», lance d’emblée un ingénieur. Selon lui, le nettoyage des drains doit se faire toutes les semaines. Ensuite, il explique qu’il ne faut pas les recouvrir. Autre suggestion : ne pas faire du bétonnage. «Il faut prendre en considération la hauteur des bâtiments. Avant de donner un permis, il faut s’assurer que le bâtiment soit plus haut que le niveau de la route.» Il ajoute que les drains doivent être plus larges et plus profonds à cause des pluies intenses.

Il affirme que la Land Drainage Authority doit être opérationnelle au plus vite pour développer une approche plus holistique et intégrale du problème et aussi durable. Pour notre interlocuteur, il faut également comprendre l’occurrence des inondations soudaines en tant que phénomène international croissant, nécessitant une préparation adéquate et des protocoles clairs.   Deux types de drains sont choisis. Si c’est pour une habitation, dans une ville très fréquentée par des véhicules, les drains en béton sont privilégiés. Quant aux drains construits dans les faubourgs, ils sont en maçonnerie.

Du côté de la Road Development Authority (RDA), on privilégie également le béton armé pour le système de drains sur les routes classées. On explique que ces drains sont conçus pour prendre les débits (volume d’eau qui traverse une surface) de la route. Où l’eau est-elle déversée ? Les drains sont conçus d’une telle façon que l’eau se déverse soit dans les rivières, dans la mer, dans des cours d’eau ou dans d’autres canaux existants.